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Les lois en Israël donnent de nouveaux moyens pour se débarrasser des Palestiniens
mercredi 22 février 2012 - Sophie Crowe<br<The Palestine Monitor
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Taiseer Khatib et ses deux enfants.
Photo : Dylan Collins

La législation raciste d’Israël s’intensifie

Un recours contre cette loi déposé devant la Cour suprême par l’organisation Adalah - groupe pour les droits des Palestiniens en Israël - et par l’ACRI (association pour les Droits civils en Israël) a été rejeté le 11 janvier. La majorité des juges ont voté pour le maintien de la loi.

Le ministre de l’Intérieur, conformément à la législation, peut accorder la citoyenneté mais uniquement aux Palestiniens réputés avoir contribué à la sécurité d’Israël et en mesure de prouver qu’ils s’identifient à l’État.

Quand la loi a été élaborée en 2002, ses partisans évoquaient la sécurité comme leur principale motivation : des Palestiniens avaient utilisé leur mariage avec des Israéliens pour mener des attaques terroristes en Israël, faisaient-ils valoir.

"L’ordonnance provisoire de 2003 a contraint de nombreux Palestiniens vivant alors dans l’illégalité en Israël avec leurs épouses à retourner immédiatement en Cisjordanie. La plupart de leurs tentatives pour revenir en Israël légalement ont échoué", explique Sawsan Zaher, avocate d’Adalah.

"Après le recours de 2005, la loi a été modifiée pour autoriser les hommes de plus de 35 ans et les femmes de plus de 25 ans à solliciter la réunification, mais sans aucune garantie de réussir", dit Zaher.

L’ordonnance a été renouvelée 12 fois, soulevant l’inquiétude de la plupart des organisations de défense des droits en Israël.

"L’opinion majoritaire a marqué son approbation pour une loi raciste" déclarent Dan Yakir et Oded Feller, d’ACRI, à propos de l’échec du recours, "une loi qui va nuire à la texture même de la vie de familles dont le seule péché est que le sang palestinien coule dans leurs veines".

Taiseer et Lana Khatib et leurs deux enfants sont l’une de ces familles. Le couple s’est rencontré à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, et habite depuis 2006 la « ville mixte » d’Akka sur la côte, ville natale de Taiseer.

Après leur mariage en 2005, il n’a pas été facile pour eux de vivre ensemble aussitôt. Lana a reçu une autorisation provisoire pour entrer en Israël uniquement pour pouvoir visiter la mère de Taiseer, qui se remettait d’un accident vasculaire cérébral à l’époque.

C’est en 2006 qu’elle a obtenu cette autorisation provisoire - qui doit être renouvelée chaque année - pour rejoindre son époux à Akka.

Lana, comme des milliers d’autres, vit en Israël sans droits, ni sécurité sociale. Avec seulement un statut provisoire, elle ne peut ni travailler, ni prendre une assurance maladie, ni avoir un permis de conduire. « Il n’y a aucun droit pour moi ici. Je vis juste avec mon époux et mes enfants » dit-elle.

"Je ne peux pas emmener mes enfants à Jénine. C’est ici, à Akka que j’ai mon foyer" ajoute-t-elle. "L’avenir de Taiseer est ici. Qu’a-t-il à faire à Jénine ? Rien."

Bien que Lana soit autorisée à rester en Israël une année de plus, l’avenir reste incertain. Le processus de demande d’autorisation provisoire et les restrictions à sa vie ici vont certainement se poursuivre.

Sécurité égale démographie

La logique des partisans de la loi n’est qu’un ressassement de l’argumentation sécuritaire, affirmant que la sécurité doit se faire au détriment des droits de l’homme pour la population palestinienne, tant en Israël que dans les territoires palestiniens occupés.

Les nombreuses critiques de cette loi la dénoncent parce qu’elle considère tous les Palestiniens comme des terroristes potentiels, une façon véritablement de masquer la peur démographique d’Israël. La loi, disent-ils, est un autre moyen de maintenir au plus bas le nombre de Palestiniens en Israël.

"Entre 1994 et 2008, 130 000 Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza sont entrés en Israël afin de réunifier leurs familles. Parmi eux, 54 ont été arrêtés pour implication dans des atteintes à la sécurité, et parmi ceux-ci, cinq ont été arrêtés et inculpés", souligne Zaher.

"Ces chiffres contredisent l’argument du gouvernement affirmant que les Palestiniens cherchent à profiter de la réunification familiale pour porter des attaques terroristes", déclare l’avocate.

Les dirigeants du courant dominant en Israël se réfèrent régulièrement à la population palestinienne comme à une bombe démographique à retardement, une question qu’ils défendent comme le fondement de l’entreprise sioniste.

C’est le ministre de l’Intérieur, Eli Yishai, du parti Shas, groupe ultraorthodoxe, qui le premier a inventé la règle visant à interdire aux couples mariés de vivre ensemble quand l’un des deux venait des territoires palestiniens.

Yishai est impliqué depuis longtemps dans la recherche de moyens pour limiter la population non juive d’Israël (à savoir les Palestiniens). En 2002, le journal Ha’aretz rapportait qu’il se creusait la tête pour trouver la façon de limiter le nombre de non-juifs à recevoir la citoyenneté par le mariage avec des Israéliens.

Une juge a posé comme principe que si l’on ne devait pas nier aux Palestiniens leur droit à la réunification familiale, il n’était pas de la responsabilité d’Israël de leur assurer cette liberté. Cette logique va de pair avec l’argument - adopté par certains dans l’establishment israélien - selon lequel les Palestiniens peuvent faire valoir leurs droits... dans l’un des 22 États arabes.

La communauté palestinienne considère la législation comme un moyen juridique pour les transférer hors de l’État. Ziad al-Hammouri, du Centre de Jérusalem pour les droits sociaux et économiques, soutient que la décision du tribunal préservant la loi présage de l’« expulsion silencieuse » des 100 000 Palestiniens qui ont demandé la réunification familiale depuis 1993.

Sharhar Shoham, de l’organisation Médecins pour les droits de l’homme, insiste sur la réalité immédiate de ceux qui sont visés par la loi, et qui "continueront à vivre sans aucun statut civil ni droits sociaux".

Pour Zaher, la loi est une nouvelle tentative de classer et diviser les Palestiniens qui vivent en Israël, à Gaza et en Cisjordanie.

Finalement, la loi sur la Citoyenneté fait bien partie d’une vague toujours plus forte de législations, ces dernières années, visant à geler la vie palestinienne en Israël, en termes d’identité, de liberté et d’expression, et - à un niveau plus fondamental - de droit de vivre là où on le choisit et d’acheter des terres de l’État.

"Notre situation est l’effet de la Nakba" réfléchit Taiseer Khatib. "1948 n’est pas encore fini. Il sera fini quand Israël sera à 99,99 % juif. Netanyahu a prononcé, en mon nom, un mensonge, disant au monde que les Palestiniens en Israël étaient les seuls Arabes à vivre sous un régime démocratique".

Akka, le 8 février 2012 - The Palestine Monitor - traduction : Info-Palestine.net/JPP