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Les grèves de la faim marquent un tournant dans la lutte contre la déportation des prisonniers palestiniens par Israël
lundi 29 avril 2013 - Jillian Kestler-D’Amours
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Doha Ibrahim Abeyat (à gauche) et sa sœur, Hind, tiennent une photographie de leur père Ibrahim, déporté par Israël en dehors de la Cisjordanie en 2002 - Photo : IPS/Jillian Kestler-D’Amours

« Pour nous, notre père est terriblement absent. Mes amis me demandent : ’Comment peux-tu vivre sans ton père ?’. »

Israël a déporté le père de Hind, Ibrahim Abeyat, de Cisjordanie au plus fort de la seconde Intifada, après le siège infâme de l’armée israélienne sur l’église de la Nativité à Bethléem en 2002.

À l’époque, Israël menait une opération militaire de grande envergure dans les villes palestiniennes de Cisjordanie. Au milieu de l’assaut israélien sur Bethléem, en avril 2002, un groupe de combattants et de civils palestiniens se réfugièrent au centre-ville dans l’église de la Nativité, considérée comme le lieu de naissance du Christ.

Quelque 200 Palestiniens se sont retrouvés piégés à l’intérieur, et Israël assiégea l’église pendant 39 jours, tirant à balles réelles et avec d’autres armes sur le bâtiment. Après qu’un accord mis au point entre plusieurs États pour mettre fin à l’attaque, Israël déporta vers la bande de Gaza, 26 Palestiniens réfugiés à l’intérieur de l’église et 13 autres vers divers pays européens.

« Il était interdit de regarder par la fenêtre, interdit d’aller à l’extérieur. Nous ne savions pas ce qui se passait », a déclaré Doha, âgée de 22 ans, la sœur aînée de Hind, expliquant que l’armée israélienne avait encerclé la maison familiale tandis que son père, qui est affilié au mouvement Hamas, était dans l’église. Après avoir volé vers Chypre, Ibrahim Abeyat a finalement été extradé vers l’Italie, où il demeure aujourd’hui. Sa femme passe six mois de l’année avec lui, et les six autres mois avec ses enfants en Cisjordanie.

Pendant sept ans, Hind et ses sept frères et sœurs - maintenant âgés entre 17 et 30 ans - ne pouvaient parler à leur père qu’au téléphone. Ils parlent maintenant avec lui tous les jours sur Internet.

« Notre patrie »

« C’est très, très difficile. Je ne vois pas ma famille » , a déclaré Ibrahim Abeyat via Skype, à partir de l’Italie. « Je veux retourner dans ma patrie, après ces 11 années [en exil]. C’est notre patrie, notre terre. C’est notre droit. La situation est très, très difficile pour moi », a encore dit Abeyat.

Entre 1967 et 1992, Israël a expulsé 1522 Palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza, selon l’organisation israélienne B’Tselem. Dans la seule année 1992, avec l’approbation de la Haute Cour israélienne, Israël a déporté 415 membres palestiniens du Hamas et du Jihad islamique vers le Liban sud.

Les Palestiniens sont expulsés en vertu d’un règlement qui remonte à 1945 à l’époque du mandat britannique sur la Palestine. La loi spécifique pour les expulsions - qui a été annulée en Israël mais reste en vigueur dans la Cisjordanie occupée - stipule qu’un commandant militaire peut forcer quiconque à quitter et à rester à l’extérieur de la Palestine.

Déportation

Au cours de la deuxième Intifada, la haute cour israélienne a également jugé qu’Israël pouvait se donner le droit d’émettre des « ordres d’assignation à résidence » pour transférer des citoyens palestiniens vers la bande de Gaza. Le tribunal a fondé sa décision sur l’article 78 de la Quatrième Convention de Genève, qui stipule que la puissance occupante peut soumettre les gens à la résidence forcée « pour des raisons impératives de sécurité ».

L’article 49 de la Convention, cependant, interdit les expulsions et les transferts forcés en masse ou individuels, de personnes vivant sous occupation militaire « quel qu’en soit le motif. » Israël a également déplacé de force des proches de personnes accusées d’avoir commis des crimes contre les Israéliens dans la bande de Gaza, en violation de l’article 33 de la Convention, qui stipule qu’aucune personne « ne peut être punie pour une infraction qu’elle n’a pas commise personnellement. »

Fin 2011, un accord a été négocié entre Israël et le Hamas pour la libération de 1027 prisonniers palestiniens en échange d’un soldat israélien captif. Sur les Palestiniens libérés, près de 200 ont été déportés vers la bande de Gaza, et 41 ont été déportés à l’étranger.

« Compte tenu de l’asymétrie évidente de pouvoir entre la partie israélienne occupante et la partie palestinienne occupée, ni le possible ’consentement’ du prisonnier, ni le fait que ces accords puissent avoir été négociés par une autorité palestinienne ne peut servir de justification à la déportation », a énoncé le groupe de défense des droits de l’homme, Al-Haq.

En mars, l’ancien prisonnier Ayman Sharawna - qui avait d’abord été libéré des prisons israéliennes dans le cadre de l’échange de prisonniers de 2011, puis à nouveau kidnappé en janvier 2012 - a été déporté à Gaza après avoir mené une grève de la faim intermittente pendant 261 jours.

« J’étais sûr que si je ne partais pas, je mourrais. Je souffrais physiquement et psychologiquement », a déclaré ce père de neuf enfants, âgé de 37 ans et originaire d’Hébron, au PCHR Gaza.

« Mon expérience en prison m’a préparé pour la vie dans la bande de Gaza. Être exilé à Gaza était le moins pénible de ce que je pouvais espérer. Je suis contre l’exil, mais c’était ma seule option. Sinon, j’aurais sûrement dû mourir ».

« Nouvelle étape » dans la lutte

Mardi, Reuters a signalé que le prisonnier palestinien Samer Issawi - qui avait été par intermittence en grève de la faim pendant plus de huit mois - mettait finalement fin à sa protestation et devait être libéré et retourner chez lui à Jérusalem en décembre prochain. Issawi a rejeté, au cours de sa grève de la faim, plusieurs tentatives israéliennes visant à l’expulser.

« Ces positions fortes toujours le résultat de grands efforts. Les gens doivent se sacrifier et doivent se battre [pour atteindre] une nouvelle étape dans leur lutte » , a déclaré Mourad Jadallah, chercheur en droit et appartenant au groupe Addameer.

« Le cas de la grève de la faim de Samer Issawi sera comme un tournant dans la lutte contre les expulsions. »

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* Jillian Kestler-D’Amours : journaliste canadienne basée à Jérusalem depuis mai 2010 et réalisatrice du documentaire « Sumoud » sur le combat d’un village bédouin du Negev.

Son site : http://jkdamours.com/

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25 avril 2013 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach