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La Palestine vient chercher cinq milliards à Paris
dimanche 16 décembre 2007 - Georges Malbrunot - Le Figaro

Les Palestiniens espèrent récolter plus de cinq milliards de dollars d’aide des 90 pays donateurs qui se réunissent lundi à Paris pour financer leur État, promis par la récente conférence internationale d’Annapolis, aux États-Unis. Il s’agit de la plus importante conférence en matière d’aide financière à la Palestine organisée depuis 1996.

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Mahmoud Abbas a prévenu que sans la levée des barrages imposés par Tsahal (ici, en Cisjordanie) et la fin du bouclage de Gaza, l’aide internationale ne pourra atteindre ses objectifs. (AP)

L’argent récolté servira à financer un plan de réformes sur trois ans, mis au point par le ministre des Finances, Salam Fayyad, présent lundi à Paris au côté de Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité palestinienne. « Un plan de très bonne facture », se félicite un diplomate occidental à Jérusalem, « même si la réforme très politique des services de sécurité palestiniens a été volontairement laissée de côté. » Sous-entendu : on reporte le licenciement de 30 000 policiers, pour ne pas affaiblir le Fatah de Mahmoud Abbas dont ils sont proches, face aux islamistes du Hamas, qui règnent sur Gaza.

La plupart des délégations seront représentées par leur ministre des Affaires étrangères qui aura deux minutes pour annoncer sa contribution à l’Autorité palestinienne. Parmi les dernières inconnues, figurent les montants de l’aide apportée par les riches monarchies du Golfe, Arabie saoudite et Qatar, notamment. « Les Américains les ont forcées à venir à Annapolis, observe un diplomate à Paris, et depuis 40 Palestiniens ont été tués à Gaza par Israël qui en plus a annoncé une relance de la colonisation près de Jérusalem. » Résultat : les bailleurs de fonds arabes se font tirer l’oreille.

Un acte d’abord politique

Mahmoud Abbas lui-même a prévenu : sans la levée des barrages imposés par Tsahal en Cisjordanie et la fin du bouclage de la bande de Gaza, toute cette aide internationale promise ne pourra atteindre ses objectifs. D’autant qu’un tiers seulement de l’enveloppe servira à financer des projets de développement, le reste devant simplement combler le déficit du budget palestinien et payer les fonctionnaires. La France est consciente de ces limites, mais au Quai d’Orsay, on considère qu’il s’agit d’un exercice imposé. « Ce n’est pas parce qu’il y a des barrages qu’il ne faut rien faire », souligne-t-on. Seuls les Britanniques conditionneraient le versement de leur aide à la levée des points de contrôle israéliens.

Dans la foulée d’Annapolis, cette conférence des pays donateurs est d’abord un acte politique. Les Américains devraient montrer l’exemple, en annonçant par la voix de leur secrétaire d’État, Condoleezza Rice, un bond de leur soutien financier aux Palestiniens.

Depuis la victoire du Hamas aux élections législatives de 2006, Washington ne leur a versé qu’une aide au compte-gouttes. « Une contribution importante des États-Unis enverra le signal aux autres donateurs que c’est maintenant qu’il faut aider l’Autorité palestinienne et qu’un gouvernement ayant le plein soutien de la communauté internationale établira les bases de la paix au sein de la société palestinienne », affirme un porte-parole du département d’État. Sous-entendu : cet argent permettra de couper l’herbe sous le pied des islamistes qui parient sur un échec d’Annapolis. « Très bien, ajoute-t-on au Quai d’Orsay, mais il faudrait aussi qu’Israël facilite la relance des négociations de paix. »

À cet égard, l’annonce de l’extension de la colonie d’Har Homa sur les flancs sud de Jérusalem a été considérée par beaucoup comme un sérieux coup de canif au serment d’Annapolis, jetant du même coup une ombre sur la conférence de lundi.

Georges Malbrunot

Territoires palestiniens : l’efficacité de l’aide internationale dépend des bouclages israéliens

Nécessaire, mais pas suffisant". A de nombreuses reprises, Salam Fayyad, premier ministre de l’Autorité palestinienne, a répété cette phrase, jeudi 13 décembre, à Ramallah, à propos de la conférence des donateurs pour l’Etat palestinien qui doit se dérouler le 17 décembre, à Paris. Pour M. Fayyad, l’aide demandée à la communauté internationale pour construire les fondations de la Palestine (5,6 milliards de dollars sur trois ans) est "nécessaire" mais si la situation sur le terrain reste ce qu’elle est, cette assistance sera en grande partie inutile.

C’est pourquoi cet ancien haut fonctionnaire du Fonds monétaire international ne cesse de rappeler que, pour que cet argent soit productif, il faut que les restrictions de circulation et les contraintes de toute nature faites aux Palestiniens en Cisjordanie soient supprimées. Il faut également, a-t-il insisté, que le blocus imposé à la bande de Gaza depuis six mois soit levé car "nous suffoquons économiquement". M. Fayyad, qui a rencontré le ministre israélien de la défense, Ehoud Barak, le 12 décembre, n’a cependant obtenu aucune assurance des Israéliens.

Les documents préparés pour cette conférence font clairement état d’un risque d’effondrement de l’Autorité palestinienne et de dégradation de la situation économique, si l’occupation de la Cisjordanie se poursuit et si le siège de Gaza est maintenu. M. Fayyad a rappelé que le revenu par habitant des Palestiniens a baissé de 60 % par rapport à son niveau de 1999. A tel point que l’objectif du Premier ministre est, d’abord, de revenir à la situation qui prévalait en septembre 2000, la deuxième Intifada.

Pour M. Fayyad, ce qui est en jeu est "une perspective de paix" et pour y parvenir, il faut que la communauté internationale, Israël et l’Autorité palestinienne s’engagent : "Le conflit n’est pas économique mais politique. Nous demandons un soutien économique aux pays donateurs mais ils doivent également jouer un rôle politique." C’est pourquoi le processus qui a été lancé le 27 novembre à Annapolis (Maryland) est jugé capital et allant de pair avec la conférence de Paris.

M. Fayyad n’hésite pas à parler d’"occupation israélienne" et reconnaît qu’une partie de l’aide internationale va pallier les effets "des restrictions" israéliennes, refusant toutefois de parler de "financement de l’occupation", une expression qualifiée de "raccourci".

Le premier ministre a mis en garde contre "les désillusions" au cas où les attentes suscitées ne seraient pas suivies d’effet. Dans l’immédiat, il s’agit d’éviter la banqueroute de l’Autorité palestinienne et de tenter de mettre en place les fondements institutionnels et économiques de la Palestine au travers d’un plan triennal "de réforme et de développement".

La Banque mondiale, qui dresse un tableau plutôt noir de l’économie palestinienne, a fait le constat suivant : si le financement réclamé est obtenu sans allégement du bouclage, la croissance restera négative (de l’ordre de - 2 %) ; si le montant de l’assistance requise n’est pas atteint et si la situation perdure sur le terrain, "la croissance va chuter sévèrement et la pauvreté s’accroître dramatiquement".

Michel Bôle-Richard

Georges Malbrunot - Le Figaro (avec AFP), le 14 décembre 2007
Michel Bôle-Richard - Le Monde, le 15 décembre 2007