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La Cisjordanie, poubelle d’Israël
lundi 27 août 2007 - Shlomi Zakarya - Yediot Aharonot

De toutes les questions fréquemment soulevées à propos des dommages causés par l’occupation ou des rapports qu’ont les autorités et les colons avec les Palestiniens, la question environnementale se retrouve aux marges de l’agenda sociopolitique, même dans les rares cas où la qualité de l’environnement en Israël même fait l’objet de débat. Cela, en dépit du fait que durant plus de 40 ans de contrôle israélien, la Cisjordanie est devenue - sciemment ou non - notre poubelle et en particulier celle des colonies et des avant-postes illégaux.

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Naplouse : le nouveau dépôt qui va recevoir les ordures de la région de Tel Aviv
(Ph. N. Ishtayeh - avril 2005)

Des flots d’eaux usées salées et empoisonnées provenant d’usines et de réseaux d’égouts, et allant vers les terres agricoles et les pâturages de Palestiniens, voilà quelque chose qui fait partie de la routine. Des autorités locales négligent, délaissent le traitement de leurs productions polluantes tant que les conséquences ne font surface qu’au-delà de quelques kilomètres, en dehors du territoire municipal. De l’autre côté, les habitants palestiniens se retrouvent plongés dans la pollution, l’infection et la vermine.

Le fond du problème en matière de préservation de la qualité de l’environnement dans les Territoires commence, comme toute chose puante, à la tête. L’instance responsable - le commandement militaire par l’intermédiaire de l’Administration civile - ne remplit pas ses obligations légales qui stipulent qu’il lui revient de se soucier activement de la préservation du cadre de vie et de la vie même des habitants du territoire. Dans certains cas, elle se surpasse même en multipliant les difficultés autour de la création de sites d’évacuation des ordures pour les localités palestiniennes et en compliquant ainsi l’évacuation des ordures vers des sites proches des localités ; dans d’autres cas, les camions de ramassage appartenant aux autorités palestiniennes sont même confisqués.

Le Ministère de la Protection de l’Environnement ne manifeste pas la fermeté ni l’implication qu’on est en droit d’attendre de lui et tel que cela se fait à l’intérieur d’Israël. A cela il faut encore ajouter le fait désolant que pour les Palestiniens, l’accessibilité aux stations de la « Police Verte » est extrêmement limitée pour ne pas dire inexistante.

Le résultat de cette négligence coupable est catastrophique : les habitants palestiniens se retrouvent entourés de montagnes de déchets, d’eaux d’égouts et d’ordures, à la fois par la transformation de leurs villages et de leurs zones agricoles en sites de décharges pirates pour les habitants israéliens, et aussi par le raidissement de la politique d’enlèvement des déchets. Les déversements de déchets et d’eaux usées salines provoquent la destruction et des atteintes irréversibles aux sources naturelles qui jaillissent dans ces zones ainsi qu’aux nappes aquifères ; les oliviers et les cultures des habitants des territoires sont à tout jamais atteints ; des réserves naturelles ou des zones qui étaient censées être déclarées telles sont ravagées et négligées, avec une atteinte directe à la vie, à la végétation et à tout le délicat système écologique existant à ces endroits.

Nous avons déjà pris l’habitude de voir les Territoires palestiniens comme l’arrière-cour d’Israël. Nous sommes accoutumés à ce que le niveau de sauvegarde des droits de l’homme, au-delà de la Ligne Verte, ne soit pas comparable à ce à quoi nous sommes habitués à l’intérieur de l’Israël démocratique. La question environnementale constitue un élément supplémentaire de cette façon de voir arrogante de l’Etat d’Israël et reflète la réalité telle qu’elle est.

Néanmoins, il serait bon que nous élargissions notre perspective et que nous portions le regard quelques pas en avant : les atteintes à l’environnement ne disparaîtront pas parce que nous construirions une clôture ou que nous définirions les Territoires comme territoire ennemi ; en lui-même, le territoire est un en dépit du fait que deux peuples y vivent. Même la solution à deux Etats n’empêchera pas le saccage des systèmes écologiques, des nappes aquifères et des réserves naturelles qui traversent les frontières politiques, saccage qui au bout du compte, est susceptible d’entraîner une destruction grave et irréversible dans la région toute entière : la leur et la nôtre.

La conscience croissante du public israélien quant à la nécessité de protéger l’environnement s’inscrit dans une tendance mondiale bienvenue. Cependant, parallèlement à la préservation de l’ozone et à l’inquiétude liée au réchauffement global, nous devons avant tout prêter attention à ce qui se passe dans notre espace proche, en particulier là où la responsabilité de ce qui s’y fait gît à notre porte. La contrainte n’est pas censée s’arrêter à la Ligne Verte, mais aller au-delà. Sinon, nous nous retrouverons tous dans le même ?uf marécageux, dangereux et puant.


* L’auteur est avocat et membre de l’équipe juridique de l’organisation « Yesh Din, volontaires pour les droits de l’homme ».

Shlomi Zakarya - Ynet (Yediot Aharonot), le 23 août 2007
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys