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Le blocus maritime prive les pêcheurs de Gaza des bancs de poisson
jeudi 13 novembre 2008 - Rory McCarthy - The Guardian
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Les pêcheurs palestiniens sont en difficulté en raison du coût élevé du carburant et du blocus de la marine israélienne rendant les prises rentables presque impossibles. Le bateau d’Abdoul Salam al-Hissi quitte le port la ville de Gaza et se dirige vers le large. Photo : Martin Godwin

Le soleil n’a pas été long à plonger dans la Méditerranée et le moteur de la chaloupe de pêche s’est lancé dans le roulement de la mer, il s’était déroule seulement une heure de ce qui devait être une longue nuit passée à la recherche de bancs de sardines.

Sans avertissement, une soudaine rafale de tirs de mitrailleuse a retenti dans un fracas formidable, à quelques pieds au-dessus de l’embarcation, le rouge de balles traçantes dessinait un arc dans la nuit au-dessus des pêcheurs. Abdoul Salam al-Hissi et son équipage s’accroupissent d’instinct sur le pont. Il a donné un brusque arrêt au moteur.

La vedette rapide israélienne, invisible dans l’obscurité, faisait briller son puissant phare et Abdoul Al-Hissi a fait faire demi-tour à son bateau et l’a dirigé brièvement vers la terre. C’est ainsi qu’ a commencé une nouvelle nuit en mer au large de Gaza, une nuit tendue comme une épreuve de tir à la corde, entre une flotte de pêche palestinienne en déclin rapide, cherchant en vain des prises suffisantes,et entre la marine israélienne qui patrouille dans ces eaux, avec l’intention de maintenir les pêcheurs près de la côte.

Moins de 10 minutes plus tard, des tirs ont été dirigés au-dessus de la proue du bateau d’Al Hissi, quand l’obscurité s’est interrompue, il y a eu deux salves de coups de feu des Israéliens, apparemment tous deux des obus, dont l’un est tombé à la mer avec une forte détonation et un sifflement aigu, à quelques pieds de distance. Les balles, les obus et les projecteurs ont été la seule communication d’un navire à l’autre ce soir-là.
Mais Abdoul Hissi et ses 9 membresd’équipage,dont son frère, ses deux fils et son beau-frère, semblaient résignés à ces coups de feu et plus profondément préoccupés par les restrictions qui empêchent d’aller à plus de quelques miles de la côte. Cela signifie que leurs prises seront maigres et permettront de gagner à peine assez d’argent pour payer le carburant qu’ils utilisent, ce carburant dont le prix à son tour fortement augmenté en raison du strict siège économique, qu’ Israël a imposé à la bande de Gaza.

"Vous pouvez voir à quel point c’est devenu difficile", a déclaré Hissi, 57. Il a travaillé comme pêcheur toute sa vie, il a appris son métier avec son père , qui l’a appris de son père avant lui. "Je suis heureux en mer, heureux d’être d’aller pêcher, nous le sommes tous, mais seulement si il ya quelque chose à prendre. Quand nous revenons avec aussi peu, voilà ce qui est déprimant." A cause des pénuries de diesel, l’équipage met parfois de l’huile de cuisson dans le moteur, dont s’échappent des gaz de couleurs sombres dans une lueur orange et brûlée.

Avec son pont découvert, ce bateau en bois est peu différent des autres, amarrés dans le petit port de la ville de Gaza.Il fait 16m de long et est vieux de 28 ans, son moteur Volvo fatigué n’est maintenu en vie que par des réparations et des pièces cannibalisées ailleurs.Il y a un radar rudimentaire pour vérifier la profondeur et la recherche de poissons, mais pas de radio ou de système de positionnement par satellite.

Dans le sillage du bateau, sont attachés cinq petits dériveurs en bois avec deux grands lampes . Quand enfin Abdoul repère enfin des poissons sur le radar, il envoie les dériveurs, dont les lumières attirer le poisson. Les membres de l’équipage entourent le poisson avec leur filet, puis le tirent à bord, c’est une longue nuit de travail pénible avant leur retour vers le port à 6 heures, où un camion est stationné, prêt à expédier rapidement la prise au marché.

