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Ben Eliezer aurait ordonné la liquidation de 250 prisonniers égyptiens en juin 1967
mercredi 7 mars 2007 - RFI - Stefanie Schüler

l y a des fantômes qui ne veulent définitivement pas appartenir au passé. C’est le cas des massacres de prisonniers pendant la Guerre des Six Jours en 1967 par l’armée israélienne en particulier par une unité d’élite : le Commando Shaked. Le journaliste israélien Ron Edelist a pris le risque de remuer encore une fois le couteau dans la plaie avec un documentaire intitulé « L’esprit de Shaked ». Ce film a été diffusé la semaine dernière sur la chaîne de télévision publique israélienne Channel One et il a apparemment réveillé plus de « spectres » que cela aurait été souhaitable.

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Binyamin Ben Eliezer - général de réserve et commandant de l’unité Shaked entre 1967 et 1970 - est accusé d’avoir ordonné les tueries - Photo : AFP

Car la diffusion du documentaire sur le commando Shaked - unité d’élite créée en 1953 et affectée au commandement militaire sud d’Israël avant d’être démantelée en 1974 - a eu un écho inattendu dans les médias arabes et notamment en Egypte. Selon eux, « Sayeret Shaked » aurait liquidé 250 Egyptiens, alors prisonniers désarmés, dans le secteur d’El-Arich sur la péninsule du Sinaï. Et cela, sous le commandement de Binyamin Ben Eliezer. C’est en tout cas la lecture du documentaire israélien faite au Caire.

Cette interprétation affole le réalisateur du film. Ron Edelist reproche à l’opposition égyptienne de déformer délibérément ses propos et les témoignages rassemblés dans son documentaire. Selon lui, s’il y est, en effet, question de 250 morts, il s’agirait de combattants palestiniens abattus lors des affrontements avec l’unité Shaked et non de prisonniers désarmés exécutés. « Le message de mon film a été faussé afin de porter atteinte à la paix entre Israël et l’Egypte », a-t-il affirmé lors d’une interview avec la radio militaire israélienne.

Les propos de l’auteur du documentaire devraient réconforter le ministre des Infrastructures israélien, Binyamin Ben Eliezer. Le général de réserve et commandant de l’unité Shaked entre 1967 et 1970 a en effet bien du mal à éviter que le vent de polémique égyptienne qui s’est levé contre lui ces derniers jours ne se transforme en une véritable tempête diplomatique. M. Eliezer a beau être un des rares hommes politiques israéliens qui se rendent fréquemment en Egypte, tous les liens tissés avec les voisins égyptiens semblent s’être déchirés du jour au lendemain avec cette affaire. Celui qu’on a nommé « l’ami du monde arabe » a même dû annuler une visite au Caire prévue ce jeudi pour causes de sécurité. Et les éclaircissements que le ministre a tenté d’apporter n’ont visiblement pas suffi non plus.

Les soldats tués par le commando « appartenaient à un bataillon de fedayines palestiniens qui opérait depuis la bande de Gaza contre Israël », affirme Ben Eliezer. Cela n’a pas empêché le ministre égyptien des Affaires étrangères de convoquer l’ambassadeur israélien au Caire, Shalom Cohen, qui s’est fait traiter de « chien » et d’« apostat » par certains députés du parti du président Hosni Moubarak. Quant au président de la commission des Affaires étrangères, Moustafa al-Faki, il demande l’ouverture d’une enquête du tribunal pénal international à l’encontre de Binyamin Ben Eliezer.

Sentiment de déjà vu

Si les observateurs internationaux, habitués au climat changeant entre les deux pays, ne sont pas vraiment surpris par les nouveaux nuages dans le ciel israélo-égyptien, ils s’étonnent tout de même de l’envergure que prend cet orage diplomatique. D’autant plus que les faits qui ont provoqué cette irritation entre l’Etat hébreu et l’Egypte ne sont nouveaux pour personne. Bien au contraire : « On a un sentiment de déjà vu. C’est un remake malheureux d’une crise similaire qui avait éclaté en 1995 », confirme aussi à l’AFP un haut responsable israélien qui a préféré garder l’anonymat.

En effet, le journaliste Ron Edelist est loin d’être le premier à s’être penché sur la question des liquidations de prisonniers lors de la guerre israélo-arabe. En 1995 déjà, un historien israélien, Aryeh Yitzhaki, avait fait beaucoup de bruit lorsqu’il avait révélé le massacre de centaines de soldats égyptiens désarmés par l’armée israélienne, en mettant l’accent sur un massacre dans la région d’El-Arish.

Selon cet historien, l’unité d’élite, le commando Shaked, à cette époque sous les rênes de Binyamin Ben Eliezer, avait alors liquidé quelque 300 soldats. En revanche, l’expert avait été moins catégorique sur l’origine des victimes. Aryeh Yitzhaki avait alors estimé qu’il s’agissait soit de soldats égyptiens soit de Palestiniens. Pour calmer le tollé diplomatique que ces révélations avaient provoqué entre Israël et l’Egypte, le Premier ministre israélien de l’époque, Yitzhak Rabin, avait reconnu en 1995 la responsabilité de son pays dans le meurtre de prisonniers de guerre égyptiens.

Depuis, il est vrai, les actes n’ont pas vraiment suivi les paroles. Plus de douze ans après la reconnaissance des crimes par Yitzhak Rabin, toute la lumière n’a pas été faite sur les responsables de ces meurtres ni sur les circonstances des liquidations. Presque trente ans après l’accord de paix entre l’Egypte et Israël, le moindre incident menace toujours de perturber le fragile équilibre diplomatique.

5 mars 2007 - RFI - Vous pouvez consulter cet article à :
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