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Bush cherche la bagarre avec l’Iran
vendredi 2 février 2007 - Simon Tisdall - The Guardian

Nicholas Burns, le diplomate américain en chef en charge de la politique iranienne, dit que Washington "ne cherche pas la confrontation" avec Téhéran. La ligne officielle est que Washington a pris consciemment la décision de "repousser" l’Iran sur un éventail de fronts où les intérêts des deux pays sont en conflit. En premier lieu, cela signifie l’interférence perçue de Téhéran en Irak, où son influence sur le gouvernement dirigé par les Chiites et la population chiite majoritaire paraît croître au fur et mesure que Washington s’affaiblit.

Le porte-parole du Département d’Etat, Sean McCormack, a soutenu cette semaine que l’administration avait une masse de preuves impliquant l’Iran dans des attaques sectaires contre la minorité iraquienne sunnite. "Il y a de fortes raisons de croire cette information dont nous disposons déjà et nous en en accumulons constamment plus", a-t-il déclaré au New York Times.

Des fonctionnaires de la CIA et du Pentagone rendent publics des renseignements selon lesquels "les Iraniens introduisent en contrebande en Irak des dispositifs sophistiqués d’explosifs, des mortiers et des plans détaillés pour raser des quartiers arabes sunnites", déclare cet article. Les fonctionnaires devraient développer cette semaine des "arguments détaillés". Mais le Président Bush a déjà agi sur l’information qu’il a reçue. Il a confirmé hier qu’il a ordonné en fait aux forces américaines de tuer ou de capturer les "agents" iraniens qui visent des Américains en Irak - comme cela s’est produit un peu plus tôt ce mois-ci [le 20 janvier] lorsque cinq fonctionnaires iraniens ont été placés en détention à Arbil.

Hassan Kazemi Qumi, l’ambassadeur de l’Iran en Irak, a tourné en ridicule les "cartes sectaires" et les preuves que l’armée américaine a dit avoir obtenues au cours d’un raid sur un quartier chiite à Bagdad. Il a répété l’affirmation de Téhéran selon laquelle les Iraniens étaient en Irak pour aider aux "problèmes de sécurité". Barham Saleh, le vice-Premier ministre irakien, se plaint que les Etats-Unis et l’Iran transforment son pays en une "zone de conflit et de concurrence" et suggère qu’ils aillent se battre ailleurs.

Mais comme ce fut aussi le cas dans les jours qui ont précédé la chute de Saddam Hussein, des forces extérieures puissantes, allant de groupes de l’opposition iranienne exilée à des chefs politiques israéliens, semblent avoir l’intention d’attiser les flammes - et d’embobiner la Maison Blanche.

"La Force al-Quds des Gardiens de la Révolution Islamique d’Iran intensifie le terrorisme et encourage la violence sectaire en Irak", a déclaré ce mois-ci au Washington Times [quotidien néoconservateur] Alireza Jafarzadeh, un dissident iranien basé aux Etats-Unis qui a été lié au groupe de résistance Mujahidin-e-Khalq (MeK). M. Jafarzadeh est crédité d’avoir révélé l’existence des sites nucléaires secrets iraniens à Natanz et Arak en 2002.[1]

"Il y a une montée très rapide du financement du terrorisme et de la violence sectaire en Iran depuis ces derniers mois", a déclaré M. Jafarzadeh lors d’une conférence organisée par la Commission sur la Politique Iranienne [Iran Policy Committee], un lobby à Washington qui fait pression sur le Département d’Etat pour retirer le MeK de sa liste terroriste.

Israël appuie aussi le dossier des renseignements tout en faisant monter les enchères, soutenant avoir connaissance du fait que Téhéran est à une ou deux années d’acquérir une capacité de fabrication de base d’armes nucléaires. Dans une interview à la BBC, la semaine dernière, l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahou a comparé le régime du Président Mahmoud Ahmadinejad aux Nazis de Hitler. S’exprimant à Davos, le vice-Premier ministre Shimon Peres, a exigé un changement de régime immédiat ou, en cas d’échec, une intervention militaire.

La "pression" américaine pour forcer l’Iran à "se retirer" comprend de nombreux autres éléments qui vont au-delà de l’Irak. Des rapports non confirmés suggèrent que le vice-Président Dick Cheney a passé un accord avec l’Arabie Saoudite pour maintenir une production de pétrole élevée alors même que les prix chutent, afin de saper la principale source iranienne de devise étrangère. Washington se livre à des sanctions financières globales, en dehors de l’Onu, contre Téhéran ; encourage et arme un "nouvel alignement" des Etats arabes sunnites du Golfe ; et met en lumière le rôle de l’Iran dans le "soutien au terrorisme" en Palestine, où il a aidé à financer le gouvernement du Hamas, et au Liban, où il soutient le Hezbollah. Les Etats-Unis déploient aussi des forces navales puissantes dans le Golfe qui ne sont pas de beaucoup d’aide en Irak mais qui pourraient aisément être utilisées pour monter des attaques aériennes contre l’Iran.

Pratiquement n’importe lequel de ces développements pourrait produire un casus belli. Et lorsqu’on les prend ensemble, malgré les protestations officielles, ils semblent indiquer une seule et unique direction. Un commentateur américain a suggéré que l’administration Bush "cherche une fois de plus la bagarre".


Note :

[1] Cela nous rappelle comment Ahmed Chalabi, le dissident irakien basé aux Etats-Unis avait indiqué à l’administration Bush les soi-disant caches d’Armes de Destruction Massive en Irak, ayant conduit à l’invasion de 2003 et au renversement de Saddam Hussein. On notera aussi qu’Ahmed Chalabi était l’invité du groupe de Bilderberg pour l’Irak à Ottawa en 2006.

Simon Tisdall - The Guardian, le 31 janvier 2007 : Bush ’spoiling for a fight’ with Iran
Traduit de l’anglais par Jean-François Goulon, Questions Critiques