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Qui expulsera Israël du Liban ?
Le Hezbollah ou les Nations unies ? (2)
lundi 24 novembre 2008 - Franklin Lamb - Counterpunch

Première partie :

- Est-ce que le Hezbollah achète les votes ?
- Engraisser la base avec du porc US ?
- Fraternel échange : territoire libanais pour la Georgie ?
- Où l’occupation israélienne du territoire libanais se termine-t-elle ?
- Hezbollah : « Excusez-nous, s’il vous plaît, mais la "Ligne bleue" n’est pas la frontière ! »

[...]

Le colonialisme et les 7 Villages chiites

Les 7 Villages se situent juste au sud de l’actuelle « frontière » Liban/Israël et restent une question sensible pour le Hezbollah puisqu’ils étaient à l’origine peuplés de chiites, leurs fermes étant sous le mandat français du Grand Liban après la Première Guerre mondiale. Cependant, en 1924, leurs propriétés ont été transférées à la Palestine par la Grande-Bretagne pro-sioniste, à la demande de Rothschild, après la première délimitation de la frontière internationale.

Les 7 Villages, qui comprenaient à l’époque 25 fermes, avaient été au début déclarés comme partie du Liban par les puissances mandataires françaises et anglaises en 1920, mais ils furent retirés du sud du Liban par le Traité d’Al Quds de 1924, lequel se basait sur des mesurages erronés de la frontière, fut conclu sous la pression sioniste et sur des malentendus entre diplomates et cartographes français et anglais. Les habitants ont été forcés de quitter leurs propriétés et ce n’est qu’en 1994, après 30 années de litige, qu’ils ont reçu finalement la nationalité libanaise. Jusqu’à ce jour, leurs actes et registres fonciers sont dans les bureaux du gouvernement à Tyr et Sidon, mais leurs villages et plus de 25 fermes sont toujours enfermés à l’intérieur d’Israël.

La récupération des 7 Villages chiites n’a jamais été, toutes ces années, parmi les premières exigences chrétiennes et sunnites libanaises auprès d’Israël et les 7 Villages ont été ignorés, intégrés qu’ils étaient dans l’Accord mort-né du 17 mai 1983 orchestré par les Etats-Unis. Les villageois affirment que cette négligence concernant leurs terres n’affecte en rien le dossier juridique du Liban pour les récupérer ni la légitimité pour la résistance libanaise de soulever la question.

Certains peuvent arguer qu’il n’est politiquement pas opportun, avant les élections libanaises, de soulever le problème mais ce point de vue pourrait évoluer après les élections si celles-ci débouchaient sur une nouvelle majorité parlementaire.

La genèse de la question des 7 Villages s’appuie sur les Accords Sykes-Picot de 1916 (*) où l’Angleterre (Sykes) et la France (Picot) avaient préparé un plan secret pour se partager la Grande Syrie et créer un nouvel Etat comprenant le Liban et la Palestine antique au sud. Le territoire au sud de la ligne Sykes-Picot devait être gouverné par les Britanniques et rognerait sur la Syrie, et le nouvel Etat du Liban, par les Français.

Les 7 villages ont été perdus par le Liban à la fin de la Première Guerre mondiale, quand Britanniques et Français instaurèrent chacun leur zone exclusive d’Administration des territoires ennemis occupés (OETA), ce qui laissait les 7 Villages à l’intérieur du Liban mais ceux-ci furent donnés à la Palestine quand les Britanniques, dans l’esprit de la Déclaration Balfour, cédèrent à la pression sioniste. La Grande-Bretagne non seulement n’a pas craint la poussée des sionistes galvanisés par l’Accord Balfour de 1917 incluant le fleuve Litani en aval et les sources du Hasbani, à la conférence de paix de Versailles deux ans plus tard, mais elle a presque obtenu pour les sionistes une frontière pour la « Palestine » qui va de Saïda, nord et sud, jusqu’au Mont Hermon.

Le représentant français pour l’Unité de frontière, le colonel N. Paulet, avait reçu comme instructions du gouverneur français, Gouraud, à Beyrouth, de maintenir les villages de population chiite à l’intérieur du Liban au motif qu’ils étaient une part naturelle du nouveau pays. La résistance de Gouraud face aux intentions britanniques ne relève pourtant pas d’un amour pour les chiites.

