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L’anniversaire s’achève mais l’agonie continue
lundi 26 mai 2008 - Mohammed Omer - IPS
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Yousef al-Hums - Photo : Mohammed Omer

Camp de réfugiés de Rafah, Gaza - Yousef al-Hums tient dans sa main une vieille clé en cuivre et raconte une fois encore l’histoire de son expulsion de ce qui était autrefois sa maison et qui se trouve aujourd’hui en Israël. Si la fête du 60ème anniversaire de la création d’Israël est finie, l’occupation de la maison dont al-Hums garde toujours la clé, ne l’est pas.

Ce qui pour Israël a été la création de leur nation est pour les Palestiniens la Nakba (catastrophe) c’est-à-dire l’éviction de leurs maisons et de leur patrie. Soixante années ont passé et cela continue.

Les enfants palestiniens n’apprennent pas cet événement dans les livres d’histoire mais de personnes comme al-Hums. « Nous ne pouvons pas retourner dans nos maisons aujourd’hui » raconte-t-il en brandissant la clé à ses fils et à près de 50 de ses petits enfants rassemblés autour de lui. « Mais vous allez retourner dans la maison de votre grand-père dans le village de Yebna ».

Le fait que la maison ou le village n’existent même plus accentue l’émotion ressentie autour de la clé. « Je prie chaque jour pour que lorsque je mourrai, je sois enterré dans ma terre à Yebna » dit-il. « C’étaient alors les plus beaux jours de ma vie. Tous les habitants du village s’entraidaient mutuellement ».

Al-Hums s’est marié en 1947 à l’âge de 15 ans. Mais en mai 48 tout a changé.

« Il était environ 2 heures du matin. Quand nous avons appris que la Haganah avait envahi notre village nous avons dû fuir. » Comme les autres, il a fui avec sa femme à Gaza, la seule route de sortie restante. Il a survécu difficilement et il montre des cicatrices sur sa main qui dit-il proviennent d’une attaque d’un hélicoptère britannique qui soutenait les forces juives.

Aujourd’hui, sa maison est le camp de réfugiés de Yebna à Gaza, camp où il vit avec ses deux femmes, sept fils et de nombreux petits enfants.

Il est retourné deux fois dans le village de Yebna ; la première fois en 1976 et la seconde fois en 2000. Mais lorsqu’il est revenu la deuxième fois, plus rien ne restait de la ferme telle qu’il l’avait connue. « Ils avaient tout pris et tout détruit » raconte-t-il.

Mais malgré tout il garde la clé. Elle donne à son histoire un ancrage. Et elle apparaît à ses enfants comme un ordre visant à réclamer leur maison et leur héritage.

Il n’y a pas d’histoire unique relatant ce qui s’est passé il y a 60 ans mais des histoires très différentes rapportées par les deux côtés. Ainsi que l’a raconté al-Hums, Yebna faisait partie des 675 villes et villages détruites par les forces juives. Plus tard, l’état israélien a construit sur ces villes et villages des villes israéliennes et planté des arbres.

L’élaboration du projet d’expulsions a commencé tôt raconte al-Hums aux enfants rassemblés autour de lui. « Au tout début des groupes juifs sont arrivés dans nos maisons en tant qu’invités » dit-il. « Certains ont dormi dans notre grande maison à deux étages ». Puis sont arrivées les propositions d’achat bien en-dessous du prix du marché. Certains villageois ont vendu, d’autres qui étaient restés ont été par la suite expulsés de leurs terres et de leurs maisons. Du jour au lendemain des familles aisées sont devenues des réfugiées.

Ce qui n’est pas contesté c’est le nombre très important de Palestiniens qui ont été obligés de fuir leurs maisons. Selon les estimations palestiniennes, ce chiffre atteint les 750.000 personnes. Beaucoup d’entre eux voient aujourd ?hui une quatrième génération grandir dans des camps de réfugiés.

Les Palestiniens qui étaient restés sur place ont dû faire face à la discrimination, l’humiliation et la pauvreté. Et tout cela continue à ce jour. Tout comme l’incapacité des pays arabes à se battre pour les Palestiniens que ce soit diplomatiquement ou autrement.

En 1948, des forces armées égyptiennes, jordaniennes et syriennes n’étaient pas de taille face aux forces juives qui étaient fortement soutenues par les Britanniques et les Américains, comme d’ailleurs aujourd’hui.

L’histoire d’al-Hums et les histoires racontées et répétées familles après familles de réfugiés palestiniens portent en elles un fort pouvoir de résistance car les Palestiniens sont confrontés chaque jour par ces mêmes forces d’antan dirigées contre eux. Les histoires parlent d’une vie heureuse et fière détruite par la force et la duperie.

La clé en cuivre joue son petit rôle en s’assurant que les jeunes au moins ne perdent pas leur colère.

19 mai 2008 - IPS (Inter Press Service News Agency) - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.ipsnews.net/news.asp?idn...
Traduction de l’anglais : Ana Cléja