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Annapolis veut voir la paix au coin de la rue
vendredi 30 novembre 2007 - Luis Lema - Le Temps

A les entendre, la paix est au coin de la rue. Les dirigeants américains, israéliens et palestiniens ont rivalisé mardi à Annapolis de promesses certifiant que le « moment est venu » de trouver un règlement global au conflit du Proche-Orient. Tâchant de faire oublier leur propre fragilité, George Bush, Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas se sont engagés à trouver une issue négociée avant la fin de l’année prochaine. Israéliens et Palestiniens en seront les acteurs. Et les Etats-Unis, qui refusent de prendre directement partie aux négociations, en seront les « juges ».

L’encre de la déclaration commune lue par le président américain n’avait pas encore eu le temps de sécher. Malgré quarante jours de négociations, et neuf voyages dans la région de la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, les parties n’ont réussi à s’entendre que quelques heures avant le début de la conférence organisée dans le Maryland, et à laquelle ont assisté les responsables d’une quarantaine de pays. La déclaration reste très générale : des discussions bilatérales (elles devraient commencer le 12 décembre), qui aborderont tous les aspects centraux (frontières, colonies, réfugiés, partage de Jérusalem, terrorisme) et qui viseront à mettre un terme au conflit et à amener « une nouvelle ère de paix dans la dignité ».

Autant que par ce qu’elle dit, la déclaration commune est importante par ce qu’elle ne dit pas. Les Palestiniens réclamaient qu’il soit fait mention de « l’occupation israélienne commencée en 1967 ». Une manière de souligner que l’ensemble des colonies établies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est sont illégales. Les Israéliens, eux, voulaient introduire à la dernière minute une référence au caractère « juif » de l’Etat d’Israël. Façon d’exclure un éventuel retour des réfugiés palestiniens.

Absentes du document final, ces deux exigences ont néanmoins été évoquées par George Bush dans son discours, comme s’il s’agissait de rassurer ses interlocuteurs. Le président américain a cependant pris bien garde de mentionner uniquement les « avant-postes illégaux » des colonies, semblant ainsi garantir le maintien des grands blocs de colonisation qui fractionnent le territoire palestinien.

A elles seules, ces astuces diplomatiques - qui visaient à éviter l’échec de la conférence - montrent combien le chemin d’une résolution du conflit reste miné. Les uns et les autres se sont employés à convaincre que cette tentative pouvait réussir, là où toutes les autres ont jusqu’ici fracassé.

« C’est une occasion extraordinaire qui ne se répétera peut-être pas », assurait le Palestinien Mahmoud Abbas, pourtant d’un ton monocorde et sans enthousiasme apparent. « Je veux vous dire : le temps est venu ! Nous voulons la paix », lui répondait l’Israélien Ehoud Olmert. « Le monde comprend l’urgence » (de trouver un accord), affirmait de son côté George Bush qui s’est pourtant ostensiblement désintéressé de la question pendant les sept dernières années.

Le premier ministre israélien, qui est confronté à une forte opposition dans son pays et que divers scandales ont fortement fragilisé, semblait décidé à s’ériger comme le champion de l’optimisme. Promettant que la réalité produite par la guerre des Six-Jours de 1967 va « significativement changer », il a même fait référence aux résolutions de l’ONU (242, 338) qui servent de munitions diplomatiques aux Palestiniens depuis des décennies. Mais il s’est aussi tourné vers l’ensemble des pays arabes, leur proposant une sorte de coalition destinée à combattre « le fanatisme religieux ».

« Nous disons ahlan wa sahlan (bienvenue, en arabe) à tous ceux qui veulent faire la paix avec nous », expliquait encore Ehoud Olmert. En faisant mine d’oublier que l’Arabie saoudite a mis sur la table en 2002 l’offre de paix la plus ambitieuse jamais proposée à Israël. Une offre acceptée ensuite par la Ligue arabe, mais que l’Etat hébreu a refusée jusqu’ici.

Les trois dirigeants, unis dans une même faiblesse, ont également pris bien soin de ne pas oublier leur propre opinion publique. Le but : éviter de faire apparaître cette réunion comme un simple show totalement déconnecté de la réalité. C’était particulièrement le cas de Mahmoud Abbas, qui s’est adressé directement aux prisonniers palestiniens ou à leurs familles de Gaza, un territoire où il ne met plus les pieds depuis sa prise de contrôle par le Hamas en juin dernier. « Ne déprimez pas. Ayez confiance. L’âge des ténèbres et de la souffrance va se terminer. Le monde entier est là comme témoin. La Palestine arrive. » Cette Palestine, ses habitants l’attendent depuis soixante ans. Et Mahmoud Abbas, au mieux, ne dispose que d’une année.

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Luis Lema, New York - Le Temps le 28 novembre 2007