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La résistance islamique sort meurtrie de la dernière offensive répressive de l’Autorité de Ramallah
mardi 21 juillet 2015 - Adnan Abu Amer
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Les milices de l’AP, véritables supplétifs de l’occupant israélien, répriment ici une manifestation à Ramallah en juillet 2006 contre la venue de la secrétaire d’Etat américaine C. Rice - Photo : MaanImages/Fadi Arouri

La campagne dure depuis environ quinze jours à la date de cet article,et a ciblé les villes de Tulkarem, Salfit, Hébron, Bethléhem et Naplouse.

Le 14 juillet, Hamas a publié une liste de 250 de ses membres détenus dans les prisons palestiniennes depuis le début de la campagne d’arrestations.

Hussam Badran, porte-parole du Hamas, a déclaré à Al-Monitor qu’ « il s’agit de la plus importante mesure répressive prise par l’Autorité palestinienne (AP) à l’égard du Hamas depuis 2007. C’est l’une des mesures destinées à mettre fin à l’accroissement de la résistance armée à Israël, laquelle a signalé (à Israël) que le Hamas est derrière la majorité des opérations armées qui ont pris place en Cisjordanie au cours des dernières semaines. »

La campagne de l’AP contre le Hamas a commencé après qu’en Cisjordanie ait eu lieu une série d’attaques armées de Palestiniens contre les Israéliens en juin – le 29 juin au nord de Ramallah, le 27 juin en Cisjordanie centrale, le 21 à Jérusalem et le 19 juin à l’ouest de Ramallah-.

En attendant, Adnan al-Damiri, le porte-parole des services de sécurité en Cisjordanie a noté le 4 juillet dans une déclaration à la presse que les arrestations contre les membres du Hamas sont basées sur une information de la sécurité concernant les intentions du Hamas en vue d’entraîner la Cisjordanie dans une guerre contre Israël. Il a aussi révélé qu’un groupe armé affilié au Hamas avait été arrêté au nord de la Cisjordanie, lequel comptait 40 membres qui avaient planifié un assaut contre les services de sécurité.

Des instructions venues du côté israélien

Hussein Youssef, un des responsables du Hamas, a déclaré à Al-Monitor que « Les propos concernant un groupement militaire sont des rumeurs diffusées par les services de sécurité pour justifier les arrestations de membres du Hamas. Cependant, les arrestations des services de sécurité palestiniens ont une raison politique. Ces arrestations ont pris place au cours d’opérations armées contre les colons et l’armée israélienne et elles sont basées sur les instructions des services de sécurité israéliens. »

Al-Monitor s’est entretenu avec les parents de prisonniers originaires de Cisjordanie qui ont refusé de révéler leur identité et confirmé que les services de sécurité palestiniens qui ont arrêté les membres du Hamas en Cisjordanie sont la Force de Sécurité préventive, le Renseignement général, la Force de Sécurité nationale et la police.

Ces forces ont investi les foyers de cadres du Hamas tard le soir, tous masqués et lourdement armés, accompagnées de chiens policiers, d’indicateurs et de moyens techniques d’inspection.

Le Hamas a fait plusieurs déclarations contre la campagne de sécurité qui cible ses membres.

La dernière en date a été faite le 13 juillet, le mouvement avertissant l’AP de la nécessité de prendre certaines mesures - dont la nature n’a pas été révélée - pour mettre fin à ces arrestations ; (le Hamas) estime en effet qu’il est la victime d’une campagne d’élimination de la Cisjordanie, ce qui risque de l’amener à reconsidérer une réconciliation avec le Fatah.

La fin du processus de réconciliation

Il est vrai que la réconciliation entre le Fatah et le Hamas progresse lentement et à petits pas. Mais les récentes arrestations représentent un revers sans précédent quant aux rapports entre les deux.

Cette campagne pourrait peut-être être un rapide premier pas pour oublier la réconciliation et en revenir à la division dont souffrent les Palestiniens depuis 2007. Cependant, la tension entre le Hamas et le Fatah ne se limitait pas aux arrestations de membres du Hamas en Cisjordanie, mais elle a pris une dimension plus dangereuse, suite aux déclarations émises par les deux parties.

Akram al-Rajoub, le gouverneur de Naplouse, a annoncé le 4 juillet sur son compte Facebook que les services de sécurité vont cibler sans exception tous les membres du Hamas.

Ismaïl al-Ashkar, président du Comité de Sécurité au Conseil législatif du Hamas, a en conséquence averti le 5 juillet les services de sécurité en Cisjordanie dans une déclaration à la presse, qu’ils risquaient de se transformer en une des cibles du Hamas suite aux arrestations.

Un officiel de sécurité palestinien qui s’est exprimé à Al-Monitor sous condition d’anonymat a refusé de révéler les vraies raisons de la campagne d’arrestations contre le Hamas en Cisjordanie, mais il a déclaré « qu’après avoir contrôlé la bande de Gaza et bénéficié d’un consensus régional et international quant à sa présence sur place grâce à une trêve à long terme avec Israël, il se pourrait que le Hamas veuille aussi contrôler la Cisjordanie. Ceci a été révélé par un renseignement obtenu par les services de sécurité palestiniens et qui a été exprimé par les responsables politiques du Hamas. »

D’un autre côté, Ismaïl Haniyeh, directeur adjoint du bureau politique du Hamas, a nié le 14 juillet dans une déclaration à la presse, que les arrestations des services de sécurité contre le Hamas puisse forcer celui-ci à retourner ses armes, qui ont toujours visé Israël, faisant référence au fait que le Hamas ne désire pas contrôler la Cisjordanie.

A l’heure actuelle, les tensions sécuritaires persistantes en Cisjordanie soulignent les réticences de l’AP à mettre fin à sa campagne contre le Hamas, qui va augmenter le nombre de détenus en Cisjordanie, compliquant encore plus la situation entre le Fatah et le Hamas.

Comme Al-Monitor l’a appris par d’importants dirigeants du Hamas, le Hamas dialoguait avec ses responsables dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et à l’étranger pour étudier les options possibles suite à la répression de l’AP contre le mouvement en Cisjordanie. Le Hamas a évoqué une série de mesures, dont une mobilisation publique et des manifestations populaires, faisant aussi appel aux autres organisations pour condamner les mesures prises par l’AP contre le mouvement en Cisjordanie.

Le Hamas ne veut pas d’une escalade répressive

Certains membres du Hamas ont demandé l’imposition de mesures de rétorsion contre le Fatah à Gaza. Mais la direction du Hamas n’a pas répondu positivement à cette demande, car elle est réticente à l’égard d’une escalade répressive avec le Fatah. Elle souhaite maintenir son rejet des arrestations politiques au niveau populaire, loin d’une escalade dans les mesures répressive sur le terrain.

Le 4 juillet, le Hamas a tenu une conférence de presse à Gaza à laquelle ont participé les autres organisations, pour condamner la campagne de l’AP contre le mouvement.

Les médias affiliés au Hamas ont rapidement recueilli les les réactions palestiniennes condamnant les arrestations de membres du Hamas par l’AP.

Entre temps, les familles des détenus politiques ont organisé un sit-in le 8 juillet à Ramallah, non-stop jusqu’à ce que leurs enfants soient libérés.

Le 14 juillet, les familles des détenus ont lancé une campagne intitulée « Moush Nasyinak » (« Nous ne vous avons pas oubliés » en arabe) faisant référence à leurs enfants enfermés dans les prisons palestiniennes.

Al-Monitor s’est procuré une copie d’un rapport secret préparé par un comité de sécurité palestinien en janvier 2014 et présenté au Président Mahmoud Abbas à propos de la situation sécuritaire en Cisjordanie.

Le rapport mentionne que « le Hamas a l’intention de changer ses tactiques sur le terrain et de renouveler son activité militaire en Cisjordanie. Les estimations sécuritaires palestiniennes prédisent que le Hamas a déplacé ses cellules armées en Cisjordanie vers des régions contrôlées par les contrôles de sécurité israéliens, où le contrôle palestinien est absent. »

Ce qui pourrait expliquer la puissance des frappes de l’AP sur le Hamas en Cisjordanie est leur coïncidence avec une augmentation des attaques armées sur place, contre les Israéliens. Il semblerait que l’AP soit convaincue que ces opérations pourraient sérieusement l’affecter – même si elles ciblent les soldats israéliens et les colons - et pourraient avoir de durs effets sur l’AP, car l’armée israélienne peut effectuer de profondes incursions et éliminer sa présence sur place.

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* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé sur l’Histoire de la question palestinienne, la sécurité nationale, les sciences politiques et la civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.

Du même auteur :

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16 juillet 2015 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Jean Cartier