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L’Autorité de Ramallah sabote la candidature à l’UNESCO d’une collection d’affiches pour la Palestine
vendredi 25 septembre 2015 - Charlotte Silver
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Liban 1974 - Affiche du FPLP, Front Populaire de Libération de la Palestine (marxiste)

Le mois prochain, un programme géré par l’UNESCO – L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture - doit approuver un certain nombre de collections de documents estimés avoir une valeur historique et universelle.

Environ 1600 affiches sur le thème de la Palestine font partie des nominations pour inscription au Registre de la Mémoire du Monde, nom du programme.

La nomination a suscité une vigoureuse opposition de la part du Congrès Juif Mondial, groupe de pression pro-Israélien, qui soutient que l’ONU ne devrait pas associer son nom à ces affiches car elles « pourraient alimenter la haine et les perceptions antisémites. »

Les défenseurs de la collection ont sollicité le soutien de l’Autorité Palestinienne pour contrer l’offensive du groupe de pression pro-israélien.

Elias Sanbar, ambassadeur de l’Autorité Palestinienne auprès de l’UNESCO a refusé d’apporter son aide.

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1978 - Affiche de l’Union Générale des Femmes Palestiniennes

Dans un courriel, qu’a pu voir The Electronic Intifada, M. Sanbar disait qu’il n’interviendrait pas parce que Irena Bokova, Directrice générale de l’UNESCO partageait le sentiment que certaines affiches étaient antisémites.

« Certaines affiches, m’a-t-on dit, sont ’antisémites, » a écrit M. Sanbar, dont le siège est à Paris. « Comme je n’ai pas vu les affiches, je n’ai pas d’opinion personnelle sur la question. Mais c’est l’opinion officielle de la DG de l’UNESCO. Aussi vous comprendrez que je ne laisserai pas ma délégation prendre part à ce débat. »

Le courriel fut envoyé fin février.

« Abasourdi »

Dan Walsh qui a rassemblé la collection se dit abasourdi par l’attitude de M. Sanbar.

« Elle va à l’encontre des efforts faits par la Palestine pour la reconnaissance via l’ONU de son patrimoine culturel, » a-t-il ajouté.

Le refus de coopérer de l’AP constitue en quelque sorte une volte-face. L’an dernier, l’AP a officiellement demandé que l’UNESCO reconnaisse l’importance de la collection. La Palestine est membre de l’organisation depuis 2011.

Il se peut que Mme Bokova ait cédé à la pression du lobby Israélien. Elle aurait menacé d’opposer son véto à une décision du Conseil Consultatif International de l’UNESCO, s’il approuve la collection lors d’une réunion qui se tiendra à Abu Dhabi la première semaine d’octobre.

M. Walsh a qualifié de « délit » la menace de véto.

« Il n’est pas utilisé pour promouvoir les objectifs de l’ONU ni de l’UNESCO mais plutôt ceux du sionisme, » a-t-il déclaré.

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Londres 1978 - Une affiche conçue par Pedro Laperal

Dans une lettre à Mme Bokova, M. Walsh a attiré son attention sur de nombreuses collections dont l’UNESCO a par le passé reconnu l’importance, même si elles ne partagent pas nécessairement les valeurs défendues par l’organisation. Parmi ces collections on trouve des affiches de la Fédération de Russie des 19ième et 20ième siècles, ainsi que des archives de la répression policière au Paraguay.

Mme Bokova figure sur la liste des candidats de premier plan au poste de secrétaire-général des Nations Unies. Le successeur de Ban Ki-moon sera sélectionné vers la fin de l’année 2016.

Offensantes ?

Boyan Radoykov, directeur du département de la protection à l’UNESCO, a dit à The Electronic Intifada que certaines des affiches ayant pour thème la Palestine étaient "offensantes". Il n’a, toutefois, pas donner d’exemples précis d’affiches figurant dans cette catégorie, ni expliqué en quoi elles l’étaient.

M. Radoykov a admis que l’UNESCO avait auparavant reconnu l’importance d’archives controversées.

« Nous avons par exemple des collections de l’Holocauste, mais bien sûr nous ne cautionnons pas leur contenu, » a-t-il précisé.

« Mais chaque cas est extrêmement spécifique, » a ajouté M. Radoykov. « Dans certains cas le contenu peut être considéré inacceptable. »

En février, Iskra Panevska, représentante de Mémoire du Monde, dans un courriel à Dan Walsh, lui a dit que c’était une pratique normale lors de l’inscription des collections de les affiner et de les adapter pour qu’elles correspondent mieux aux critères du programme. Mais on n’a pas donné à M. Walsh l’occasion d’enlever de la collection des affiches jugées inacceptables pour l’UNESCO.

M. Radoykov a dit qu’il pensait que les affiches sur la Palestine « véhiculaient une certaine vision qui n’est pas nécessairement en adéquation avec la raison d’être du programme Mémoire du Monde. »

Il a toutefois soutenu que la décision finale sera prise « sans aucune considération d’ordre politique. »

Bien qu’elles soient connues sous le nom de « dessins de la libération, » les affiches sur la Palestine comprennent des documents de propagande de groupes sionistes.

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Fatah 1978 - Une affiche sur l’aube du mouvement palestinien de libération

M. Walsh, citoyen américain, collectionne depuis les années 1970 des affiches palestiniennes ou en rapport avec la Palestine.

Sa collection couvre le 20ème siècle et permet de suivre la façon dont les affiches politiques utilisaient l’ image.

Le fusil Kalachnikov, par exemple, occupait une place prépondérante dans le matériel distribué par l’Organisation de Libération de la Palestine dans les années 1970 et 1980. Puis il disparut pendant le « processus de paix » des années 1990, mais commença à faire sa réapparition lorsque la deuxième intifada éclata.

Facile à saboter

La collection en attente de l’approbation de l’UNESCO fait partie d’un fond d’archives plus volumineux qui contient plus de 10 400 affiches et qui, selon M. Walsh, grossit chaque jour.

M. Walsh numérise la collection depuis 1999. Une grande partie est consultable sur l’Internet. Salim Tamari, écrivain et érudit palestinien, a dit, « Cette collection est unique, en termes de quantité de données qu’elle contient. »

Amer Shomali, dessinateur et cinéaste basé à Ramallah en Cisjordanie occupée, a fait remarquer que cette collection est essentielle parce qu’un grand nombre d’affiches de l’OLP ont été détruites. Certaines le furent au cours de l’invasion du Liban par Israël en 1982 et d’autres lorsqu’Israël bombarda le QG de l’Autorité Palestinienne à Ramallah en 2002.

« Les anciennes affiches permettent de suivre l’évolution de la description visuelle de la Palestine, » a-t-il ajouté.

Sans renoncer à l’espoir, Dan Walsh soutient que la tentative de décrocher l’approbation des Nations Unies a pu être entravée par la politique. « Comme il est facile de saboter les efforts faits par la Palestine pour obtenir une reconnaissance culturelle, » a-t-il déclaré.

La publication des posters a été aimablement autorisée par le Palestine Posters Project Archives

* Charlotte Silver est journaliste indépendante à San Francisco. Elle a travaillé en Cisjordanie en Palestine. Twitter : @CharESilver

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10 septembre 2015- The Electronic Intifada- Vous pouvez consulter cet article à :
https://electronicintifada.net/cont...
Traduction : Info-Palestine.eu - MJB