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L’Autorité de Ramallah réprime durement les militants étudiants
lundi 25 mai 2015 - Patrick O. Strickland
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Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne arrêtent un manifestant en Cisjordanie - Photo : Reuters

Omar Kiswani, un étudiant militant à l’Université Birzeit de Ramallah, n’a guère été surpris lorsque les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne l’ont arrêté pour l’interroger, de même que ses camarades, à la suite des élections au Conseil étudiant le mois dernier.

Kiswani est membre du bloc « Wafaa » islamique, un groupe affilié au Hamas qui avait remporté la majorité au Conseil par 26 sièges contre 19 (sur 51). Sa victoire sur le bloc « Martyr Yasser Arafat », affilié au Fatah, le parti politique de l’Autorité palestinienne, avait créé la surprise.

« J’ai été arrêté par l’AP à deux reprises » confie-t-il à VICE News, expliquant que sa détention faisait suite aux résultats des élections étudiantes. « Bien sûr ils visent à présent les militants islamiques parce que le Hamas a remporté les élection ». « Leur interrogatoire a porté uniquement sur mes opinions politiques et sur les militants que je connais. Les agents m’ont traité avec violence et m’ont menacé verbalement. J’ai déposé une plainte, mais je sais bien que le tribunal ne rendra pas justice ».

Un nouveau rapport publié par l’ONG vigie Human Rights Watch (HRW) a montré une forte augmentation du nombre d’arrestations par l’AP de militants étudiants en Cisjordanie sous occupation israélienne, apparemment pour affiliation au Hamas ou pour opinions politiques critiques. Les analystes disent que cela fait partie d’une vaste tentative de l’AP pour contrôler les rumeurs de rupture après l’accord unitaire entre Hamas et Fatah (parti politique qui contrôle l’AP) et le règne de plus en plus vacillant de l’AP sur la Cisjordanie.

Ces élections étudiantes sont un marqueur important dans l’ambiance politique cisjordanienne, notait le New York Times, qui citait un proche collaborateur du Président de l’AP, Mahmoud Abbas parlant de la victoire à Birzeit. « Nous avons perdu » a dit Saeb Erekat. « Je ne peux pas vous en avancer la moindre raison, sinon l’humeur palestinienne. Ma maison est en train de suffoquer ».

Selon le rapport de HRW : « Palestine : des étudiants sont détenus pour leurs opinions politiques » -depuis les élections au moins 25 étudiants de l’Université Birzeit et d’autres institutions universitaires ont été emprisonnés ou cités à comparaître pour interrogatoire par l’AP. « Il est extrêmement préoccupant que des étudiants soient maintenus en détention par les forces palestiniennes sans autre raison apparente que leur connexion avec le Hamas ou que leurs opinions » a dit Sarah Leah Whitson, directrice MENA à HRW. « Les Palestiniens devraient avoir la possibilité d’exprimer leurs opinions politiques critiques sans être arrêtés ou passés à tabac ».

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Adnan al-Dmiri, porte-parole des forces de sécurité de l’AP, rejette l’accusation des étudiants qui se disent ciblés en raison de leurs croyances politiques. « Nous n’arrêtons jamais des personnes pour leurs discours ou pour leurs affiliations politiques » dit-il à HR, affirmant que les étudiants avaient été arrêtés pour incitation à la violence sectaire et pour d’autres charges criminelles ».

Mais l’enquêtrice de HRW Sarah Saadoun rejette l’assertion de Dmitri : « Dans les cas que nous avons vus, l’AP n’a en réalité présenté aucune preuve qu’il y ait eu incitation » a-t-elle dit à VICE News, ajoutant que la série d’arrestations fait suite à « d’autres arrestations au cours de l’année écoulée qui n’étaient pas en relation avec le Hamas ».

Ismail Nassar, 25 ans, étudiant de premier cycle et secrétaire du mouvement estudiantin à Birzeit « Front Démocratique pour la Libération de la Palestine (DFLP), dit que des militants de son parti et d’autres groupuscules gauchistes ont subi des pressions pour qu’ils votent en faveur du bloc étudiant affilié au Fatah, avant les élections. « Certains militants et leurs parents ont été appelés chez eux. On leur a dit de voter Fatah ou alors, de ne pas se rendre en cours le jour des élections ».

