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Les États-Unis recherchent « la paix » aux conditions dictées par Israël
lundi 28 avril 2014 - Ramzy Baroud

Indyk, un ancien ambassadeur US en Israël, a été choisi en juillet dernier par le Secrétaire d’Etat John Kerry comme émissaire spécial aux négociations entre Israël et l’Autorité Palestinienne (AP). Dans des circonstances normales, cette sélection semble rationnelle. Les anciens ambassadeurs possèdent souvent l’expertise impartiale nécessaire pour naviguer dans des paysages politiques difficiles, en des pays où ils ont servi auparavant. Mais ici il ne s’agit pas de circonstances normales, et il est difficile de voir en Indyk un personnage neutre.

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Martin Indyk, émissaire de John Kerry aux négociations de paix, ex-ambassadeur US en Israël et ancien cadre de l’AIPAC, est un partisan inconditionnel de l’État Juif

Quand le processus de paix parrainé par les États-Unis a commencé de se déployer au début de ce mois, Kerry a envoyé Indyk à Jérusalem. Les 18 avril, Indyk s’est chargé de parler séparément à chacune des deux parties. Les médias internationaux ont décrit l’événement comme un ultime effort pour jeter un pont entre le Président de l’AP Mahmoud Abbas et le Premier Ministre Benjamin Netanyahou.

La visite a eu lieu un jour après des pourparlers intensifs entre négociateurs israéliens et palestiniens. « Aucune avancée ne s’est produite » avait déclaré une source palestinienne à l’AFP le jeudi de la réunion.

Ce n’est pas comme si on attendait le moindre progrès vu que les deux parties ne parlent pas de résoudre le conflit. Ces délibérations portaient surtout sur un report de la date-butoir fixée par Kerry pour un « accord-cadre », prévue le 29 avril.
Les Américains tenaient à maintenir la comédie des pourparlers pour des raisons autres que de parvenir à une paix durable.

Sans un « processus de paix », les USA seraient privés d’une importante plateforme politique au Moyen-Orient

Les administrations étatsuniennes successives se sont présentées comme « l’honnête courtier » du processus. Bien sûr il ne faut pas être un génie pour se rendre compte que les Américains n’ont pas été tout à fait honnêtes dans leurs échanges avec les deux parties. En fait, les USA ne sont du tout pas la troisième partie, ils sont toujours été dans le camp israélien et ils y restent fermement. Ils ont utilisé leur poids politique et financier comme une plate-forme leur permettant de faire avancer es intérêts israéliens avant tout et leurs propres intérêts en second lieu.

Indyk en est un exemple.

Indyk a travaillé pour le lobby pro-israélien AIPAC en 1982. L’AIPAC est un organe de droite qui a investi des fonds et des énergies sans limites pour empêcher une résolution pacifique du conflit. Son emprise sur le Congrès est tellement forte que certains critiques suggèrent que la Colline du Capitole est en fait un territoire occupé d’Israël et de ses alliés.

La principale contribution d’Indyk à Israël a été la fondation du [laboratoire d’idées] Washington Institute for Near East Policy (WINEP) en 1985. C’est encore un organe du lobby israélien qui a nui à la crédibilité de la politique étrangère étatsunienne au Moyen-Orient en instrumentalisant de prétendus intellectuels et experts comme intermédiaires.

Écrivant l’an dernier dans Mondoweiss, Max Blumenthal rappelait certaines déclarations intéressantes prononcées par Indyk à la première convention annuelle à Washington DC en 2009 à [l’organisation] J Street. J Street est un autre groupe de pression israélien qui s’est distingué en étant pro-paix, trompant son monde en faisant croire que l’empire d’AIPAC sur Washington était remis en cause. Toutefois, ses déclarations et le passé coloré de ses honorables orateurs et invités démontrent tout autre chose, à savoir qu’Indyk, en qualité de lobbyiste israélien, était de ses amis.

« Je me souviens d’être tombé dans un immense auditorium pour entendre Indyk décrire comment il a fait son « aliyah » à Washington pendant les années ’80 pour être sûr que la politique des USA continuerait de pencher en faveur d’Israël, et de condamner Yasser Arafat pour l’échec de Camp David », évoquait Blumenthal.

