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Je vis sous une tente, sans aucune intimité
mercredi 26 août 2009 - Aylman Quader
The Palestine Telegraph
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Tout ce qui me reste maintenant, c’est une tente qui ne fait pas plus de quelques mètres, où mes enfants et moi dormons sur le sable.




Ilham, 30 ans, maman de 6 enfants, vit dans le district d’Al-Atatra, dans le nord de la bande de Gaza. La guerre d’Israël a eu un impact énorme sur elle ; la guerre a détruit sa maison, la maison de ses parents et tué son frère.

Ilham et sa famille ont passé 25 jours dans une école de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) pour s’abriter des missiles de mort au phosphore qui pourchassaient la population de la bande de Gaza.

Elle raconte son histoire :


« Les forces armées israéliennes ont bombardé notre maison avec de nombreux missiles, elles ont abattu ses murs, mis le feu dans les pièces et répandu l’obscurité (les nuages de gaz des missiles) tout autour de nous, au point que nous ne pouvions plus respirer. Après des heures où nous avons fait face à la mort, l’ambulance nous a transportés à l’hôpital.

« Nous sommes allés dans une école, à l’école Asma’a Gaza Al Jadida, chercher une certaine sécurité car nous étions cinquante personnes de différentes familles qui dormions dans la même pièce : les hommes, les femmes et les enfants. Je n’avais aucun sentiment de sécurité. Je n’ai pu fermer l’ ?il de toute la guerre et toute cette période que nous avons passée à l’école, sans parler des bruits atroces des missiles et des roquettes qui nous entouraient de tous côtés.

« Je portais le niqab [voile couvrant le visage] depuis des années, mais quand je me suis retrouvée dans l’école avec cinquante autres personnes, la plupart étant des hommes, dans une seule pièce qui n’excédait pas les seize mètres [de côté *] j’ai été obligée de l’abandonner. J’ai perdu ma liberté pendant la guerre, et même après.

« Maintenant, je vis sous une tente qui ne fait pas plus de huit mètres, sans aucune vie privée, après avoir été dans cette école où je ne pouvais même pas satisfaire mes besoins humains de base. Il n’y avait pas d’eau, et les femmes devaient aller à l’hôpital de "dar Shefa" pour prendre une douche.

« Nous, un groupe de femmes, nous avions l’habitude de marcher des miles chaque semaine ou toutes les deux semaines, juste pour aller prendre un bain. J’ai ressenti un sentiment d’humiliation et de désespoir, spécialement quand nous avons été obligés de quitter l’hôpital à cause du nombre élevé de martyrs et de victimes. Leurs corps envahissaient tout l’hôpital ; d’ailleurs, l’hôpital n’est pas un endroit pour prendre des bains.

« Durant la guerre, ma maison a été détruite. Tout ce qui me reste maintenant, c’est une tente qui ne fait pas plus de quelques mètres, où mes enfants et moi dormons sur le sable. Mes nuits deviennent comme mes jours, tout a changé dans ma vie après le 27 décembre 2008. Tout ce que j’ai maintenant, ce sont des souvenirs, pour moi et mes enfants, pour continuer à vivre. Jusqu’à ce jour, je me sens profondément accablée. Quelle a été ma faute ? Et pourquoi dois-je vivre dans cette humiliation ? Qui pourrait supporter ce que nous devons affronter ? »


Plus tard, Ilham a souri. Elle se rappelait que son époux allait rentrer en lui apportant un cadeau, quelque chose des ruines de leur maison ; il y allait chaque jour, voulant sauver quelque ustensile de cuisine des décombres. Aujourd’hui, il allait revenir avec un robot ménager : c’était un cadeau de son frère qui a été tué pendant la guerre. Malgré toute sa tristesse pour sa mort, elle était si heureuse de récupérer l’ustensile, et elle était aussi contente de pouvoir s’en servir à préparer quelque plat et gâteau sec pour ses enfants. Mais cuisiner pour ses gosses n’était qu’un rêve, un rêve qui ne s’est jamais réalisé : à Gaza, il n’y a pas de nourriture, ni d’électricité.

Ilham tapote l’épaule de son fils de 18 mois, Samed, tout en le tenant de son autre main, comme si elle s’excusait pour ce qui lui arrivait, et de ne pouvoir alléger sa souffrance et son agonie, son petit a respiré le phosphore blanc, il a brisé son petit corps. Sa fille de six ans, Ryman, prend part à la conversation, disant : « Ma maison me manque, je veux jouer à la balançoire que mon papa m’a montée, et je ne dois pas jouer dans la rue... »

* Le témoignage parle de 16 mètres carré, soit 4 m sur 4 m, pour 50 personnes ; peut-être s’agit-il de 16 m de côté ? (ndt)

* Ayman T. Quader vit dans la bande de Gaza. Il peut être joint à ayman.quader@gmail.com
Adresse de son blog : http://peaceforgaza.blogspot.com/20...

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Gaza, dimanche 23 août 2009 - The Palestine Telegraph - traduction : JPP