En effet, les Français étaient bien plus motivés par les ambitions expansionnistes de leurs sujets chrétiens, aux dépens des musulmans, et étaient peu disposés à insister pour maintenir les 7 Villages chiites « kufer ». En fait, le raisonnement de Gouraud semble s’être fondé sur la reconnaissance que la division géographique entre les zones chiites et sunnites correspondait étroitement au tracé de la frontière.

Le sort des 7 Villages a été scellé le 24 avril 1924, quand les villages et les fermes situés au nord de la ligne OETA de Palestine ont été officiellement transférés, sous l’insistance britannique, de la juridiction du Grand Liban à la Palestine - le territoire libanais perdant plus de 2 729 ha.

Le fait que le Hezbollah ait maintenu la pression sur Israël pour qu’il se retire de Ghajar et des fermes de Sheba trouvera probablement sa récompense dans les résultats du vote, bien qu’il y ait plus d’une dizaine d’autres cas de violations de frontière par Israël que le Hezbollah pourrait soulever, tels les 25 fermes, les 7 Villages et un certain nombre de questions visant à « changer les règles du jeu ». Au cours des 22 années d’occupation, Israël a fréquemment été surpris à s’accaparer du terrain dans la bande de terre de Galilée qui s’avance dans le Liban car, sur une grande partie de la route, le Liban a un avantage topographique, particulièrement à l’époque des années 80 où l’armée israélienne était surveillée et parfois faisait l’objet de rapports par les villageois.

Ils rapportent ainsi avoir vu les soldats israéliens pousser la clôture de la frontière nord vers l’intérieur du Liban en différents secteurs, créant des territoires annexés où ils se trouvaient alors sur des hauteurs surplombant le nord et l’ouest. Les villageois prétendent que certaines de ces zones ne sont pas revenues à leur position d’avant l’occupation.

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Solidarité de la Palestine avec le peuple libanais bombardé
par les Israéliens durant l’été 2006.




Rectifications à venir de la frontière ?

En plus, si certains agriculteurs libanais de la plaine de Khiam, au sud de Marjayoun, ont raison, le Hezbollah pourrait aussi essayer de contraindre Israël à rendre plus de 3 000 camions de terre riche et fertile que durant son occupation son corps d’ingénieur a fait transporter vers le sud pour agrandir des fermes à Kiryat Shemona, Matulla et dans les zones voisines.

Notre observateur [l’auteur] fait remarquer que certains visiteurs étrangers ou « experts » des « think thanks » financés par les sionistes dans le Northwest (Washington DC), prétendent que le Hezbollah est radical et a des exigences extrêmes et irréalistes concernant la restitution du territoire libanais.

Les chercheurs qui sillonnent le sud du Liban viennent d’appendre que ce peuple du Sud est celui qui avait l’habitude autrefois de se déplacer sans entrave entre la Palestine et le Liban, et dont les familles ont vécu dans la région pendant des centaines d’années et comptent les jours jusqu’à ce que leurs voisins du sud soient libérés. De telles opinions font paraître le Hezbollah comme docile et modéré.

Quel que soit ce que le futur gouvernement du Liban décidera à propos du retour de ces terres au pays, on peut espérer qu’il examine les résultats d’un sondage, il est vrai non scientifique, mené récemment par d’anciens propriétaires d’exploitations agricoles des 7 Villages, ainsi que des villages d’Abbasieh et Nkhaile, au Sud Liban. Depuis des villages comme Maron al Ras, les touristes peuvent aujourd’hui apercevoir clairement Saliha, l’un des 7 Villages où en avril 1948, 70 personnes ont été raflées, emmenées de force dans le centre du village et mitraillées par les troupes israéliennes, leurs corps abandonnés à l’intérieur de la mosquée et le bâtiment ensuite démoli.

Prochaine déplacement : l’ONU ou le Hezbollah ?

