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Le savon de Naplouse et la destruction du patrimoine palestinien
vendredi 2 mai 2014 - Middle East Monitor
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Séchage et emballage manuel des pains de savon dans une manufacture traditionnelle de Naplouse - Photo : MEMo

Les premières années de la Deuxième Intifada, Naplouse a subi un blocus militaire violent, avec des postes de contrôle souvent infranchissables tout autour de la ville et des couvre-feux prolongés imposés fréquemment. C’est pendant cette période qu’Israël a lancé l’opération « Rempart » et que ses chars ont envahi Ramallah, assiégeant le quartier-général du Président Yasser Arafat.

D’autres villes [autonomes] de Cisjordanie ont été réoccupées les jours suivants, et le 3 avril des tanks et des milliers de soldats pénétraient à Naplouse et dans la ville voisine, Jénine. Cette opération « Rempart » était la plus grosse opération militaire en Cisjordanie depuis 1967. Le 3 mai 2002, les forces d’occupation se retiraient officiellement des centres urbains et l’opération était clôturée mais en pratique, et souvent la nuit, des raids se sont poursuivis longtemps contre les villes palestiniennes.

Aujourd’hui, Naplouse déborde de vie et d’activité même si les raids nocturnes sporadiques des Forces d’occupation se produisent toujours. Les impacts de balles et autres dommages militaires sont toujours bien visibles malgré le travail de reconstruction partielle accompli.

La destruction de la Vieille Ville a touché bien des immeubles historiques, dont certains séculaires, et ce sont des pans entiers de l’histoire, du patrimoine tout autant que de l’économie palestinienne qui se sont effondrés. Au cœur de cette histoire, et sans espoir de restauration complète, il y a la destruction de l’industrie historique de Naplouse, la savonnerie, un des fleurons de la cité.

Les premières savonneries de Naplouse remontent au Xème siècle et dès le XIVème siècle le savon à l’huile d’olive était devenu un facteur important de l’économie locale.

Le savon de Naplouse fut largement exporté dans le monde arabe puis en Europe. Le tremblement de terre qui toucha la ville en 1927 endommagea plusieurs savonneries, toutes implantées dans la Vieille Ville, mais ce furent les bombardement israéliens sur cette Vieille Ville, et les bouclages imposés par l’occupant au cours de la Deuxième Intifada qui mirent les manufactures à genoux.

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Photo : MEMo

Selon le personnel de la savonnerie Toukan, l’une des trois dernières manufactures qui produisent toujours le savon selon les méthodes traditionnelles, « avant la Deuxième Intifada il y avait 35 manufactures dans la Vieille Ville et au-dehors. Il n’en reste à présent que trois ».

L’actuelle savonnerie de la famille Toukan à côté de la Vieille Ville a été construite au XIXème siècle et c’est une des deux manufactures que possède la famille. Leur autre savonnerie au cœur de la Vieille Ville est une de celles qui ont dû fermer pendant l’Intifada. Les restrictions qu’Israël a imposées à l’importation comme à l’exportation ont également durement frappé l’industrie.

Abou Rami travaille dans la manufacture Toukan depuis ses 14 ans, selon la tradition familiale : « Nous exportions au Koweit en Arabie Saoudite en Irak, au Liban, dans tous les pays arabes. Maintenant, nous n’exportons plus qu’en Jordanie, et quelquefois ils réexportent de là-bas, mas ce n’est plus comme avant. Mon père travaillait ici ainsi que mes frères, mais pas mon fils, car il y a peu de travail maintenant. Nous avons fait cela toute notre vie et pour nous il n’y a pas d’alternative, c’est tout ce que nous savons faire ».

Aujourd’hui la manufacture Toukan travaille à environ 60 % de son niveau de production d’avant l’Intifada, mais elle continue de travailler en respectant les méthodes traditionnelles.

L’industrie elle-même a peu de chances de se relever, à cause de l’occupation et des restriction qui sont toujours en vigueur. Beaucoup de manufactures originales ne sont plus en état et dans un monde globalisé où les produits manufacturés sont dépassés par des ersatz de la production de masse, meilleur marché et de qualité inférieure.

Mais pour ceux qui travaillent toujours dans la branche du savon artisanal dont ils sont fiers, ils continuent de lutter pour leur travail, afin de subvenir aux besoins de leurs familles mais aussi pour maintenir la richesse du patrimoine palestinien.

Photos exclusives de Rich Wiles pour MEMo .

29 avril 2014 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
https://www.middleeastmonitor.com/n... -
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM