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Pour les Palestiniens, al-Nakba n’a pas pris fin en 1948
lundi 6 janvier 2014 - Hasan Afif El-Hasan
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1948 - Près d’un million de Palestiniens ont été chassés sur les routes, souvent massacrés, poussés dans des camps de réfugiés... victimes du nettoyage ethnique perpétré par les milices juives soutenues par l’occupant anglais

Sous le couvert des deux guerres de 1948 et 1967, Israël a réussi à chasser plus d’un million de Palestiniens du territoire qu’il contrôlait. À moins qu’une autre guerre n’éclate, une nouvelle vague d’expulsions massives ne devrait pas se reproduire. Israël poursuit son lent processus d’épuration ethnique de diverses manières : planification rigoureuse, règlementations et législations, l’expansion des colonies, murs de séparation, promesses d’échange de terres, opérations militaires de faible intensité.

Israël est resté sourd aux protestations et aux condamnations des États arabes et islamiques, usant de son pouvoir en tant qu’occupant pour créer le Grand Jérusalem. Le pays cherche maintenant à concrétiser sa vision du Grand Israël. Israël met en place un processus de guerre de faible intensité en installant un blocus rigoureux et en décimant régulièrement la population palestinienne de Gaza. L’occupation de la Cisjordanie s’effectue avec l’aide de l’Autorité palestinienne, dont la relative tranquillité est appréciée d’Israël. Ce statu quo, qui consiste en une paix à sens unique, est acceptable pour le peuple israélien.

Afin de consolider son emprise sur la Cisjordanie et sur Jérusalem, Israël a cherché à annexer massivement des terres à Jérusalem. Les couloirs qui abritent les principaux blocs de colonies ont été étendus jusqu’à entrer bien à l’intérieur de la Cisjordanie, ce qui permet de séparer stratégiquement les groupes de population palestinienne les uns des autres. Israël a définitivement encerclé Jérusalem-Est en construisant d’importantes colonies et en expulsant en masse les Palestiniens de chez eux.

En ce qui concerne la bande de Gaza, l’armée israélienne serait en train de « tondre la pelouse », d’après l’expression utilisée par les Israéliens pour décrire les attaques régulières qui ciblent les infrastructures civiles, ainsi que les agressions et la soumission dont est victime la population assiégée. Dans le but de pousser l’économie de Gaza au bord du gouffre et d’affamer la population, Israël encercle Gaza sur trois côtés à l’aide de tours de snipers, de barrières électrifiées, de murs en béton et d’un blocus maritime ; des drones armés survolent également la zone jour et nuit. De plus, le pouvoir en place au Caire coopère avec Israël en fermant la frontière sud, qui constitue l’unique porte de sortie pour les Gazaouis.

Bien qu’Israël prétende être une « démocratie », la Knesset a produit de nombreuses lois renforçant le caractère juif du pays, adoptées à une très large majorité des membres de la Knesset et ratifiées par la Cour suprême. La « Loi sur la citoyenneté et l’entrée en Israël » de 2003, élaborée par Avraham Poraz, en est un exemple. En plus de retirer aux Palestiniens de Cisjordanie le droit d’obtenir la nationalité israélienne s’ils épousent un citoyen israélien, cette loi leur interdit également d’accéder au statut de résident temporaire. Cette loi laisse penser qu’Israël voit en chaque Palestinien arabe une menace pour la sécurité du pays, par le simple fait que cette personne est arabe. Dans son livre Goliath, le journaliste américain Max Blumenthal arrive à la conclusion qu’Israël est un État raciste.

Les actions des colons de Cisjordanie et de Jérusalem ne se limitent pas aux territoires occupés en 1967. Leurs actions anti-arabes et de juidaïsation ont atteint les villes israéliennes mixtes et le Néguev. Les quelques exemples qui suivent illustrent les difficultés que rencontrent les Israéliens arabes en Israël, comme les décrit justement Max Blumenthal. Partout, des groupes de jeunes fondamentalistes juifs prennent d’assaut les quartiers arabes en toute impunité et y mènent des pogroms.

En mai 2010, à Jaffa, de jeunes hommes israéliens, agitant des drapeaux israéliens, ont fait irruption sur les cours devant des maisons arabes, scandant « Cette terre est à nous ! », « Yafo appartient aux Juifs ! » ou encore « Les Arabes, hors de Yafo ! ». Le mois de janvier suivant, toujours à Jaffa, un groupe similaire a attaqué la mosquée al-Nuzha avec des pierres et aux cris de « Mort aux Arabes ! », tandis que la police est restée en retrait et n’est intervenue que pour éviter des affrontements entre les assaillants et les hommes qui priaient dans la mosquée.

Les rabbins, les représentants du gouvernement ainsi que les membres de la Knesset dirigent les attaques des groupes juifs à l’encontre des citoyens israéliens arabes. Le rabbin Ovadia Yosef, chef spirituel du parti israélien Shass, accable les Arabes lors de ses sermons hebdomadaires à la radio. Selon lui, « il est interdit de se montrer miséricordieux envers les Arabes ». Le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, dont le parti remporte de plus en plus de sièges à la Knesset au fil des élections, s’adresse à toute personne hostile aux Arabes, quel que soit l’endroit. Lieberman a été décrit par David Grossman comme un « pyromane politique ».

Quant aux responsables municipaux, ils élaborent systématiquement des programmes visant à pousser les Israéliens palestiniens à partir. De même, les dirigeants juifs n’éprouvent aucune honte à insulter les Arabes en public. Ainsi, le maire juif de Ramla s’est exprimé à propos des Palestiniens : « Ils [les Arabes] ont une culture très peu développée. »

La ville de Lod faisait partie des 500 villes et villages palestiniens arabes jusque-là prospères ayant été envahis et épurés par les milices sionistes lors de la guerre de 1948. Dans le quartier d’Abou Touq, à Lod, les quelques familles arabes qui ont pu échapper à l’épuration lors de la guerre de 1948 sont maintenant confrontées à celle qui a lieu aujourd’hui. Ces familles vivent maintenant dans un camp de réfugiés construit en conséquence, entourées par des communautés exclusivement juives. Leurs maisons ont été rasées le 13 décembre 2010 ; soixante-quatorze personnes, dont de nombreux enfants, se sont alors retrouvées sans toit et ont été contraintes de dormir dehors.

Au bout d’un certain temps, les familles ont rassemblé tous les effets personnels qu’elles ont pu récupérer dans leurs maisons détruites et ont installé quelques tentes, comme l’avaient fait leurs frères palestiniens auparavant. Sur le campement se trouve un panneau indiquant « Camp de réfugiés d’Abou Eid ».

Les Arabes de Lod se sont tout d’abord vu refuser le droit de rénover leurs maisons afin de pouvoir abriter leurs familles de plus en plus nombreuses. De plus, ils n’ont pas eu l’autorisation, en tant qu’Arabes, de s’installer dans un nouveau complexe de logements ayant été construit dans leur ville. Pendant des années, les résidents du quartier d’Abou Touq ont formulé des demandes pour rénover leurs maisons. L’État d’Israël a refusé de leur attribuer des permis, alors que juste à côté, « un projet de construction d’une yeshiva (école religieuse juive) a été initié sous la direction d’un rabbin orthodoxe venant des États-Unis, Yaakov Saban ».

Selon Max Blumenthal, les membres de la famille d’Abou Eid ont commis le crime d’être arabes ; ils ne sont toutefois pas les seuls. Plus de 30 maisons ont été démolies à Lod lorsque celles de la famille d’Abou Eid ont été rasées. Enfin, selon les rapports sur les droits de l’homme, 42 000 logements occupés par des Israéliens palestiniens ont été démolis dans la même période à travers Israël.

Dans le désert du Néguev et en Galilée, Israël a intensifié sa stratégie de « judaïsation » en installant de nouvelles communautés exclusivement juives à la place des villes arabes et autour de celles-ci. En outre, dans les villes mixtes, Israël a exercé une pression sur les habitants arabes pour que ces derniers quittent leur foyer. Les dernières victimes en date sont les Bédouins du Néguev, dans le sud d’Israël, où une campagne d’épuration ethnique a été engagée.

L’objectif de cette campagne est de déloger la majorité des Bédouins palestiniens de leurs terres ancestrales, afin de rendre possible la construction de communautés exclusivement juives et de mener à bien un projet de reboisement massif. Israël a l’intention de faire en sorte que la population bédouine laisse place à un foyer de travailleurs manuels urbains au service de la classe moyenne juive. De nombreux Bédouins avaient été déplacés dans des communautés semblables à des réserves, supervisées par le « Mouvement Or », un groupe de colons de Cisjordanie dont la mission est d’implanter de nouvelles villes juives dans le Néguev, en plus de coloniser la Cisjordanie.

Al-Araqib est un village situé dans le Néguev occupé par des citoyens bédouins d’Israël, dont la présence date d’avant l’arrivée des colons juifs en Palestine. Ce village a été rasé. Les Bédouins d’al-Araqib avaient adopté la politique de résistance non violente des Palestiniens, basée sur la ténacité. À partir du 27 juillet 2010, des bulldozers ont nivelé toutes les structures présentes dans le village d’al-Araqib afin de rayer ce dernier de la carte pour la quarante-cinquième fois, selon Max Blumenthal.

Dans l’Histoire contemporaine, la première fois qu’une puissance coloniale a tenté de s’attaquer au style de vie des Bédouins a eu lieu en Libye, au siècle dernier, sous le régime fasciste italien de Benito Mussolini ; la Libye était alors une colonie italienne.

Faridah Shaa’aban, victime de ces démolitions, a expliqué sa situation à Max Blumenthal : « Notre situation est pire que celle des habitants de Gaza. Nous sommes témoins au quotidien de l’injustice et des démolitions tandis qu’à Gaza, il y a une exposition médiatique ; ils [les Gazaouis] peuvent montrer au monde entier ce qui s’y passe. Ici, personne ne peut voir ce qu’ils nous font subir. »

* Dr Hasan Afif El-Hasan est analyste politique. Son dernier livre, Is The Two-State Solution Already Dead ? (Algora Publishing, New York), est disponible sur Amazon.com et Barnes & Noble. Il a écrit cet article pour PalestineChronicle.com

24 décembre 2013 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-palestine.eu - Valentin B.