L’ONU a la possibilité d’ ?uvrer avec un allant accru pour résoudre la myriade de problèmes de frontières existant au Sud Liban, aux côtés de l’actuel gouvernement d’union du Liban, plutôt que d’être confrontée à la colère grandissante des villageois vivant le long de la frontière de 1916, 1918, 1920, 1923, 1924, 1949, 2000, 2006. Il en va de même pour Israël, les Etats-Unis et les autres membres du Quartet (ONU, UE, USA, Russie).

Proposé à Maron al Ras :

1 - retour des collines de Kifa Shoula, voisines des fermes de Sheba et annexées en 1967 ;

2 - remise de toutes les cartes relatives aux mines terrestres et aux bombes à sous-munitions, ces dernières ayant causé plus de 300 victimes libanaises et internationales depuis le 14 août 2006, date de cessation des hostilités ;

3 - fin de toutes les violations de l’espace aérien et des eaux territoriales du Liban ;

4 - reconnaissance écrite du droit du Liban à contrôler ses ressources en eau, notamment les fleuves Hasbani et Wassani ;

5 - retour de la frontière Liban/Palestine à la ligne initiale de 1923 en lieu et place de la « Ligne bleue » de 2000 ;

6 - restauration des 7 Villages libanais ;

7 - retour de tous les réfugiés palestiniens résidant au Liban qui veulent exercer leur droit au retour stipulé dans la résolution 194 du Conseil de sécurité des Nations unies (environ 400 000 personnes) et indemnisation juste et appropriée pour ceux qui ne choisissent pas le retour ;

8 - inculpation et poursuite devant les tribunaux internationaux de tous ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité et qui ont, pour cela, traversé la frontière sud du Liban par terre, air ou par les eaux territoriales libanaises ;

9 - paiement par l’Israël de l’ère du Troisième Reich des réparations, d’indemnisations et des dégâts causé lors de la destruction du Liban et pour les familles des Massacrés par les crimes d’Israël perpétrés dans ses agressions de 1948, 1949, 1967, 1976, 1978, 1981, 1982, 1984, 1985, 1993, 1994, 1996 et 2006

10 - création d’un tribunal international pour juger les responsables israéliens qui ont organisé et se sont rendus complices du Massacre du 16 au 18 Septembre dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Shatila. Paiement par Israël d’une indemnisation pour tous ceux qui furent tués et blessés dans ce Massacre et pour la destruction des biens.


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Eté 2006, les avions israéliens bombardent les convois de réfugiés civils
dans le sud du Liban. Ici, au village de Ter Harf. (AP)




Franklin Lamb fait un travail de documentation au Liban. Il est diplômé de la Boston University et de la London School of Economics. Il a été assistant à l’International Law et conseiller-assistant à la commission parlementaire de la justice du Congrès américain. Il a publié plusieurs ouvrages sur le Liban et peut être contacté à l’adresse : fplamb@gmail.com.


Du même auteur :

- Le Hezbollah et les Palestiniens : 1ère partie - 2ème partie
- Journée agitée à Beyrouth
- « Aimer le Liban » empêche-t-il de dire « Désolé ! » ?
- 25e anniversaire du massacre de Sabra et Shatila


(*) Carte des accords de Sykes-Picot

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Carte des accords Sykes-Picot

Le Moyen-Orient est découpé, malgré les promesses d’indépendance faites aux Arabes, en 5 zones :

1. zone bleue française, d’administration directe formée du Liban actuel et de la Cilicie ;
2. zone arabe A, d’influence française comportant le nord de la Syrie actuelle et la province de Mossoul ;
3. zone rouge britannique, d’administration directe formée du Koweït actuel et de la Mésopotamie ;
4. zone arabe B, d’influence britannique, comprenant le sud de la Syrie actuelle, la Jordanie actuelle et la future Palestine mandataire ;
5. zone brune, d’administration internationale comprenant Saint-Jean-d’Acre, Haïfa et Jérusalem. La Grand-Bretagne obtiendra le contrôle des ports d’Haifa et d’Acre.

Wikipédia

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Carte du sud du Liban
(Cliquer sur la carte pour agrandir)

Au nord-ouest du village de Ghajar, Sud Liban, le 18 novembre 2008 - Counterpunch - traduction : JPP