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Tirer parti des intérêts communs de l’Amérique latine et de la Palestine
samedi 7 novembre 2015 - Daud Abdullah
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Une manifestation a eu lieu devant La Moneda à Santiago le 9 août 2014 pour protester contre la campagne militaire israélienne à Gaza et en signe de soutien au peuple palestinien - Photo : AFP

Ce week-end, l’organisation Middle East Monitor (MEMO) accueille une conférence internationale sur la Palestine et l’Amérique latine autour du thème « Construire la solidarité pour le XXIe siècle ». Bien qu’il ne s’agisse pas du premier événement de ce genre, celui-ci coïncide avec un tournant important dans l’histoire des peuples de ces deux régions et met l’accent sur leur destin et leurs intérêts communs : toutes deux aspirent à la liberté et à une véritable indépendance depuis plus d’un siècle.

Depuis le début du XXe siècle, les Palestiniens émigrent et s’installent dans toute l’Amérique latine. Ce processus a été accéléré par la Nakba en 1948 lorsque trois-quarts des Palestiniens ont été privés de leurs terres et contraints à l’exil lors d’une campagne de purification ethnique qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

On estime que 700 000 personnes d’origine palestinienne vivent désormais en Amérique latine. Elles constituent le plus important groupement de Palestiniens en dehors du monde arabe et sont principalement présentes au Chili et au Honduras.

Ces dernières années, un certain nombre de Palestiniens se sont hissés aux plus hauts postes de la fonction politique dans leurs pays d’adoption : Carlos Flores Facussé a été président du Honduras de 1998 à 2002, Elías Saca González a été président du Salvador de 2004 à 2009, Said Wilbert Musa a été le Premier ministre du Belize de 1998 à 2008 et Yehude Simon Munaro a été le Premier ministre du Pérou de 2008 à 2009.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les pays d’Amérique latine aient manifesté un soutien exceptionnel aux Palestiniens qui luttent pour se libérer du colonialisme sioniste. Ce soutien a revêtu différentes formes, y compris la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU.

De la même manière, un fort élan de soutien officiel et populaire pour les Palestiniens de la bande de Gaza a balayé la région pendant et après la série d’attaques perpétrées par Israël à l’encontre de l’enclave côtière à partir de 2008. Chaque nouvelle attaque a engendré une vague de solidarité dans les pays d’Amérique latine, dont certains sont allés jusqu’à expulser les diplomates israéliens et à rappeler leurs ambassadeurs à Tel Aviv.

Tandis que la communauté internationale se dirige vers un monde de plus en plus multipolaire et l’émergence d’un Sud global dans l’arène internationale, les pouvoirs qui ont longtemps dominé la diplomatie israélo-palestinienne semblent de plus en plus superflus. L’importance du Sud global a notamment été illustrée par l’implication et le soutien accordés à la Palestine dans les forums internationaux.

La conférence de MEMO cherche à promouvoir la compréhension des relations présentes et passées entre l’Amérique latine et la Palestine, à explorer la manière dont ces relations peuvent être développées et à étudier l’impact qu’elles auront sur la question palestinienne.

Plus concrètement, la conférence a pour objectif d’encourager une collaboration accrue entre l’Amérique latine, l’Europe et la Palestine au niveau de la société civile, de la classe politique et des médias. Elle cherche également à améliorer la compréhension des transformations qui touchent les combats latino-américain et palestinien au XXIe siècle.

Vient ensuite la question de la gouvernance. L’expérience palestinienne en la matière est unique. L’autorité nationale créée après les accords d’Oslo en 1993 a assumé les apparences cérémonielles de l’indépendance sans jamais exercer de contrôle souverain sur les zones dans lesquelles elle est active. Depuis qu’elle a obtenu le statut d’État observateur non membre à l’ONU, la Palestine est devenue un État occupé de jure. Tous les efforts des Palestiniens pour mettre fin à la brutale occupation militaire ont été contrecarrés par le soutien apporté à Israël par les Américains et les Européens.

Les Palestiniens et leurs sympathisants pourraient toutefois tirer quelques leçons de l’histoire de l’Amérique latine. Le déclin de l’hégémonie américaine en Amérique latine a été précipité par l’avènement de la Chine en tant que partenaire commercial majeur de la région. En 2010, le commerce avec la Chine représentait 180 milliards de dollars, soit 18 fois plus qu’en 2000. Les exportations américaines dans la région sont par ailleurs passées de 55 % en 2000 à 32 % en 2009. À quoi ressemblerait le futur si l’influence américaine au Moyen-Orient était supplantée de la même manière ?

En 2005, le président Luiz Inácio Lula da Silva a organisé un sommet réunissant les États sud-américains et arabes au Brésil. La plupart des États arabes, notamment ceux qui entretiennent des relations étroites avec Washington, ne s’y sont pas rendus.

Le fait que notre conférence puisse préparer le terrain pour cette collaboration serait donc une réussite, d’autant plus que d’éminents diplomates et hommes politiques de différents pays seront présents ce week-end. La reprise de ce projet pourrait servir d’outil pour aider la Palestine.

L’une des solutions adoptées par la nouvelle gauche pour réduire l’influence américaine en Amérique latine consiste en la formation de divers groupements régionaux. Elle est ainsi parvenue à contourner le fantôme de l’Organisation des États Américains (OEA). Les pays arabes devraient peut-être envisager la mise en place de groupements similaires puisque leurs organes régionaux déficients n’ont pu se transformer en vecteurs efficaces pour le changement.

La conférence de MEMO ne sera pas la dernière de ce genre. Elle ouvrira non seulement la voie à d’autres événements à venir, mais permettra aussi de poursuivre les efforts antérieurs. En 1984, le Palestinian Club of Chile (Club palestinien du Chili) et la Federation of Brazilian-Palestinian Associations (Fédération des associations brésilo-palestiniennes) ont demandé l’organisation du premier congrès des entités palestiniennes en Amérique latine et aux Caraïbes. Cela a conduit à la création de la Confédération latino-américaine des institutions palestiniennes (COPLAC).

Plus que toute autre chose, nous espérons que cette initiative de MEMO permettra un échange d’expériences et la mise en place d’un dialogue durable qui garantira les droits nationaux des citoyens d’Amérique latine et de Palestine.

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* Dr Daud Abdallah est directeur du Middle East Monitor

Du même auteur :

- Les leçons des élections universitaires à Birzeit - 1er mai 2015
- Au fil des boycotts, Israël perd ses alliés - 4 janvier 2014

19 août 2015 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction : MEE - VECTranslation