Fermer la page
www.info-palestine.net
Un media idéal pour un peuple sans Etat
mardi 10 mars 2009 - Ali Abunimah

A ses débuts, ses cofondateurs ne se sont pas rendu compte qu’ils entreprenaient une première expérience dans ce que l’on appelle maintenant les « nouveaux médias » ou le « journalisme citoyen », avant que ces termes ne soient inventés.

Avec Internet, les Palestiniens et leurs alliés avaient pour la première fois le moyen de communiquer entre eux et avec les Palestiniens vivant hors de la patrie, contournant leur séparation forcée et l’omniprésente censure de la presse. C’est à partir de là qu’Electronic Intifada s’est édifié. En tant que Palestinien ayant grandi dans la Diaspora, Internet m’a donné le sentiment d’appartenir véritablement à une communauté, d’arriver à communiquer et d’avoir un pouvoir. Internet est devenu, dans un sens, un pays virtuel où les Palestiniens pouvaient se rencontrer, discuter et même coordonner leurs actions pour la défense de leurs droits. C’est en ligne que j’ai fait la connaissance de nombre de personnes pour le travail desquelles j’ai la plus haute estime.

Les Palestiniens ont rapidement adopté Internet parce que leur narration et leurs analyses étaient - et sont toujours- systématiquement évincées des médias traditionnels. Internet a fait baisser le coût de la communication : il n’était plus nécessaire de posséder un réseau de télévision ou un journal pour publier un article. Au début, nous avons utilisé Internet pour réagir à ce que nous considérions comme des médias indifférents et partiaux, mais finalement nous y avons vu la possibilité de créer nos propres alternatives, de fournir une tribune à de nombreux écrivains talentueux en Palestine et hors de Palestine. Malgré l’importance cruciale des analyses et de la critique, EI a aussi cherché à encourager l’information sur tous les aspects de la vie et de la culture palestiniennes. C’est une lutte dure que nous menons avec des ressources limitées, mais l’accueil qui nous est réservé prouve qu’elle en vaut la peine.

Nous ne fournissons qu’une partie des nombreux efforts déployés en commun ; les Palestiniens vivant en Israël - souvent oubliés et exclus, même par les autres Palestiniens - ont aussi utilisé Internet pour créer des sites indépendants tels que bokra.net et arabs48.com, sites qui ont été d’importantes sources d’information, par exemple lors des pogromes anti Arabes de l’année dernière à Acre. Les blogueurs de Gaza ont réussi à toucher un public mondial en brisant le blocus médiatique imposé par Israël.

Quand Israël à commencé à massacrer les Palestiniens dans la Bande de Gaza occupée, le 27 décembre, EI a vu le nombre de ses lecteurs pratiquement décupler pour atteindre plus de 25.000 par jour, en provenance principalement des Etats-Unis et d’Europe. Beaucoup de nos lecteurs étaient des citoyens ordinaires cherchant une alternative à la couverture propagandiste et monotone trouvée dans la presse traditionnelle. En outre, nos lecteurs sont composés majoritairement d’éducateurs, de militants, de diplomates et de journalistes ; ces utilisateurs influents augmentent considérablement notre portée et notre impact en diffusant et en reproduisant nos articles. Nous jouons un rôle capital et largement invisible en servant de ressource pour les journalistes des grands médias qui nous contactent fréquemment pour obtenir de l’information et de l’aide quand ils veulent contacter des personnes sur le terrain.

Aujourd’hui, les médias traditionnels sont en crise avec la réduction de leurs effectifs et ils couvrent les questions internationales de manière de plus en plus superficielle et sommaire. Dans ce sens, EI et les autres projets d’information basés sur Internet ont un avantage. Nous ne cherchons pas à imiter l’ancien modèle des journaux - qui couvraient tout, depuis les mots-croisés jusqu’aux sports, aux affaires locales et internationales. Nous préférons nous spécialiser : nous couvrons la Palestine, mais nous essayons de le faire de façon approfondie, professionnelle et transparente. Ceci est d’autant plus important que des médias de référence, comme la BBC, semblent avoir succombé aux campagnes organisées par les groupes de pression pro-israéliens et qui, au lieu de renseigner véritablement leur public, présentent une information hyper prudente pour ne pas être accusés d’avoir un préjugé « pro-palestinien » .

Internet a été un important moyen d’information, mais aussi d’organisation. Les Palestiniens et les militants se plaignent souvent de l’absence d’un leadership centralisé diffusant un message unifié. C’est peut-être précisément parce que les Palestiniens constituent une communauté dispersée, sans État, qu’ils ont trouvé dans Internet un moyen idéal pour organiser et lier des contacts. Presque toute l’information que je reçois au sujet de la campagne grandissante de boycott, désinvestissement et sanctions me parvient via Internet. Et c’est en ligne, et non pas dans les médias traditionnels, que se déroule un vigoureux débat non censuré au sujet de questions stratégiques cruciales, comme par exemple ce que devraient être les objectifs nationaux palestiniens étant donné l’échec de la partition et de la "solution à deux états". Pendant l’attaque israélienne contre Gaza, Facebook et d’autres médias sociaux comme Twitter sont devenues importantes sources pour l’échange d’informations au sujet des manifestations et des événements de solidarité.

Par contre, les efforts médiatisés déployés par Israël pour utiliser Internet (par exemple via YouTube, site de vidéos) afin de diffuser la propagande officielle et militaire, n’ont guère capté l’attention. Ce n’est pas que parce que les Israéliens n’ont pas les compétences ou les ressources pour maîtriser le média, mais parce qu’en dernière analyse la véracité et les valeurs du message ont encore de l’importance, et sur ce front, Israël est engagé dans une bataille qu’il ne peut pas gagner.

* Ali Abunimah est co-fondateur de The Electronic Intifada, et l’auteur de « One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse » (Metropolitan Books, 2006). Cet article est paru initialement sur le site du Guardian « Comment is Free », sous le titre « No peace for Israel ».

Du même auteur :

- Israël fait un écart vers le fascisme - 17 février 2009
- Pourquoi Israël ne survivra pas - 22 janvier 2009
- Les massacres dans Gaza doivent nous faire agir - 30 décembre 2009
- « Les frontières d’Auschwitz » d’Israël revisitées - 11 décembre 2008

26 février 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Anne-Marie Goossens