Selon eux, la plupart de ceux qui mènent des attaques contre les forces américaines, canadiennes ou européennes sont soit des nationalistes pashtouns, soit des extrémistes religieux, soit des guerriers tribaux - souvent un mélange des trois -, qui luttent contre ce qu’ils considèrent être des armées d’occupation.
Et s’ils peuvent côtoyer par endroits et par moments, surtout dans l’Est du pays, des groupes proches ou affiliés à Al Qaïda, ils ne s’inscrivent pas dans la mouvance du "jihad global", assurent-ils.
Mariam Abou Zahab, chercheur au CERI-Sciences Po, regrette que "+Taliban+ soit devenu un terme fourre-tout qui désigne toute personne opposée au gouvernement Karzaï et à la présence militaire étrangère".
"Vous avez, surtout dans le Sud, des combattants extrêmement jeunes qui sont avant tout nationalistes. Leur discours est basique mais efficace : des troupes non-musulmanes (ils disent +infidèles+) ont envahi mon pays. C’est mon devoir de les combattre. Point."
"Ce sont des gamins ruraux, illettrés", ajoute-t-elle. "Leurs seules références, c’est le mollah et le responsable tribal. C’est très local".
Dans l’interview accordée à Paris-Match, le "commandant Farouki", qui affirme avoir participé à l’embuscade contre une colonne française, dit : "Les Français ont franchi une limite en venant près d’ici. La vallée d’Uzbin nous appartient. C’est notre territoire".
Dans un pays où les récits familiaux et les chansons de gestes tribales glorifient les guerres anglo-afghanes du 19e siècle et les faits d’armes contre l’Armée rouge, tirer sur le convoi blindé passant dans la vallée, c’est marcher sur les brisées de prestigieux anciens, assure Bernard Dupaigne.
Pour ce professeur au musée de l’Homme, "nombre de ceux qui tapent sur les armées occidentales sont les mêmes ou les fils de ceux qui tapaient sur les Russes, simplement parce qu’ils étaient là. Si les Russes n’avaient pas été là, ils seraient restés garder leurs chèvres. C’est pareil aujourd’hui".
"Même si tous les villageois n’ont pas envie de faire la guerre", poursuit Bernard Dupaigne, "les talibans viennent les voir la nuit, les menacent. Les Occidentaux, eux, passent vaguement sur la route dans la journée. A qui croyez-vous qu’ils vont obéir ?"
Dans une récente tribune publiée par le Monde, Gérard Fussman, professeur au Collège de France, estime que "les troupes de l’OTAN ne contrôlent pas plus l’Afghanistan que ne le faisaient les Soviétiques".
"La raison en est simple : elles se conduisent et sont perçues comme une armée d’occupation (...) Comment veut-on que les Afghans ne se sentent pas plus proches des combattants qui vivent comme eux et meurent pour une foi qui est la leur que d’étrangers dont ils ne voient que les armes, les gilets pare-balles, les blindés et les bombardements ?"
Mariam Abou Zahab et Bernard Dupaigne mettent en garde contre un accroissement du nombre de soldats étrangers dans les vallées afghanes qui n’aboutira, selon eux, qu’à radicaliser des populations jalouses de leur indépendance, que personne n’a jamais soumises par la force.
"Plus on envoie de troupes, plus il y aura de dommage collatéraux" avertit Mme Abou Zahab. "Davantage de civils tués, et c’est la spirale. Il semble que les leçons du passé n’ont pas été apprises".
Pour Bernard Dupaigne, "dire que l’avenir du monde et la guerre contre le terrorisme passent par l’Afghanistan, c’est faux. L’Afghanistan n’est pas une machine à faire des terroristes. Plus on les bombarde, et plus il y aura des gens qui vont nous tirer dessus".
5 septembre 2008 - Agence France Presse - Vous pouvez consulter cet article à :
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