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Face à Téhéran, Washington et les pays arabes sunnites soutiennent le nucléaire égyptien
lundi 26 mars 2007 - Cécile Hennion - Le Monde

Face à la crise sur le programme nucléaire iranien, et encore plus depuis la guerre qui a opposé Israël au Hezbollah chiite au Liban à l’été 2006 et qui fut interprétée comme une démonstration de force - indirecte - de l’Iran, les pays arabes sunnites, faisant le constat des ambitions iraniennes, avancent à leur tour sur le chemin du nucléaire.

Le 19 septembre 2006, Gamal Moubarak, fils du président égyptien Hosni Moubarak, appelait son pays à développer l’énergie nucléaire civile. L’idée est populaire. Mélangeant objectifs civils (le manque de ressources pétrolières et les besoins en électricité) et militaires, les Egyptiens le considèrent légitime, voire nécessaire face aux capacités nucléaires d’Israël et bientôt de l’Iran, deux Etats perçus comme menaçants. Le nucléaire égyptien n’est, disent-ils, que "justice".

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Gamal Moubarak

La réaction la plus inattendue vint de Washington. Par le passé, l’Egypte avait été soupçonnée d’avoir bénéficié de ventes de technologie nucléaire via le réseau Abdul Qadeer Khan, le père de la bombe atomique pakistanaise. Le Caire avait aussi été épinglé en 2005 par l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) pour des "omissions" sur ses activités. Pourtant, aussitôt après l’annonce de Gamal Moubarak, l’ambassadeur des Etats-Unis au Caire, Francis Ricciardone, a assuré du soutien de son pays, déclarant que "les Etats-Unis encouragent l’utilisation pacifique du nucléaire".

Les débuts du programme nucléaire égyptien datent des années 1950, avec la création d’un centre de recherche à Inchass, doté d’un mini-réacteur de 2 mégawatts (MW). Après la ratification du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en 1981, le gouvernement annonça la construction de huit centrales nucléaires à Dabaa. Mais après l’explosion de la centrale ukrainienne de Tchernobyl en 1986, Le Caire réexamina sa politique. L’Egypte se dota d’un réacteur argentin de 22 MW, destiné à la recherche médicale. Les infrastructures de Dabaa furent laissées à l’abandon. Il ne fut plus question d’un programme nucléaire.

Selon Walid Kazziha, directeur du département de sciences politiques à l’Université américaine du Caire, Tchernobyl n’explique pas tout, et le gel du programme nucléaire égyptien est le résultat de pressions américaines. "La paix avait été signée avec Israël, rappelle-t-il, mais elle était récente et fragile. Les Américains ont fait pression pour mettre un terme au programme nucléaire."

Les deux décennies suivant le gel du programme, Le Caire prône l’instauration au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes de destruction massive. Le comportement d’Israël, qui refuse d’adhérer au TNP et dont la possession d’ogives nucléaires est secret de polichinelle, est dénoncé. Les essais nucléaires de l’Inde puis du Pakistan, en 1998, entraînent un raidissement. Le Caire continue de promouvoir la dénucléarisation du Moyen-Orient mais critique l’efficacité du TNP. Des intellectuels égyptiens appellent l’Egypte à se doter de l’arme nucléaire, "dans un souci d’équilibre avec Israël". Ce sentiment d’"injustice faite aux Arabes" n’a cessé de s’exacerber avec la deuxième Intifada en 2000, l’invasion américaine de l’Irak en 2003 et la crise du nucléaire iranien.

Entre la guerre en Irak, la crise au Liban, le conflit israélo-palestinien et interpalestinien et, au sud, la guerre du Darfour, l’Egypte se considère comme l’un des derniers îlots, fragile, de stabilité. La perception du danger s’est aiguisée au fur et à mesure de la montée en puissance de l’Iran. Expression de cette inquiétude, le président Moubarak fait scandale en déclarant en 2006 que les chiites "sont en général toujours loyaux à l’Iran et non aux pays dans lesquels ils vivent."

Après la guerre au Liban, et même si Hosni Moubarak insiste sur la nécessité d’un règlement politique de la crise nucléaire iranienne, le Conseil de coopération du Golfe, qui regroupe les monarchies de la péninsule arabique, évoque des ambitions nucléaires. Puis le roi Abdallah II de Jordanie déclare envisager de "recourir à l’énergie nucléaire à des fins civiles. La Jordanie souhaitait voir une zone dénucléarisée mais, depuis l’été 2006, les règles ont changé".

Ces bouleversements régionaux expliquent le revirement américain. Si l’Iran persiste, il lui faudra compter avec le potentiel nucléaire des pays arabes sunnites. Après avoir soutenu "l’exception" israélienne, Washington pourrait privilégier un Moyen-Orient muni de plusieurs pôles "dissuasifs".

Le programme nucléaire égyptien - dont l’achèvement est prévu pour 2020 - est encore loin de pouvoir se transformer, techniquement, en potentiel militaire. Mais l’Egypte possède le potentiel humain pour le mener à bien. Et les pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, semblent prêts à payer une partie de l’addition


Mme Rice "préoccupée" par le référendum en Egypte

La secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, s’est déclarée, vendredi 23 mars, "réellement préoccupée" par la décision du président égyptien, Hosni Moubarak, d’organiser de façon précipitée un référendum sur des amendements constitutionnels contestés. "Les Egyptiens s’étaient fixé eux-mêmes certains objectifs et on espérait que ce serait un processus qui donnerait la parole à tous les Egyptiens. Je crains que cet espoir ne soit pas atteint", a déclaré Mme Rice. L’opposition égyptienne, qui a décidé de boycotter le référendum, a critiqué la tenue de ce scrutin, lundi 26 mars, une semaine après l’adoption par le Parlement de 34 amendements qu’elle juge "antidémocratiques". - (AFP.)

Cécile Hennion - Le Monde, le 24 mars 2007