Il cite Indyk disant « Je suis parvenu à cette conclusion il y a 35 ans quand j’étais étudiant à Jérusalem et que la guerre du Kippour a éclaté. J’ai travaillé comme volontaire pendant ces jours terribles, quand la survie d’Israël semblait être en jeu et j’ai été témoin du malheur de la guerre et du rôle critique qu’ont joué les États-Unis sous la forme de Henry Kissinger à travers son activité diplomatique, forgeant une paix à partir de cette guerre terrible ».

Ce n’étaient pas des commentaires en passant que faisait Indyk, mais un reflet de l’engagement impérissable de cet homme en faveur d’une paix comme l’imaginait Israël – et cela en plein milieu de la crise en cours.

Le Premier ministre israélien Netanyahou ne cesse jamais de parler de paix, tout comme son ministre des Affaires Étrangères Avigdor Lieberman. Même le ministre de l’Économie, Naftali Bennett, leader du parti politique [d’extrême-droite] le Foyer Juif et connu pour sa rhétorique belliqueuse, est un ardent défenseur de la paix.

Ce n’est pas une paix fondée sur la justice ni encadrée par le droit international et humanitaire. C’est une paix taillée sur mesure qui permettrait à Israël de maintenir une politique coloniale d’accaparement de terres. Le nouvel agenda de paix de Kerry n’est pas entièrement la redite d’anciens ordres du jour. C’est cela aussi, bien sûr, mais il intègre quasi complètement les idées naguère saugrenues de Lieberman et des groupes d’extrême droite, annexions (la Vallée du Jourdain) et « échanges de terres » contre blocs de colonies. Quand Lieberman a lancé ces idées il y a quelques années, on croyait entendre un politicien dérangé. Grâce à Kerry, elles font à présent partie de la pensée dominante.

Indyk et son cheval au galop

C’est ainsi qu’Indyk, qui a consacré toute sa vie à assurer un style israélien de paix, passe à présent pour le seul qui tente de ranimer les pourparlers et d’exercer une pression sur les deux parties, comme le ferait tout « honnête conciliateur ».

Indyk n’est pas le seul lobbyiste à avoir viré avocat de « la paix ». Dennis Ross, faucon bien connu pendant de nombreuses années et ardent partisan de la désastreuse guerre d’Irak, a servi de coordinateur spécial au Moyen-Orient sous Bill Clinton avant d’être sélectionné très rapidement par le Président Obama pour continuer à jouer le même rôle dans la nouvelle administration. En plus de ses liens diplomatiques très étroits avec les néoconservateurs, en particulier ceux de l’ancien groupe pro-guerre, le Projet pour un Nouveau Siècle Américain, il a également servi comme conseiller du club de pression fondé par Indyk, le WINEP.

Ce n’est évidemment pas un hasard si le WINEP, comme d’autres groupes pro-israéliens, a servi de plate-forme de défense d’Israël et a aussi fabriqué des « faiseurs de paix » dans le style israélien. Il est intéressant de noter que Ross tout comme Indyk ont blâmé les Palestiniens pour l’échec des précédents pourparlers de paix. Blumenthal a habilement souligné la tirade d’Indyk à J Street condamnant feu Arafat, dirigeant de l’OLP, avec « ce grand sourire faux-cul bien à lui » pour l’échec des paramètres de la prétendue paix de Clinton, en dépit du fait qu’Arafat les avait en fait acceptés.

Indyk se souvient : « Je me rappelle Shimon Peres me disant au moment où Arafat devait décider s’il acceptait les Paramètres Clinton : l’Histoire est un cheval qui passe au galop devant votre fenêtre et la vraie action d’un homme politique est de sauter de la fenêtre sur le cheval au galop . Mais bien sûr Arafat a laissé passer le cheval au galop, laissant Israéliens et Palestiniens embourbés dans le malheur ».

A présent c’est Indyk, le lobbyiste intégriste, qui est envoyé avec un autre cheval au galop devant la fenêtre d’Abbas. Nous savons tous comment cela va se terminer, et nous pouvons imaginer Indyk faire un autre speech à une autre convention AIPAC ou J Street et tourner en dérision un Abbas ratant son saut à cheval.

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* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr

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22 avril 2014 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à
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Traduction : Info-Palestine.eu - AMM