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Nos prisonniers ne sont ni une monnaie d’échange ni un moyen de chantage
mardi 20 août 2013 - Shahd Abusalama

Quand j’ai entendu que l’Autorité palestinienne acceptait de reprendre les négociations avec l’occupation israélienne, je suis tombée dans une dépression. C’est reparti pour un tour, me suis-je dite.
C’est une répétition de ce qui a suivi les accords d’Oslo de 1993, comme à chaque fois.

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Le résistant Jihad al-Obeidi a été libéré des geôles sionistes en janvier 2013, après avoir passé 25 ans derrière les barreaux

Les Israéliens sont représentés par [Tzipi Livni, qui en tant que membre du gouvernement a joué un rôle clé au cours de l’invasion de Gaza par Israël, l’hiver 2008-2009.

Et en face d’elle, une fois encore, se trouve Saeb Erekat comme « négociateur en chef » palestinien.
Comment le sang des 1400 victimes assassinées lors de ce massacre peut-il être oublié si vite ? Comment Erekat peut-il partager la même table avec elle, comme il l’a fait au domicile du secrétaire d’État américain John Kerry pour un iftar lors du dernier Ramadan, faisant des risettes au nom de la « diplomatie » et du « réalisme » ?

Fausses « Mesures de confiance »

Dans le cadre de l’accord pour la reprise de pourparlers, Israël a accepté de libérer 104 prisonniers palestiniens purgeant de longues peines, en plusieurs phases, en tant que mesure dite « de confiance » et afin de favoriser des avancées. La plupart des prisonniers ont presque totalement purgé leur peine.

Les 26 premiers ont été libérés le 13 août, 11 vers la Cisjordanie et 15 vers Gaza.

Confiance ? Avancées ? Les mêmes slogans ont été utilisés il y a deux décennies à propos des accords d’Oslo. Et il n’y aurait aucune leçon à en tirer ?

Comme le note Addameer, « plus de 23 000 Palestiniens ont été libérés depuis 1993 en tant que ’mesures de bonne volonté’ lors de diverses négociations et des pourparlers de paix. Toutefois, dans cette même période, au moins 86 000 Palestiniens ont été arrêtés, y compris des enfants, des femmes, des personnes handicapées et des étudiants à l’université ».

Actuellement, Israël détient plus de 5000 prisonniers palestiniens.

Ces « mesures de confiance » sont une imposture !

En fait, ce qu’Israël a fait tout au long [de ces soit-disant pourparlers], c’est accélérer la construction et l’extension des colonies. Depuis 1993, le nombre de colons en Cisjordanie occupée a continué de croître, alors que les Palestiniens, appauvris et parqués dans des zones de plus en plus restreintes, continuent d’être chassés par les démolitions de maisons et la confiscation des terres par l’armée israélienne d’occupation.

Depuis sa création, l’Autorité palestinienne a joué le rôle de première ligne de défense contre toute résistance palestinienne à cette colonisation par Israël.

En raison de l’inaction du monde, de son acceptation de décennies de brutalité et de vols de la terre, le nombre de colons israéliens illégaux est aujourd’hui de plus 600 000. Et bien évidemment, quelques jours avant que la première ronde de négociations ne commence, Israël a annoncé son intention de construire plus de 1200 maisons pour les colons.

Comment pourrions-nous revenir à des négociations basées sur les mêmes fondations, avec de surcroît les mêmes médiateurs américains ?

Rien à donner

L’expérience palestinienne du « processus de paix » est la suivante : Israël ne veut pas la paix. Il veut notre terre et notre eau. Il veut détruire notre patrimoine, et il veut que nous quittions nos maisons, tout comme il est sur ​​le point de forcer 40 000 bédouins palestiniens à abandonner leurs terres.

Saeb Erekat, comme le monde entier, sait bien - et cela a été exposé par les Palestine Papers dévoilés en 2011 - que quand il a offert à Israël le maintien de presque toutes ses colonies et l’abandon du droit au retour de nos réfugiés, ce n’était pas assez. Israël exigeait encore plus.

« Ce qui est dans ce document leur donne le plus grand Yerushalaim dans l’histoire juive, un nombre symbolique de réfugiés pouvant rentrer, et un État [palestinien] démilitarisé ... que puis-je lâcher de plus ? » avait déclaré Erekat à un responsable américain en 2010.

Bien qu’il aurait parait-il « démissionné » après ces révélations, Erekat - comme toutes ces autres personnes discréditées qui ne devraient au grand jamais représenter les Palestiniens - est à nouveau de retour.

Rappelez-vous que l’Autorité palestinienne avait juré de ne pas revenir à des négociations jusqu’à ce qu’Israël ait accepté de geler la colonisation. Ils sont incapables même de tenir cette promesse. Comment pourrait-on leur faire confiance pour protéger les droits des Palestiniens ?

Quelle paix ?

Comme la paix n’est qu’un rêve pour le peuple palestinien, je souhaite parfois pouvoir effacer le mot « paix » dans le dictionnaire.

Nous espérons voir une paix juste, mais avec ceux qui veulent vraiment la paix, et non pas avec un occupant brutal qui parle de paix tout en jouant la victime pour couvrir ses crimes implacables et obscènes contre notre peuple.

Les prisonniers nous font malgré tout espérer

La position inflexible de nombreux anciens prisonniers et des familles de détenus à l’égard de ces compromis, a toujours ravivé mon espoir.

Leur opposition n’a pas été amoindrie par les nouvelles de la libération des prisonniers, et ce sont eux qui savent le mieux ce que c’est que d’être emprisonné ou d’avoir un proche en prison.

Ils étaient parmi les premiers à avoir organisé des rassemblements à Gaza pour protester contre la reprise des négociations, les décrivant comme rien de plus que des « concessions ».

J’ai été ravie de voir leur colère se diriger contre l’Autorité palestinienne (AP), que certains d’entre eux accusent même de trahison.

Les détenus et les prisonniers libérés font preuve, sans une once d’hésitation, d’une volonté inébranlable de rester fermes et patients, de faire tous les sacrifices nécessaires pour que justice soit rendue à notre peuple.

Dans le même temps, ils affirment que la liberté d’un prisonnier est une victoire que ni Israël ni l’Autorité palestinienne ne peuvent gâcher.

Nous ne devons pas laisser nos détenus être utilisés comme un outil politique, ni nous priver de la joie que leurs familles et leurs communautés ressentent à les voir rentrer chez eux.

Israël ne peut pas voler la joie des familles

A minuit, le 14 août, le peuple palestinien devait voir les premiers prisonniers rentrer chez eux.

Les Israéliens ont relâché volontairement les prisonniers avec beaucoup de retard, voulant ainsi empêcher le plus grand nombre possible de personnes de se rassembler pour célébrer leur liberté.

Mais des milliers dans la bande de Gaza et la Cisjordanie, étaient là pour accueillir les rescapés des « tombeaux » que sont les prisons israéliennes, avec des drapeaux palestiniens, des feux d’artifice, et des chants de liberté.

Et nous savons que toutes ces libérations surviennent sans aucune garantie : chaque fois qu’Israël décide de reprendre la liberté d’ex-prisonniers, ceux-ci sont à nouveau arrêtés.

« Au moins 12 prisonniers qui ont été ré-arrêtés, après leur libération dans le cadre de l’échange de prisonniers en octobre 2011, sont actuellement confrontés au risque de devoir purger le reste de leur peine précédente », fait savoir Addameer.

Mais rien ne nous empêchera de nous réjouir pour toutes les mères qui ont lutté pour vivre assez longtemps pour tenir leur fils dans leurs bras une dernière fois, ou pour tous les enfants qui avaient à vivre comme des orphelins avec l’image de leur père à l’esprit ou sur les murs de la maison, et qui peuvent enfin voir leur père en personne.

Et tous les Palestiniens en attente de justice, ou en attente de retour, seront inspirés par la patience des familles qui ont surmonté des décennies d’absence, enduré toutes ces souffrances à travers d’interminables postes de contrôle de l’apartheid israélien, et subi un traitement raciste et humiliant pour réussir à voir leur bien-aimé pendant 45 minutes, à chaque fois à travers une paroi de verre.

Un seul prisonnier libéré des cellules inhumaines, étroites et sales d’Israël, représente une victoire.

Pas d’applaudissements pour l’AP

Mais il y aura jamais d’applaudissements pour l’Autorité palestinienne, qui, tout en abandonnant nos droits fondamentaux, instrumentalise la souffrance des Palestiniens envers leurs proches dans les prisons israéliennes afin de donner une légitimité à d’interminables et futiles négociations.

Tout en oubliant ses propres crimes contre nous - tous ceux pour lesquels personne n’a jamais été tenu responsable - Israël cherche toujours à mettre en évidence quelques cas pour peindre les Palestiniens comme des monstres.

Au fil des décennies, quelque 750 000 Palestiniens ont été détenus dans les prisons israéliennes. Ce sont eux qui ont volontairement pris sur leurs épaules la lutte pour la liberté, la dignité et une paix juste pour leur peuple opprimé.

Pour cela, ils ont été prêts à sacrifier le plus précieux des biens : leur liberté. Nous exigeons la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes et nous appelons à un arrêt immédiat des traitements abominables à l’encontre de nos détenus. La résistance à une occupation militaire brutale n’est pas un crime, mais un devoir.

Les sacrifices et les souffrances de notre peuple sous la botte de cette occupation impitoyable, n’auront pas été vains.

Liberté pour tous les prisonniers politiques palestiniens !

* Shahd Abusalama est artiste, blogueuse et étudiante en littérature anglaise dans la bande de Gaza.
« Mes dessins ainsi que mes articles sont ma façon de transmettre un message, et le plus important pour moi est d’élever la conscience de la communauté internationale au sujet de la cause palestinienne. Je suis très intéressée à saisir les émotions des gens, les images de ma patrie, la force de mon peuple, de sa détermination, de sa lutte et de sa souffrance. »

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15 août 2013 – Palestine from my eyes – Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinefrommyeyes.wordpres...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach