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Malgré les pressions et la censure, les universitaires italiens débattent du boycott contre l’État de l’apartheid
dimanche 24 avril 2016 - Stephanie Westbrook
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Photo : ActiveStills/Ryan Rodrick Beiler

Une proposition pour un panneau et un débat sur le BDS avait été acceptée à l’automne dernier par le comité scientifique, pour la conférence annuelle de la Société italienne pour les études du Moyen-Orient (SeSaMO), qui s’est tenue les 17-19 mars.

Cependant, quelques semaines avant que cette conférence n’ait lieu, Giacomo Pignataro, président de l’Université de Catane qui était l’hôte de la conférence, a demandé que le débat sur le BDS soit retiré du programme officiel, menaçant de retirer le soutien de l’université.

Cela a mis en colère les chercheurs participants, qui ont vu là une nouvelle tentative de réduire la liberté académique, et qui va bien au-delà du mouvement pour le BDS.

La censure

Les chercheurs ont invoqué la répression du gouvernement turc sur les universitaires critiques en Turquie et les affirmations grotesquement invraisemblables du gouvernement égyptien sur les circonstances entourant l’assassinat de Giulio Regeni, le doctorant italien torturé à mort au Caire alors qu’il menait des recherches sur le terrain.

Dans ce climat de répression de la liberté d’expression, même ceux qui ne soutiennent pas la campagne BDS ont défendu le droit d’en débattre.

Une lettre à Pignataro signée par 93 des 286 participants à la conférence, et vue par The Electronic Intifada, a appelé à la clarification des raisons de la demande du président de l’université. La lettre a exigé la réintégration du panneau BDS dans le programme officiel « au nom de ces principes de la liberté académique, qui, nous en sommes sûr, vous sont aussi chers qu’ils le sont pour nous. »

Dans sa réponse, Pignataro a défendu sa décision sur ce qu’il considérait comme la « nature politique clair » du panneau, évitant de faire mention de l’initiative prise en ce début d’année par le groupe italien Stop Technion, qui sait dans une conférence de presse que ce sera « la première fois qu’une association académique en Italie débattra publiquement les campagnes BDS/PACBI. »

PACBI, la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël, a été lancé en 2014 et est une composante du mouvement BDS.

La campagne Stop Technion appelle à un boycott des institutions académiques israéliennes, en particulier l’Institut israélien de technologie, connue sous le Technion, en raison de son rôle dans « la fourniture indéniable d’un soutien à l’occupation militaire et à la colonisation de la Palestine. » Le nombre d’universitaires signataires de l’appel a doublé depuis son lancement à la fin janvier et regroupe maintenant plus de 330 noms.

Politique

Les universitaires ont également réagi aux appels sélectifs pour séparer la recherche universitaire et la politique.

Un dépliant intitulé « La censure est pas scientifique » et distribuée lors de la conférence - dont le thème général était « Migrants : Communautés, frontières, mémoires, conflits, » a demandé : « Quel sujet est plus politique aujourd’hui, avec les demandeurs d’asile qui quittent le Moyen Orient, l’Afrique et l’Asie centrale pour atteindre l’Europe, et l’Europe qui verrouille ses frontières pour les maintenir à l’extérieur ? »

Un certain nombre de participants ont annulé leur participation, tandis que d’autres ont demandé que deux panneaux soient retirés du programme de la conférence.

Les présentateurs du panneau « Mobilisation sociale dans le Maroc d’aujourd’hui », ont déclaré à The Electronic Intifada qu’ils se sont retirés parce qu’ils considéraient la décision de retirer le panneau BDS du programme officiel de la SeSaMO comme un « acte politique ».

Et dans un défi direct à la volonté de l’université d’empêcher le débat sur la campagne de boycott, les présentateurs d’un autre groupe, « Corps, discours et Géographies : Migrations méditerranéennes dans les perspectives postcoloniales, » ont mis de côté leurs contributions, et transformé la discussion en un débat sur la liberté académique et le BDS .

« Cet acte grave de censure - dans ce cas, contre la campagne BDS, mais cela aurait pu être en relation avec d’autres sujets - signifie que les conditions préalables de base pour le débat scientifique font défaut », ont déclaré Gabriele Proglio de l’Institut universitaire européen et de l’Université de Tunis, et Chiara Giubilaro de l’Université de Milan Bicocca, co-organisateurs du panneau, dans un courrier commun adressé à The Electronic Intifada.

Lors d’une réunion de participants tenue au cours de la conférence, une motion pour la liberté académique « en défense du droit des membres SeSaMO à discuter ouvertement et de manière transparente du boycott des universités israéliennes dans le cadre de ses conférences annuelles et d’autres initiatives » a été adoptées par un vote de 36 contre 19.

Liberté universitaire

Paola Rivetti, professeur à la City University de Dublin et membre sortant du conseil d’administration SeSaMO, a déclaré à The Electronic Intifada que « le mouvement est une étape importante vers la protection de la liberté universitaire. Considérant que les possibilités de débattre des campagnes BDS et PACBI en Italie ont été entravées par diverses autorités académiques, y compris dans ce cas par l’Université de Catania, la motion se veut un outil à la disposition de SeSaMO pour défendre le droit de débattre de ces questions. »

Rivetti a ajouté : « Nous sommes conscients que les campagnes de boycott sont controversées. C’est précisément pour cette raison que nous avons besoin de temps et d’espace pour en discuter ».

En dépit d’être retiré du programme officiel et rétrogradé à un événement parallèle lors d’une séance en milieu de journée, avoir soulevé la question de la censure à l’égard des chercheurs a réussi à assurer une large participation, avec une grande partie du débat centré sur la liberté universitaire.

Laleh Khalili de l’Université de Londres (SOAS) a parlé du changement de stratégie pour étouffer le débat sur la Palestine et le BDS, qui est passé de pression directe au niveau individuel sur les étudiants et les professeurs, à la pression sur la direction des universités et enfin au niveau de L’État, avec une volonté de faire légiférer des parlements nationaux contre les boycotts.

Ruba Salih, également de l’Université de Londres, a rappelé les sévères limitations imposées à la liberté universitaire palestinienne et à la liberté de circuler, et les destruction des établissements d’enseignement.

Mark LeVine de l’Université de Californie, a parlé des dangereuses tentatives du conseil d’administration de l’université de Regents d’assimiler l’anti-sionisme et l’antisémitisme, et d’en user comme un moyen de ralentir et même de criminaliser la critique de la politique israélienne.

Aucun débat

La débâcle du SeSaMOa été la dernière d’une série de tentatives pour stopper tout débat sur la Palestine en Italie, qui ont culminé durant la Semaine de l’Apartheid Israélien à la fin de février et début mars.

L’Université de Cagliari a refusé de fournir un espace pour cet événement suite à une lettre de l’ambassade d’Israël ,et menacé de poursuites judiciaires sur toute utilisation de son logo. L’université a justifié sa décision en invoquant son attachement « aux valeurs fondatrices du pluralisme, de la liberté, à l’indépendance par rapport à toutes les influences idéologiques, sectaires et politiques et au plein respect de l’égalité des chances entre les différentes positions culturelles. »

L’Université de Turin et l’École polytechnique de Turin avaient annulé l’autorisation d’utiliser des salles pour les activités de la Semaine de l’Apartheid, prétendument en raison de l’absence de points de vue opposés.

Dans les trois cas, cependant, et en raison de l’action des étudiants, les événements se sont déroulés comme prévu.

A Rome, selon certains rapports, l’ambassadeur d’Israël était en étroite relation avec le président de l’université pour interdire les événements organisés à l’Université La Sapienza, mais les étudiants n’a reçu aucune notification et les événements ont eu lieu comme il se devait.

* Stephanie Westbrook est une citoyenne américaine établie à Rome,en Italie. Ses articles ont été publiés par Common Dreams, The Electronic Intifada, Mondoweiss, In These Times et Z Magazine. Twitter : @stephinrome

13 avril 2016 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu