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Enthousiasme des filles dans les clubs hippiques de Gaza !
jeudi 22 mai 2014 - Mohammed Othman
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Photo : Mohammed Othman

On est loin des gazons de polo méticuleusement entretenus et des terrains de concours de Wellington (Floride) ou de Spruce Meadows (Canada), les clubs de Gaza gèrent les choses un peu différemment.

Il y a deux ans et demi, le Club Équestre Palestinien, situé au nord de la bande de Gaza, a adopté une tenue décontractée et légèrement ample comme uniforme officiel pour ses membres féminins, respectant ainsi les traditions de la bande de Gaza conservatrice.

Amal Yaghi, la directrice du club, détenu par des hommes d’affaires appartenant au Hamas et à certains investisseurs indépendants, a déclaré à Al -Monitor que la tenue faisait partie du règlement privé du club, présenté aux cavalières sur la base d’un accord avec les familles et le conseil d’administration du club. Selon elle, cela a été fait pour que les filles puissent pratiquer le sport librement, ainsi que pour empêcher que les cavalières « attirent l’attention » sur elles-mêmes pendant qu’elles montent.

« Il y a une demande croissante de la part de jeunes, filles et garçons, pour s’inscrire à ces clubs, et les familles encouragent fortement [leurs enfants] à pratiquer ce sport . Nous avons maintenant entre 120 et 150 membres, et un tiers d’entre eux sont des filles. Bien qu’actuellement les nouvelles inscriptions soient peu nombreuses, car les jeunes sont pris par leurs études dans les écoles secondaires et les universités, à partir du 1er Juin nous aurons entre 80 et 100 nouveaux adhérents tous les mois », a-t-elle déclaré à Al -Monitor.

Amal Yaghi précise que le Club Equestre Palestinien, qui a été créé au milieu des années 1990, est l’un des plus grands clubs équestres de toute la Palestine, sa superficie totale est supérieure à 27 dunums [ 6,7 hectares ]. Elle explique qu’il y a actuellement trois clubs équestres dans la bande de Gaza, mais que ce sport est limité à quelques privilégiés, car la plupart des gens n’ont pas les moyens de payer les frais.

" Les prix élevés des leçons d’équitation sont une autre raison qui empêche les familles d’envoyer leurs enfants dans les clubs, vu l’état de pauvreté extrême qui les affecte. Seules les familles à haut standing sont en mesure d’inscrire leurs enfants, " dit-elle, ajoutant que « le club perçoit 200 shekels (60 $) pour un nombre limité de leçons. Ce prix peut être supérieur si le nombre mensuel de leçons augmente. "

Salma Shawa, 17 ans, cavalière appartenant à l’une des familles les plus riches de la bande de Gaza, a reçu un soutien sans faille de sa famille. Elle a déclaré à Al -Monitor que la société est opposée à de telles pratiques, car beaucoup sont ceux qui désapprouvent qu’une femme monte à cheval.

« J’ai confiance en moi-même et je fais ce que j’aime ... je trouve cool de pratiquer mon loisir favori, et je n’ai pas besoin de faire attention à ceux qui veulent l’empêcher. Je n’ai pas l’intention d’arrêter de venir au club, j’y viens trois fois par semaine ».

Najah Zaarab , 15 ans , a de même déclaré qu’ « il est bon de pratiquer le sport qu’on aime . Je sens que je ne fais qu’un avec mon cheval. Je me sens très heureuse. C’est un sport idéal pour se détendre. " Elle a expliqué que c’est le seul sport que les filles pratiquent ouvertement dans la bande de Gaza, car elles ne sont pas autorisées à participer à d’autres activités sportives.

Aujourd’hui, malgré son intérêt croissant pour le sport, la société Gazaouite conservatrice adhère encore à de strictes coutumes et traditions, en particulier quand il s’agit pour les femmes de pratiquer un sport. Le gouvernement du Hamas a déjà interdit le sport féminin à Gaza, par exemple le Marathon de la Femme l’an dernier.

« Même si nous acceptons les adhésions au club à partir de cinq ans, actuellement nous n’avons que de grandes adolescentes. Les femmes dans la vingtaine ou la trentaine ne viennent monter à cheval que pour de courtes périodes. Elles ne cherchent pas à devenir de vraies cavalières, mais plutôt à monter pour le plaisir. C’est parce qu’apprendre à monter pour une femme de 20 ou 30 ans, dans notre culture ça n’existe pas ", a ajouté Yaghi.
Le Club Equestre des Amis, créé depuis moins d’un an, est situé au sud de la ville de Gaza. Il s’étend sur cinq dunums [ 1,2 hectares ] de terres , la plupart affectées à la piste de course et d’entrainement. Il se développe lentement dans une région agricole loin des zones résidentielles. Mais bien que ce club manque des nombreuses installations offertes par les autres, il a vu le nombre de ses adhérents augmenter, en particulier ces derniers mois. Mohammed al - Rifati, le propriétaire du club et également entraineur, a déclaré à Al –Monitor « Malgré le fait que les clubs dédiés à la pratique de l’équitation soient relativement nouveaux, nous avons déjà 25 membres féminins et 50 membres masculins ».

Rifati exerce comme moniteur d’équitation pour les cavaliers masculins et féminins. « Nous avons observé une forte demande de la part de jeunes filles et de leurs familles. Nous avons maintenant 25 membres féminins, et leur nombre augmente de façon significative en été. Quand je donne mes cours je m’assure que les cavaliers ne sentent pas de distinction qu’ils soient filles ou garçons. Le message que je délivre, c’est que je les forme à devenir tous de bons cavaliers, sans faire de discrimination », a-t-il ajouté.

La plupart des femmes qui montent à cheval dans les clubs équestres ne portent pas le hijab, le voile islamique, et le gouvernement ne semble imposer aucune contrainte à ce niveau. Bien que ce sport soit en extension, certains habitants locaux s’opposent à ce que les femmes y participent.

Mohamed Abou Zed, 52 ans, charpentier de Rafah et appartenant à la classe moyenne, estime que l’équitation n’apporte rien de bon aux filles et qu’elles doivent rester à la maison. « [L’équitation] n’est pas naturelle [pour les filles], » dit-il . « Ça ne me plairait pas d’envoyer mes filles à ces clubs pour pratiquer l’équitation, car cela ne leur serait profitable en aucune façon. En outre, nos habitudes et nos traditions nous interdisent de telles pratiques, en particulier dans notre société orientale. »

Hassan Ahmed, 40 ans, chauffeur de taxi à Gaza et père de six enfants, exprime un point de vue similaire. Il a déclaré à Al -Monitor que peu de familles envoient leurs filles dans des clubs hippiques en raison des frais élevés. « Il est bien connu et admis dans la société qu’il n’est pas normal pour une adolescente d’exercer ce sport. Sans parler du fait que les filles sont formés par des entraîneurs masculins, et que les conditions financières des familles sont désastreuses », a-t-il ajouté.

L’affrontement entre conservateurs et progressistes imprègne fortement ce sport, avec les parents des filles pratiquant l’équitation qui soutiennent la participation féminine, et les critiques du point de vue conservateur à l’opposé.

Tareq Zaarab, père de Najah et chef d’entreprise, a déclaré à Al -Monitor que la bande de Gaza très conservatrice a besoin de courage afin de dépasser les limites imposées à la pratique du sport féminin.

« La semaine dernière, nous étions dans un centre de villégiature et ma fille montait le cheval. Je m’attendais à ce que les gens soient critiques, mais j’ai été surpris qu’ils aient applaudi ce qu’elle a fait. Certains l’ont même encouragée à participer à des courses de chevaux », a-t-il ajouté.

Nabil al-Maqousi, commerçant dans la bande de Gaza et père de deux cavaliers, une fille et un garçon, pense que la vision de la société à propos des filles qui montent à cheval repose sur un malentendu.

« Pour ma part, je ne me soucie pas de la société puisque l’Islam a encouragé l’équitation, c’est la société qui complique tout ! C’est ce qui explique le petit nombre de femmes dans les clubs d’équitation [de Gaza ] . En outre, la société a un problème avec la manière dont les filles montent à cheval. »

Zeina al - Helou , 15 ans, qui monte à cheval depuis presque un an , a déclaré à Al -Monitor que même si beaucoup de gens sont opposés à ce que les filles pratiquent l’équitation , elle n’y fait pas attention. « Cette opposition ne me dérange pas beaucoup. La chose la plus importante c’est que j’aime profiter de ce loisir. Il n’est pas nécessaire que la société accepte tout ce que nous faisons ! »

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* Mohammed Othman est un journaliste de la bande de Gaza. Il est diplômé de la Faculté des médias au département de la Radio et de la Télévision à Université Al-Aqsa, à Gaza en 2009.

Du même auteur :

- Gaza, une population qui explose - 30 avril 2014

2 mai 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Brigitte C.