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Les prisonniers sont un soutien pour la cause palestinienne
lundi 14 mai 2012 - Ramzy Baroud
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4600 prisonniers politiques croupissent dans les geôles israéliennes : 320 sont en détention administrative, 400 sont malades, dont 18 atteints du cancer, 123 sont incarcérés depuis plus de 25 ans. Il y a également onze femmes et pire que tout, environ 200 enfants !

Chaque soulèvement palestinien dans le passé - depuis la fin des années ’20 jusqu’à la deuxième intifada en 2000, a été déclenché par un événement singulier qui était une accumulation critique de nombreux événements précédents forçant les Palestiniens à réagir en masse. Un tel moment est en train d’approcher.

Les développements actuels en Palestine comprennent la banqueroute complète de la direction palestinienne (AP), les futiles pourparlers pour l’unité entre principales factions palestiniennes, les tentatives israéliennes de finaliser des objectifs orchestrés de longue date en Cisjordanie et dans Jérusalem occupé, ainsi que l’échec de la communauté internationale à imposer toute pression réelle sur Israël. Les grands espoirs suscités chez certains Palestiniens par les révolutions arabes - et leur sens de la clarté politique - se sont également dissipés.

Dès son établissement en 1993, l’Autorité Nationale Palestinienne fut une cause perdue.

La romancière palestinienne Susan Abulhawa a décrit avec justesse la direction palestinienne comme « ne faisant guère plus que ramasser les ordures et maintenir les gens en rangs pendant qu’Israël vole de plus en plus de nos terres ». Il est vrai que l’AP a fait un énorme boulot à cet égard, puisque bien des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes ont également subi une condamnation dans les prisons de l’AP.

Le politicien israélien Yossi Beilin, l’un des artisans originaux des accords d’Oslo, plaide avec le Président de l’AP, Mahmoud Abbas, pour désavouer Oslo, qu’il décrit comme une ’farce’. « Dissoudre l’AP et renvoyer le contrôle quotidien à Israël serait une action que personne ne pourrait ignorer ... N’hésitez pas un instant ! » écrivait-il (cité dans Christian Science Monitor le 3 mai dernier). Comme on s’y attendait, Abbas a refusé. Son gouvernement est en train d’abattre les organes de presse affiliés aux rivaux d’Abbas. Voilà pour les réformes institutionnelles et politiques promises au début de l’an dernier.

L’AP est aussi en faillite. Après des mois d’attente autour de l’émouvant discours d’Abbas à l’ONU en septembre dernier, la grande finale fut une lettre au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ce mois-ci. Selon la lettre, Israël est en train de saper le pouvoir de l’AP (cité dans Bloomberg le 17 avril). A présent l’AP joue l’attentisme. « Les Palestiniens attendront la réponse israélienne et attendront aussi que les Américains apportent des idées pour aider à faire avancer le processus de paix », fait remarquer l’analyste politique Khalil Chahine. Comme si on n’avait pas encore attendu assez longtemps ces deux dernières décennies.

Tout espace physique dans les Territoires Occupés est une proie

Entre-temps Israël va de l’avant avec une vision claire de ses objectifs dans les territoires occupés. Le 24 avril dernier, un comité ministériel approuvait trois avant-postes
coloniaux - Bruchin et Rechelim dans le nord de la Cisjordanie, et Sansana dans le sud. Alors que toutes les activités coloniales en Cisjordanie et dans Jérusalem-Est sont considérées comme illégales en droit international, le droit israélien établit une différence entre colonies sanctionnées et colonies « illégales » ! Dans la réalité, cette distinction s’est révélée n’être rien de plus qu’une tentative sournoise de combiner droit international et droit israélien.

Depuis 1967, Israël a placé les terres palestiniennes occupées, qu’elles soient propriété privée ou autre, dans différentes catégories. L’une de ces catégories est « propriété d’Etat », gagnée par la vertu de l’occupation militaire. Pendant des années, les terres « propriétés d’Etat » ont été dévolues à différents objectifs. Mais depuis 1990 le gouvernement israélien s’est abstenu d’y établir des colonies, du moins formellement. A présent, selon le groupe israélien anticolonial ’La Paix Maintenant’ « au lieu d’aller vers la paix, le gouvernement annonce l’établissement de trois nouvelles colonies ». Tout espace physique dans les Territoires Occupés - propriété privée ou ’propriété d’Etat’, obtenue ’légalement’ ou ’illégalement’ - est devenu une proie légitime. Les colons juifs extrémistes n’ont pas appris de nouvelle qui les légitime autant depuis les beaux jours du Premier ministre Ariel Sharon.

Cette man ?uvre concernant les colonies n’est pas isolée. Le gouvernement israélien conteste à présent les décisions mêmes prises par la Cour Suprême israélienne. Le 27 avril dernier, le gouvernement israélien aurait demandé à la haute cour d’ajourner la démolition d’un avant-poste « non-autorisé » en Cisjordanie dans la colonie de Beit El, qui devait avoir lieu le 1er mai. La terre, même selon les normes légales israéliennes, est considérée comme terre privée palestinienne, et le gouvernement israélien en avait appelé à la Cour pour abattre les avant-postes illégaux - toujours selon la définition israélienne - à la date spécifiée.

Michael Sfard, avocat de l’organisation Yesh Din qui défend les droits des Palestiniens, décrivait la requête comme « une annonce de guerre par le gouvernement israélien contre les règles du droit ». Plus spécifiquement, « ils disaient clairement qu’ils avaient pris la décision de ne pas évacuer la construction illégale sur une propriété privée palestinienne ».

Abbas n’est pas simplement « à court d’idées » comme le décrit le quotidien américain Christian Science Monitor, mais il a désespérément besoin d’une bouée de sauvetage qui prolonge quelque peu la vie de son autorité. Le peuple palestinien quant à lui préférerait trouver une alternative qui surpasse l’AP.

Un nouveau soulèvement produit une nouvelle génération de dirigeants

L’ironie est que la résistance palestinienne refait surface au sein de ceux qui sont le plus physiquement confinés : les grévistes de la faim dans les prisons israéliennes, dont le nombre s’élevait à 1.700 le 17 avril. « Les derniers héros de la cause palestinienne ne sont pas de solides jeunes gens lanceurs de pierres ou brandissant des armes automatiques. Ce sont des adultes décharnés, poignets menottés, qui se laissent mourir de faim dans les geôles israéliennes » commentait Jodi Rudoren dans le New York Times du 3 mai dernier. 

Ces adultes émaciés et menottés ont finalement réussi à unifier les Palestiniens des Territoires occupés et de la diaspora. Alors que des dizaines de milliers se rassemblent en solidarité avec leur cause, les factions et la politique restent à l’arrière-plan, en tout cas pour le moment.

Les soulèvements palestiniens ne récupèrent pas nécessairement des terres volées, ni ne libèrent des prisonniers de longue durée. Ce qu’ils réussissent souvent, c’est à réparer les divisions, à réaffirmer les droits nationaux et à réarticuler les discours politiques. Et chose plus importante, un nouveau soulèvement produit une nouvelle génération de dirigeants. Cela adviendra comme un changement dont le paysage politique et révolutionnaire palestinien a un besoin si urgent.

*Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.

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9 mai 2012 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinechronicle.com/view_...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert