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Égypte : plus de 700 opposants à la dictature condamnés à mort
mardi 14 avril 2015 - Mohamed Gamal Arafa
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Premier dirigeant de la Fraternité musulmane, Mohammed Badie attend l’ultime confirmation de sa condamnation à mort. Son fils Ammar Badie, a été tué par la police des putschistes lors des manifestations contre le coup d’état militaire - Photo : Reuters

Les militants et spécialistes en matière de droits de l’homme parlent d’une « approche délibérée pour éliminer » ceux qui sont opposés au coup de force et à l’état dirigé par le général Abdel Fattah Al-Sisi.

Depuis le coup de force perpétré en juillet 2013 contre le gouvernement élu du Président Mohamed Morsi, plus de 700 des adversaires politiques d’Al-Sisi ont été condamnés à mort. Une première exécution a déjà eu lieu. Des milliers d’opposants ont été emprisonnés, selon les rapports d’organisations locales et internationales de défense des droits de l’homme, comme Amnesty International.

Les plus récentes des peines de mort ont été prononcées ce samedi par le juge Mohamed Nagy Shehata, contre 14 responsables de la Confrérie Musulmane, le plus important d’entre eux étant le Guide Suprême du groupe, Mohamed Badie. Au total, cela élève sa liste de condamnations à quatre exécutions par pendaison et à une somme de 104 années de prison sur la base des accusations invoquées dans six autres cas. Il est toujours en accusation pour 34 autres cas, pour lesquels les jugements n’ont pas encore été rendus.

Selon un spécialiste juridique, les jugements réguliers condamnant le Guide Suprême du mouvement à la peine de mort et à la prison indiquent « une faute juridique », étant donné que chaque accusation ne doit produire qu’une seule sentence. Cet expert estime que les autorités égyptiennes ont délibérément édicté plusieurs sentences [par cas] « dans des buts politiques ».

La dernière peine de mort prononcée contre Badie est la première à être annoncée en sa présence, après que la Cour de la Cassation ait décidé d’annuler une condamnation à mort précédente prononcée en son absence dans le cas de « Al-Adwa ». Deux condamnations semblables ont été également prononcées sans qu’il soit présent et elles devraient être reconsidérées dans les futures auditions où le Guide Suprême sera déféré, portant l’uniforme rouge indiquant qu’il est en instance d’être exécuté.

Le juge Shehata est surnommé « le juge des exécutions ». Il a édicté deux sentences contre le chef de Confrérie : une de 50 années d’emprisonnement et une peine de mort. Il est également le juge qui a transmis le dossier de Badie au mufti égyptien à deux reprises. L’exécution a été approuvée une fois par le fonctionnaire islamique.

Exécutions ou réconciliation

Abu Al-Khair, un spécialiste juridique égyptien, est persuadé que les jugements contre les dirigeants de la Confrérie « sont politiquement motivés », dans le but de faire pression sur le mouvement islamique pour qu’il accepte une sorte de réconciliation ou d’arrangement.

« Il est bien connu et établi légalement qu’un accusé qui a commis plusieurs crimes est condamné à la peine maximum et la plus dure, » dit le professeur de Droit international à al-Qods Press, « et si la punition pour ce crime est l’exécution, alors il ne peut y être condamné qu’une fois, car cela annule les peines moins sévères. »

Le professeur a ajouté qu’une cour considérera habituellement tous les autres crimes commis par l’accusé, y compris un crime punissable de mort, comme des cas extrêmes et condamnera donc l’accusé à une peine de mort pour l’ensemble de tous les crimes. « Cependant, aucune cour raisonnable dans le monde ne condamne un accusé à quatre peines de mort. »

Al-Khair d’Abu a également noté que les peines de mort édictées dans « le procès de la salle d’opération de Rabaa » sont « des actes politiques » destinés à faire pression sur le mouvement pour qu’il accepte un arrangement ou une réconciliation, et pour empêcher des protestations. « C’est une erreur professionnelle grave de la part du juge, et [cette erreur] soit être présentée à une commission spéciale, » a-t-il insisté.

Condamnation internationale des organisations de défense des droits de l’homme

Un certain nombre d’organismes de défense des droits de l’homme, basées en Europe, ont signé une déclaration condamnant les procédures judiciaires appliquées dans les cours de justice égyptiennes, considérées comme des abus contre les droits des accusés.

Ces organisations estiment que les jugements prononcés par le Tribunal Pénal du Caire dans « le procès de la salle d’opération de Rabaa » - où ont été poursuivis 51 personnes dont des journalistes, des militants et des défenseurs des droits de l’homme, aussi bien que des dirigeants de la Confrérie - sont tous « des violations flagrantes de la justice et une faille dans les fondations sur lesquelles l’ordre judiciaire devrait être construit. »

Dans une déclaration publique, ces organisations ont noté que les procédures légales dans les procès, de leur début jusqu’au moment du verdict, montraient « des infractions scandaleuses » vis-à-vis des normes exigées pour un procès équitable. « Des prisonniers n’ont même pas été amenés devant la cour pour y être condamnés, alors que les requêtes de certains n’étaient pas même entendues, » ont-elles précisé.

« Les condamnations publiées hier sont avant tout de nature politique et n’ont aucune base juridique. Il y a également des doutes sérieux concernant l’indépendance et l’impartialité du juge principal, Mohamed Nagy Shehata, puisqu’il a exprimé sa conviction de la culpabilité des accusés durant tout le procès, avant même d’entendre leur défense. Il est également la personne qui a publié des centaines de peines de mort en Égypte au cours des derniers mois, avec un total de 210 si l’on inclut les peines prononcées hier. Les avocats de la défense avaient demandé qu’il soit déchargé du procès à cause de son manque d’impartialité, » dit encore la déclaration.

Les organisations de défense des droits de l’homme ont invité les autorités égyptiennes à reconsidérer ces condamnations à mort. Elles ont également invité le Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, Le Groupe de travail sur la détention arbitraire, et le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, à intervenir auprès des autorités égyptiennes pour qu’elles assurent la libération immédiate des accusés, particulièrement les journalistes, et pour que ceux-ci obtiennent de « justes compensations ».

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13 avril 2015 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
https://www.middleeastmonitor.com/b...
Traduction : Info-Palestine.eu