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Israël veut mordre l’Iran
jeudi 9 février 2012 - Abdel Bari Atwan

Israël se permet de proférer des menaces enragées de frapper l’Iran et de détruire ses installations nucléaires qu’elle considère comme un danger. Qui donc est Israël pour lancer un tel pari ? Est-ce la superpuissance mondiale ? A-t-il une idée de ce qui peut alors lui arriver ?

Israël a échoué lamentablement dans sa tentative de vaincre le Hezbollah au Sud-Liban en 2006. Ses tanks ont été transformés en tas de ferraille dans les villages et les villes du Liban. Des navires de guerre [israéliens] ont été coulés au large des côtes libanaises. Israël n’a pas fait de nouvelles tentatives depuis cette fois-là, parce qu’il a peur.

Israël est fort parce que les Arabes sont faibles - ou plus précisément parce que certains Arabes sont faibles et n’ont pas bougé le petit doigt quand il a envoyé ses forces dans la bande de Gaza pour tuer des civils avec des obus au phosphore blanc et des missiles tirés depuis la mer, la terre et les airs. Maintenant, il reprend ses attaques sur la bande de Gaza sur une base quotidienne, tuant à volonté sans que le Conseil de la Ligue arabe et les ministres des Affaires étrangères ne bougent un petit doigt, comme si ceux qui sont tués par les balles des Israéliens n’étaient pas des êtres humains.

Nous imaginons que ces menaces israéliennes, même creuses, contre l’Iran vont se poursuivre pendant les semaines et peut-être les mois à venir. Mais ne soyons pas surpris si c’est l’Iran qui frappe Israël pour venger l’assassinat de ses scientifiques nucléaires aux mains du Mossad, les services secrets israéliens.

L’Iran est confronté à une conspiration extérieure, dans les actes et pas que dans les mots, pour un changement de son régime politique. Un boycott de ses exportations de pétrole est devenu imminent. Les relations avec sa Banque centrale ont cessé. Sa devise officielle, le Riyal, peut s’effondrer et les prix des produits et matériaux de base sont à la hausse.

Si les efforts américains et européens parviennent à imposer un boycott du pétrole et à empêcher l’Iran d’exporter ses hydrocarbures vers ceux qui veulent les acheter, et si l’Arabie saoudite augmente sa production de pétrole de deux millions de barils par jour pour compenser la pénurie iranienne - comme elle a compensé les pénuries irakiennes et libyennes dans le passé - pourquoi l’Iran ne devrait-il pas harceler les navires militaires et pétroliers de ses ennemis ou fermer le détroit d’Hormuz, faisant ainsi « tomber le toit du temple » sur la tête de tout le monde sans exception ?

L’assassinat de scientifiques du secteur nucléaire en plein Téhéran est une violation de la souveraineté nationale qui secoue le prestige et la sécurité de l’Etat. Cet acte provocateur impose d’exercer des représailles dans la même mesure. C’est pourquoi M. Ali Larijani ne nous a pas surpris en disant que les représailles sont imminentes. Des Etats fiers de leur dignité nationale ne sont pas censés garder le silence face à de telles provocations.

Il est vrai que l’assassinat de quatre scientifiques ne peut pas arrêter les programmes nucléaires de l’Iran, car il y a des centaines d’autres scientifiques. Mais un silence du régime et le fait de simplement avaler cette insulte deux mois avant des élections législatives décisives pourraient s’avérer coûteux. En conséquence des représailles seront peut-être le plus sûr moyen de relever le moral de ses partisans.

Mme Hillary Clinton s’est hâtée de dissocier son pays de tout rôle dans l’assassinat des scientifiques iraniens. Elle a condamné cet « acte terroriste » et a estimé qu’il n’était pas civilisé. Elle a fait cette déclaration pour éviter toute réplique iranienne d’une part, et d’autre part pour faire reposer tout le poids de la responsabilité [des meurtres] sur Israël et ses services spéciaux.

L’administration américaine sait bien que l’Iran n’est pas la Syrie. L’Iran n’avale pas les insultes israéliennes en disant qu’il y aura des mesures de rétorsion au bon moment et au bon endroit, mais sans jamais réellement exercer de représailles. Les Etats-Unis se sont brûlés les doigts avec des mesures de rétorsion iraniennes dans le passé. Qu’il suffise de mentionner le succès de l’Iran dans la défaite retentissante des Américains en Irak où tous leurs desseins ont été déjoués.

L’Iran a fait d’une pierre deux coups en attirant les Etats-Unis, à travers ses agents comme le Dr Ahmad al-Chalabi, dans le bourbier irakien pour le débarrasser de son ennemi principal qu’il avait combattu pendant huit années consécutives avec une force et un courage au-delà de toutes les attentes. Nous faisons allusion ici à la fin du président irakien Saddam Hussein, de son régime et de son armée qui ont fait cette guerre en mobilisant toutes les composantes religieuses et ethniques irakiennes. Et maintenant l’Irak s’est transformé en une aire de jeux pour l’Iran par l’intermédiaire de ses agents au pouvoir.

Certains observateurs n’excluent pas la possibilité que l’Iran soit responsable de l’attentat de l’avion de la Pan-American au-dessus de Lockerbie en Ecosse pour venger la destruction en vol de son avion de passagers par des missiles américains dans le Golfe dans les années 1980.

Nous ne serions pas surpris non plus si l’attentat à la bombe contre l’ambassade israélienne à Buenos Aires était aussi le travail des alliés de l’Iran. Les dirigeants palestiniens ont renoncé au « terrorisme » et placé tous leurs oeufs dans le panier des négociations dans l’espoir d’obtenir une nation chétive et mutilée, sans souveraineté ni dignité. Et même après avoir cédé 80% de leur nation, la Palestine...

Lorsque j’ai rencontré M. Abd-al-Basit al-Miqrahi qui a été accusé de l’attentat de Lockerbie et condamné à la prison à vie avant d’être finalement libéré, il a eu une crise de larmes tandis qu’il me jurait sincèrement qu’il n’avait jamais commis cet acte et qu’il a été injustement impliqué. L’administration américaine a choisi d’accuser la Libye parce que c’était la partie la plus faible et parce que l’implication dans une guerre avec l’Iran aurait été très coûteuse. C’est ce qui explique pourquoi les Etats-Unis ont choisi la France et la Grande-Bretagne dans l’OTAN pour intervenir militairement en Libye en raison de son pétrole d’abord, et d’autre part en raison de la faiblesse de son armée, en troisième lieu pour y détruire les armes de destruction massive en sa possession, et, quatrièmement, en raison de la présence de 200 milliards de dollars en dépôts dans les banques occidentales.

Les provocations d’Israël contre l’Iran pourraient bien entraîner des actes de rétorsion. Il existe de nombreux intérêts israéliens dans le monde qui peuvent servir de cibles légitimes pour des représailles, du point de vue de l’Iran. Cela signifie que nous sommes confrontés à une guerre imminente d’assassinats si l’Iran a décidé de mener à bien ses menaces. Cela est plausible et prévisible, comme nous l’avons appris de l’expérience passée.

On peut imaginer les inquiétudes américaines et israéliennes sur le programme nucléaire de l’Iran et sa puissance militaire montante qui menacent d’une part l’hégémonie américaine sur la région et son contrôle sur le pétrole, et d’autre part la supériorité militaire israélienne si stratégique. Mais nous n’arrivons pas à comprendre la panique actuelle des Arabes et la volonté de certains gouvernements arabes de provoquer l’hostilité de l’Iran puis de se blottir dans la tranchée américaine.

Les Arabes ont de l’argent, des cerveaux et des relations internationales. Alors pourquoi devraient-ils craindre une course aux armements nucléaires dans la région si l’Iran possédait des armes nucléaires ? Pourquoi ne pas concourir avec lui dans la même arène, avec la même ténacité et la même détermination ?

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

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21 janvier 2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.abdelbariatwan.com/Israe...
Traduction : Info-Palestine.net