En cette nuit, la pêche a été de 70 casiers en plastique remplis de poissons, d’un peu de sardines de taille adultes mais la plupart des étaient des jeunes, à peine 5 cm de long, un signe que les stocks de poissons s’épuisent rapidement.Pendant qu’Abdoul Salam Al-Hissi s’asseyait pour se réchauffer au soleil du matin, son fils Mohammad est parti pour le marché avec le petit cahier de comptes rouge qui indique seulement 3.499 shekels (£ 520) pour la pêche de la nuit.

Après la déduction de 2000 shekels pour couvrir le coût d’une nuit de carburant pour le moteur et le prix du gaz pour les lampes, le reste a été divisé en deux : la moitié pour l’entretien du bateau vieillissant et le reste à parts égales entre le capitaine et son équipage, ce qui signifie que chaque homme pourra rapporter à la maison 75 shekels. En fin de compte, même ce qui devait être déduit pour couvrir les arriérés a été reporté sur les précédentes nuits de mauvaise pêche de la semaine.

"Je me demande quelle faute le peuple palestinien a commise pour que Dieu ait tellement de colère contre nous" dit Abdoul Al Hissi. Il parle avec fierté de la façon dont son père, qui est né à Jaffa et s’est enfui avec la vague de réfugiés en 1948, a commencé avec seulement un petit bateau et de la façon dont la l’affaire familale s’est accrue, pour devenir bien plus grande aujourd’hui. Trois de ses quatre fils participent déjà à la succesion de l’affaire.

Cela n’a pas toujours été aussi sombre pour les pêcheurs.Dans les années 1990, l’industrie de la pêche de Gaza produisait un revenu annuel d’environ 5 millions de livres anglaises. Un résultat réduit de moitié pour l’année dernière et qui est encore en diminution rapide. En vertu des accords d’Oslo, qui, en 1993, étaient censés annoncer la progression vers un État palestinien indépendant, les pêcheurs de Gaza ont été autorisés à pêcher jusqu’à 20 miles marins de la côte, là où ils pourraient prendre la sardine, lors de sa migration printanière du delta du Nil jusqu’ aux parages de laTurquie.

Mais au cours des dernières années, les navires de guerre israéliens ont imposé abritrairement des limites très réduites, avec une pression croissante sur la bande de Gaza, mise en oeuvre après la victoire électorale du mouvement islamiste Hamas au début de 2006. Pour cette nuit de pêche avec Abdoul Salam Hissi, lui et tous les autres pêcheurs avaient le permis pour jusqu’à moins de six miles, pas assez loin pour atteindre les bancs de gros poissons. Pendant plusieurs mois l’an dernier, ils n’étaient même pas autorisés à sortir du port. Impossible aussi pour les pêcheurs de continuer à exporter à l’étranger - les exportations de Gaza ont été interdites depuis près de deux ans.

"Nous voulons parvenir à un accord de paix avec les Israéliens", affirme Abdoul Hissi. "Ensuite, nous pourrons exporter nos poissons et revivre à un bon niveau de vie. Mais où est la paix ? Est-ce que les Israéliens veulent vraiment la paix avec nous ?" Il a voté pour le Hamas aux élections et dit qu’il le refairait, même si sa famille est divisée sur la politique et se taquine les uns les autres sans relâche sur le bateau.Indépendamment de leur choix politiques, Hissi et quelques-uns des autres se sont agenouillés sur le pont pour prier en naviguant vers le large et de nouveau, quand ils sont rentrés au lever du soleil.

Il fait valoir que le Hamas porte une responsabilité réduite dans la crise et n’a aucune critique pour ses tirs de roquettes sur Israël, même si cela tue des civils et a provoqué le blocus par Israël. Mais après, Abdoul Salam Hissi ajoute que la vie était meilleure dans les années 1980, lorsque Israël maintenait la bande de Gaza sous occupation militaire, même avec les centaines de colons, la présence des soldats et des chekcpoints qu’elle a entraînés, et dont l’Autorité palestinienne, création des accords d’Oslo, a prouvé "l’inutilité".

"Nous nous espérions un véritable Etat palestinien et que nous serions en mesure de travailler et de circuler librement, mais ce n’est jamais arrivé", at-il dit. "Now instead they’ve put Gaza under siege." « Maintenant, à la place, ils ont mis la bande de Gaza en état de siège".

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12 mai 2008 - Article original : The Guardian - http://www.guardian.co.uk/world/200...
Traduction : Laurent G.