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PalFest à Jérusalem, malgré la police israélienne
vendredi 5 juin 2009 - Marie Medina - BabelMed

Les organisateurs de PalFest entendaient "opposer le pouvoir de la culture à la culture du pouvoir". Cela n’aura jamais été aussi criant qu’à Jérusalem, où ils avaient décidé d’inaugurer et de clore la deuxième édition de ce festival de littérature itinérant, en l’honneur d’Al-Quds 2009 (Jérusalem, capitale de la culture arabe). La police israélienne a en effet fait fermer le Théâtre national palestinien qui devait accueillir l’inauguration le 23 mai et la clôture le 28 mai, et ce à peine une heure avant chacun des deux événements. Le premier a finalement eu lieu au Centre culturel français et le second au British Council.

"Même un auteur ou un musicien représente une menace pour la sécurité d’Israël", ironise Rania Elias, de Yabous productions, l’un des co-organisateurs de ce festival qui a réuni des écrivains palestiniens et étrangers pour une tournée à travers la Cisjordanie (Ramallah, Jénine, Bethléem et Hébron). "Ils combattent tout ce que les Palestiniens font à Jérusalem".

Le lancement d’Al-Quds 2009, en mars dernier, avait déjà été perturbé de la sorte. Cette nouvelle intervention israélienne contre un événement culturel palestinien à Jérusalem-Est intervient dans un contexte très particulier.

Dans cette partie arabe de la ville, conquise par Israël en 1967, les ordres de démolition de maisons palestiniennes abondent ces derniers mois tandis que se multiplient les autorisations d’extension des colonies juives. D’après certains observateurs, l’Etat hébreu espère ainsi encercler Jérusalem-Est de colonies juives, la couper du reste de la Cisjordanie pour éviter qu’elle ne soit rendue aux Palestiniens comme capitale de leur futur Etat. L’annexion de Jérusalem-Est, contraire au droit international, a été entérinée par la Knesset dès 1980 avec l’adoption de la loi fondamentale qui fait de Jérusalem, "entière et unifiée", la capitale d’Israël. Cette loi a été jugée "nulle et non avenue" par le Conseil de sécurité de l’ONU dans sa résolution 478, ce qui n’empêche pas Israël de tenter de créer sur le terrain un état de fait qui rendra toute rétrocession difficile, voire impossible.

Cela lui est d’autant plus aisé que les Accords d’Oslo (1993-94) ne reconnaissent pas à l’Autorité palestinienne (AP) le droit d’exercer des activités politiques à Jérusalem-Est. La police israélienne interrompt donc dans cette partie de la ville tout événement ayant un lien réel ou supposé avec l’AP. C’est l’explication qui avait été donnée pour le lancement d’Al-Quds 2009 et qui a de nouveau été avancée pour PalFest.

Le festival de littérature a été financé essentiellement par le British Council, l’UNESCO et le Sigrid Rausing Charitable Fund, avec Yabous Productions comme partenaire palestinien. L’Autorité palestinienne n’apparait pas dans la liste des sponsors. Cependant, interrogé sur un éventuel soutien financier à PalFest, le chef de cabinet du président de l’AP Mahmoud Abbas, ne dément pas clairement. "Même si les Palestiniens veulent financer cela, il s’agit d’un événement culturel. Il n’y a pas d’armes, pas de terrorisme, pas de violence", déclare Rafiq Husseini. A ses yeux, Israël "n’a moralement aucun droit de faire cela".

"Ils n’ont pas gagné. Ils ont fermé le théâtre mais nous sommes ici", poursuit Rafiq Husseini, lors d’un entretien à BabelMed dans le jardin du British Council. Avec de telles interventions policières, Israël ne peut selon lui que "s’attirer la colère du peuple palestinien mais aussi de tous ceux qui en sont témoins".

"Honnêtement, je ne pensais pas que ça arriverait ce soir", souffle Suheir Hammad, l’actrice du Sel de la Mer d’Annemarie Jacir. Quelques jours auparavant, elle avait donné à Ramallah une lecture de ses poèmes dans un slam qui mélangeait allègrement l’anglais et l’arabe. "Même après une semaine ici, je me sens ignorante et impuissante", confie cette habitante de Brooklyn.

"C’est fou", estime pour sa part l’écrivain et avocat Raja Shehadeh, qui a fondé à Ramallah l’organisation de défense des droits de l’Homme Al-Haq. "Il n’y a aucune excuse pour quelque chose comme ça", réagit-il après la fermeture du Théâtre national palestinien. Puis il ajoute en souriant : "C’est très flatteur pour les auteurs d’être pris tellement au sérieux qu’il faille mobiliser autant de voitures de police".

Parmi les autres participants de ce PalFest figurent notamment : Souad Amiry, l’auteure de Cappuccino à Ramallah (Sharon and my mother-in-law) qui décrit à travers des anecdotes de la vie quotidienne l’absurdité de l’Occupation ; le romancier Jamal Mahjoub qui est né en Angleterre, a grandi au Soudan et vit actuellement en Espagne et dont l’ouvrage Là d’où je viens a reçu le prix de l’Astrolabe ; l’auteur de polars suédois Henning Mankell, Père du commissaire Kurt Wallander ; l’humoriste britannique Michael Palin, membre des Monty Python et scénariste entre autres de La Vie de Brian.

05/06/2009 - BabelMed