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Vies sous occupation : « Ma famille est morte pour rien »
samedi 12 octobre 2013 - PCHR Gaza
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Mahmoud Ezz Eddin Wahid Mousa a perdu 6 membres de sa famille durant une attaque israélienne

C’est Mahmoud Ezz Eddin Wahid Mousa, 28 ans, qui a été gravement blessé par les éclats d’obus qui lui ont perforé le corps. Mahmoud a, entre autres, subi plusieurs blessures au niveau de la main et de la jambe droite, portant ainsi atteinte au système nerveux des deux membres.

Plus de quatre ans après l’attaque, la guérison de Mahmoud n’est pas complète malgré les traitements qu’il a eus dans les hôpitaux de la Bande de Gaza et de l’Egypte. En janvier 2010, le Centre Palestinien des Droits de l’Homme (PCHR) a, au nom de Mahmoud, intenté une action de compensation au civil auprès de la Cour israélienne. Toutefois, le 27 février 2013, l’affaire a été arbitrairement rejetée sous prétexte que certaines dispositions légales israéliennes, notamment l’amendement de 2012 de loi israélienne sur la Responsabilité Civile Délictuelle, exonèrent l’Etat d’Israël de toute responsabilité découlant des dommages provoqués par les « forces israéliennes » durant une « action de combat »

Dans cette perspective, Mahmoud déplore : « Je n’arrive pas à croire que mon affaire ait été rejetée. C’est mon oncle qui m’a appris la nouvelle à mon retour d’Egypte où je me soignais. C’est pendant mon absence que mon cas a été classé, pourtant, c’est toute ma famille qui a été tuée ; mes parents, mon frère et ma sœur. Je veux savoir pourquoi les ont-ils tués ? Si j’ai déposé plainte, c’est pour punir les assassins de ma famille et non pas pour une compensation financière, après tout, l’argent ne ressuscite jamais les morts. »

Lorsque Mahmoud a appris que son affaire avait été rejetée en raison des provisions légales israéliennes, il a commenté : « Je ne peux pas croire qu’il existe une loi pareille. Comment peuvent-ils adopter cette loi ? Nous sommes tous des civils et n’avons aucun lien avec les militants, pourtant, ils ont ciblé ma famille. Leur attaque n’était pas une opération militaire ; c’était une offensive civile pour tuer ma famille. Alors pourquoi ne veulent-ils me donner aucune raison de ce meurtre ? Je sens que ma famille est morte pour rien. Le juge doit être impartial car s’il était à ma place et si sa famille venait à être tuée gratuitement, il n’aurait jamais rejeté l’affaire. »

Les larmes aux yeux, Mahmoud ajoute : « J’étais sûr d’obtenir gain de cause. Mon affaire est des plus simples. Nous avons tous été pris pour cible sans raison. Nous venions à peine de finir de diner, est-ce un tort ? Ils n’ont pas le droit de nous tuer juste pour tuer. »

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Le lieu de la tragédie, la cour avant de la maison et son toit de tôle

Mahmoud continue d’exprimer sa déception en soulignant : « Israël a adopté cette loi afin de continuer de commettre ses crimes contre les civils. Ils savent très bien que ce qu’ils font est injuste. Ma plainte était valide et n’aurait pas dû faire l’objet de rejet. C‘est tout simplement injuste. Ils savent pertinemment que nous sommes des gens ordinaires et que nous ne pouvons pas supporter les frais et honoraires de la Cour Suprême. Je me demande où est le monde ? Et jusqu’à quand fermera-t-il les yeux sur les crimes commis par Israël ? Pour combien de temps encore Israël continuera-t-il à nous tuer comme ça ? Qu’est-ce qu’ils nous reprochent ? Nous avions dû quitter nos foyers à cause d’eux, et maintenant que nous tentons de reconstruire nos vies et nos maisons, ils continuent de nous tuer. »

A cause de sa situation financière déplorable, Mahmoud ne peut se permettre les coûts élevés d’une révision de sa plainte. Découragé, certes, mais Mahmoud ne perd pas espoir : « Toute autre personne à ma place aurait perdu espoir et aurait abandonné. Moi non. Je continuerai à me battre quel que soit le temps que la procédure prendra. Il est vrai que je ne m’attends pas à grand-chose de leur part, mais je me dis au fond de moi qu’il existerait sans doute quelqu’un de courageux qui rendra justice. Et si un jour je meurs, je laisserai l’affaire entre les mains de ma progéniture et des générations à venir pour continuer le combat. Jamais je n’abandonnerai la dignité de ma famille. »

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Mahmoud a contracté de graves blessures, notamment à la jambe droite. La guérison n’est toujours pas complète

Le traitement médical prodigué jusqu’ici à Mahmoud reste insuffisant pour une totale guérison. Il explique : « Lorsque j’ai été évacué à l’hôpital de Gaza après l’attaque, le staff médical m’avait dit qu’on allait m’amputer de la jambe droite pour atténuer mes douleurs. Mais j’ai refusé. La blessure a détruit les nerfs de ma jambe et de mon bras droit. L’Autorité de Ramallah a tout mis en place pour mon voyage en Egypte où j’ai subi plusieurs opérations et chirurgies qui ont amélioré mon état de santé. A ce stade, ma jambe peut être sauvée, mais les médecins en Egypte m’ont informé que le meilleur serait de partir en Europe où ils disposent de moyens plus sophistiqués. Le temps presse et si je ne suis pas aussitôt pris en charge, je perdrai ma jambe. Malgré mes difficultés financières, je souhaite vivement réussir, d’une façon ou d’une autre, à recevoir le traitement qu’il me faut. »

En effet, Mahmoud a besoin d’une greffe de la moelle osseuse qui lui permettra de retrouver l’usage de sa jambe, mais se heurte à l’absence du soutien financier qui le sauvera.

Et comme toutes les victimes des guerres, l’attaque de janvier 2009 a complètement modifié la vie de Mahmoud, que ce soit sur le plan personnel que professionnel « Personne n’acceptera d’embaucher une personne dont le bras et la jambe ne fonctionnent pas correctement. Au début, j’ai essayé de travailler au Ministère des Transports de Gaza pendant quatre mois en tant que réceptionniste, mais je ne pouvais être présent que dix jours par mois car je suivais un traitement à l’époque. J’ai donc abandonné le poste. Gaza est remplie de chômeurs, alors le jour de l’embauche, on préfère une personne qui a un usage complet de ses membres. »

Mahmoud ajoute : « J’étais marié. Mais après l’attaque, mon épouse a demandé le divorce car elle n’acceptait plus de vivre dans cette situation. Dieu merci je suis à présent fiancé. Je désire fonder une famille et mener une vie normale. Mais une famille a besoin d’argent et ma condition physique me freine. »

Suite à l’offensive israélienne de 2008-2009 sur la Bande de Gaza, dénommée Opération Plomb Durci, le PCHR a déposé 1046 plaintes civiles (ou « demandes de compensations ») au nom des 1046 victimes. Ces plaintes ont été déposées auprès de l’Agent d’Indemnisation du Ministère de la Défense Israélien. Ces demandes de compensations réclament une indemnisation pour les victimes suite aux violations du droit international commises par les forces israéliennes. Les autorités israéliennes n’ayant donné aucune suite à ces plaintes, le PCHR a, entre juin 2010 et janvier 2011, engagé des poursuites au civil près des cours israéliennes demandant une compensation pour 620 victimes. Toutefois, la Knesset et les cours se sont basées sur les récents amendements législatifs et décisions et ont imposé différents obstacles légaux et procéduraux pour que les victimes ne soient jamais indemnisées.

En rejetant la plainte de Mahmoud, la cour s’est appuyée sur l’Amendement N°8 de 2012 apporté à loi sur la Responsabilité Civile Délictuelle (Responsabilité de l’Etat) qui, pour rappel, exonère l’Etat d’Israël de toute responsabilité découlant des dommages provoqués par les « forces israéliennes » durant une « action de combat » ou une « opération militaire »

Appliqué rétroactivement à partir de 2000, mais sur la Bande de Gaza à partir de 2005, cet amendement a élargi le champ de l’ « action du combat » en incluant toutes les opérations menées par les forces israéliennes en réponse au terrorisme, aux hostilités ou insurrections, si elle est par nature une action de combat, étant donné l’ensemble des circonstances, y compris l’objectif de l’action, l’emplacement géographique et la menace inhérente aux membres des forces israéliennes qui sont impliquées dans cette action. Cet amendement ne tient aucun compte de la question vitale sur la légalité de ces attaques ni des dommages causés aux victimes à la suite des attaques, ce qui peut potentiellement constituer des violations des règles régissant la conduite des forces armées lors des opérations militaires, tel que codifié dans le droit humanitaire international.

L’amendement N°8 enfreint expressément les normes du droit international coutumier qui établit que l’Etat est tenu responsable de tous les actes commis par les personnes qui opèrent dans le cadre de ses forces armées. Par ailleurs, en sa qualité de Haute partie Contractante à la Quatrième Convention de Genève de 1949, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Israël ne peut en aucun cas être exonéré de toute responsabilité qu’il encourt en raison des graves infractions et violations commises contre la population civile pendant les opérations militaires. En outre, les tribunaux israéliens imposent une garantie moyenne de 30.000 shekels (8000$ US) pour chaque requérant, et si l’affaire n’atteint pas le stade du jugement, le tribunal garde la garantie qu’il considère comme « frais de défense ».

Significativement, ces décisions se traduisent par une situation où les victimes sont financièrement pénalisées pour avoir exercé leur droit légitime à savoir l’accès à la justice à travers le dépôt de plaintes au civil. Le système judiciaire est exploité pour donner une illusion de justice tout en refusant systématiquement le droit des civils palestiniens à un recours effectif.

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29 mai 2013 – PCHR Gaza – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha