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La réélection de Netanyahu s’avérera-t-elle catastrophique pour le projet sioniste ?
samedi 21 mars 2015 - Abdel Bari Atwan
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Le racisme le plus abject a servi de nutriment à la campagne électorale de Netanyahu - Photo : UPI

Ses partisans célébraient l’évènement en criant : « c’est un magicien »... Les deux charmes magiques qu’il a instillés dans l’électorat étaient : « Non » à un état palestinien et « oui » à la poursuite du programme de construction illégal de colonies.

L’ancien premier ministre israélien Ehud Barak avait par le passé affirmé qu’il avait démasqué le défunt dirigeant palestinien Yasser Arafat... Aujourd’hui c’est Netanyahu qui s’est démasqué en tant que raciste et réjectionniste manifeste de la paix. Dans un dernier effort pour pousser plus de ses concitoyens juifs à aller voter, « Bibi » a crié que des « hordes » de Palestiniens des secteurs de 1948 « étant véhiculés » par la gauche pour se rendre aux urnes.

Imaginez qu’un dirigeant occidental parle des électeurs d’origine africaine ou asiatique en de tels termes !

Cette victoire démontre le chemin sinistre parcouru par la population israélienne. Il y a eu une participation électorale de 72% et le Likud de Netanyahu a gagné 30 sièges à la Knesset, en s’appuyant sur une plate-forme anti-arabe qui a porté un coup mortel et définitif à tout processus de paix. Ses associés probables dans la coalition qu’il devra former pour rester premier ministre, seront comme de juste le fascisant Yisrael Beiteinu d’Avigdor Lieberman, le ministre des affaires étrangères, et une poignée d’autres parties ultra-orthodoxes.

Netanyahu a basé sa campagne sur la peur, jouant sur le sentiment croissant de vulnérabilité des Israéliens, et en se présentant comme son défenseur le plus enthousiaste et désintéressé. Il a menacé le Hezbollah des mêmes violences que celles que l’armée Israélienne inflige régulièrement à la bande de Gaza, et il a grossièrement exagéré la menace que représentent pour Israël l’extrémisme islamique et les ambitions nucléaires de l’Iran.

Quand il s’est adressé au Congrès des États-Unis le 3 mars, à l’invitation du Parti Républicain, Netanyahu a clairement posé un défi au Président Barack Obama (qui n’était pas présent) et il a fait du résultat des élections israéliennes une affaire personnelle. L’antipathie entre les deux hommes a toujours été évidente, à cause de l’intransigeance têtue du chef israélien pendant les négociations du dit processus de paix.

Les bases soigneusement préparées par Obama pour un accord du groupe P5+1 (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine, Allemagne) avec l’Iran concernant son programme nucléaire, ont pris un mauvais coup lorsque Netanyahu a d’une façon impérieuse informé l’assemblée que « c’est un accord très mauvais. Nous sommes bien plus à l’aise sans lui ».

L’administration d’Obama a soutenu l’Union Sioniste dite de centre gauche et espéré qu’elle pousserait Netanyahu dehors, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités pour un processus de paix. Tout au contraire, les colombes de Washington et la fierté du président feront partie des victimes du faucon israélien.

Le chef de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a également pris un sale coup, peut-être fatal, avec la victoire de Netanyahu. Son rôle dans le processus de paix maintenant défunt lui donnait une apparence de crédibilité, alors que son mandat a officiellement expiré en 2009. En gelant quelques 127 millions de dollars des taxes dues en retour à l’AP, Netanyahu est déjà en train de lui retirer son oxygène et des milliers d’employés de l’AP sont aujourd’hui sans salaire.

Le gel a été imposé en représailles à l’intégration de l’AP à la Cour Pénale Internationale en décembre dernier, et à son intention avouée d’entamer des poursuites contre l’état israélien. L’AP a également adopté une résolution pour cesser toute coordination répressive avec Israël, mais Abbas avait retardé sa mise en application, persuadé que la gauche israélienne emporterait les élections… S’il poursuit sur cette voie, un Netanyahu vindicatif risque fort de démanteler l’AP.

Le bloc des soit-disant « modérés arabes » devra relever de nouveaux défis, et difficiles. Une victoire de l’Union sioniste à Tel Aviv leur aurait permis de s’aligner derrière un processus de paix, mais tout s’est évaporé et il ne leur reste que la confrontation ou la reddition. Le sommet annuel de la Ligue Arabe, qui aura lieu à Sharm Al Shaikh en Égypte à la fin de ce mois, verra vraisemblablement la modération transformée en ressentiment contre Israël.

L’Occident - Washington et l’Union Européenne - qui avait mis tous ses espoirs et efforts dans le processus de paix depuis de nombreuses années, a pareillement échoué devant la position destructrice de Netanyahu. Si l’Occident est mis sur la touche, il n’y a aucun espoir que la communauté internationale impose la justice pour les Palestiniens.

Il est intéressant de noter que l’ancien premier ministre Britannique Tony Blair a commencé à parler d’une démission imminente de son poste de représentant pour la paix au Moyen-Orient, en même temps que Netanyahu affichait ses positions les plus radicales, ce qui laisse supposer que Blair savait ce qui allait se produire et qu’il voulait éviter d’être forcé de défier ou critiquer le chef israélien dont il partage en très grande partie la vision du monde.

La réélection en Israël de Netanyahu est accompagnée de tant de risques qu’elle est presque suicidaire.

À un moment où le Moyen-Orient est déchiré par les conflits sectaires, Netanyahu souligne l’aspect religieux de sa vision politique et appelle Israël à serrer les rangs dans « un État juif ».

Les Israéliens veulent-ils vraiment sombrer dans un paradigme qui ferait finalement « d’un État Juif » le pendant de la nouvelle bête féroce, à savoir Daesh (l’auto proclamé État Islamique d’’Irak et du Levant) ? Netanyahu conduira-t-il ses concitoyens à s’opposer seuls aux États-Unis et à l’Europe sur la Palestine et l’Iran ?

Est-ce que Israéliens veulent provoquer une escalade des mouvements déjà puissants pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS) ? Et veulent-ils s’aliéner leurs alliés les plus importants dans les capitales occidentales - les gouvernements qui garantissent la sécurité israélienne dans un environnement géopolitique immensément hostile ?

Ces questions s’imposent face aux célébrations des partisans pro-Netanyahu dans les villes israéliennes. Les réponses peuvent les forcer à y réfléchir à deux fois.

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* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai Alyoum : Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan

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20 mars 2015 - Raï al-Yaoum - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.raialyoum.com/?p=233384
Traduction : Info-Palestine.eu