« Pour les gauchistes, ce n’est pas la même chose que pour les militants du Hamas » explique-t-il, « parce que l’AP nous vise de manière indirecte. Ils visent même des membres du Fatah qui critiquent leur politique. C’est un état policier ».

Sharif Nashashibi, analyste politique basé à Londres, a dit que la vague d’arrestations est la continuation d’une répression contre le Hamas qui dure depuis longtemps en Cisjordanie, mais qu’on peut voir aussi comme une tentative plus vaste de l’AP pour paralyser toute critique ».

« C’est une répression générale contre toute divergence d’opinion, et la sympathie envers le Hamas en fait partie » dit-il à Vice News. « L’AP ne fait que se servir du Hamas comme du croquemitaine pour justifier la répression ». Nashashibi argue que la répression est une preuve de plus que l’accord unitaire entre Hamas et Fatah est un échec. « L’accord d’unité nationale est en effet quelque chose qui n’existe tout simplement pas. Dans l’intérêt de la politique intérieure, aucune des deux parties ne veut le reconnaître. Mais pour ce qui est des intentions et des objectifs, l’accord est mort et enterré ».

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Le militant du Hamas Omar Kiswani a dit à Vice News : « La répression s’est en fait aggravée depuis l’accord unitaire. Nos membres ont été visés plus souvent et plus violemment ».

Bara al-Qadi, ancien directeur du club étudiant des médias à Birzeit, fait écho à ce sentiment que l’AP vise tout qui critique sa politique, et en particulier la politique de coopération sécuritaire avec les militaires israéliens. « La première fois que j’ai été arrêté [en septembre 2014] c’est pour avoir écrit un article critiquant la coopération sécuritaire. C’est la ligne rouge pour les forces de sécurité » dit-il à Vice News.

Arrêté à deux reprises et ayant subi une douzaine d’interrogatoires, il était encore détenu en janvier dernier pour avoir suggéré que le commandant général AP de la sécurité avait été remplacé par le "capitaine Majed", un personnage de l’univers de la caricature arabe.

En avril dernier, Qadi dit avoir reçu une série de coups de téléphone anonymes chez lui, l’avertissant d’avoir à cesser de critiquer le Président de l’AP Mahmoud Abbas sur les réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, alors qu’il déambulait avec sa sœur dans le bas de Ramallah, un groupe d’hommes masqués se sont saisis de lui et l’ont enlevé en voiture. « Ils m’ont battu pendant une demie-heure tout en roulant et ont menacé de me tirer une balle dans la jambe » dit-il. Il a porté plainte auprès de la police locale mais n’espère guère de résultat. « Je suis certain que c’étaient des gens affiliés aux forces de sécurité qui m’ont kidnappé ».

Bien que disant avoir été menacé d’un autre enlèvement ou de nouveaux interrogatoires s’il continuait à vilipender des personnages influents sur Facebook, al-Qadi affirme ne pas avoir l’intention d’arrêter. « Je continuerai à écrire et à dire mon opinion jusqu’à ce qu’ils me tirent vraiment dans la jambe. Après ça, revenez et demandez-moi si je veux toujours m’exprimer librement » conclut-il.

Patrick O. Strickland est un journaliste et grand reporter américain indépendant spécialiste des questions de justice sociale et des droits humains au Moyen-Orient et spécialement en Palestine. Il écrit pour de nombreux médias notamment al-Jazira, Alternet, VICE News, Deutsche Welle, Syria Deeply, AlterNet, The Electronic Intifada, GlobalPost, Middle East Eye, Truthout, In These Times, Al-Monitor, Electronic intifada, Socalist Worker etc ...
Son compte Twitter : @P_Strickland_

Du même auteur :

- Les leçons des élections universitaires à Birzeit - 1er mai 2015
- Grève des Palestiniens d’Israël pour protester contre les assassinats commis par la police - 28 janvier 2015
- A Jérusalem, des milliers d’enfants sont privés des services publics de base par l’apartheid israélien - 5 janvier 2014
- « Personne ne nous fera taire » - 10 novembre 2014

19 mai 2015 - Vice News - Vous pouvez consulter cet article à :
https://news.vice.com/article/stude...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM