Selon les sources du département d’Etat américain, Condoleezza Rice se serait rendue à Tel-Aviv et à Ramallah pour convaincre Israéliens et Palestiniens à poursuivre leur négociation de paix, malgré l’impasse où elle se trouve du fait du refus d’Olmert d’accéder aux doléances de Mahmoud Abbas, notamment celle du gel de l’extension des colonies israéliennes.
Mais c’est une tout autre raison que d’autres sources avancent pour cette visite de la secrétaire d’Etat et en veulent pour preuve le crochet non annoncé qu’elle a effectué à Beyrouth à l’issue de ses entretiens en Israël et en Cisjordanie. Ce détour par Beyrouth signifierait pour ces milieux que Rice est venue cette fois au Proche-Orient délivrer une mise en garde autant à l’Autorité palestinienne qu’au nouveau président libanais.
Mise en garde rendue nécessaire, du point de vue de Washington, par les tentatives ayant cours au Liban et en Palestine de réinsertion dans les centres étatiques de décision de ces entités du Hezbollah et du Hamas.
Que l’accord de Doha ait permis de débloquer la situation politique et institutionnelle du Liban, et que l’appel au dialogue lancé par Mahmoud Abbas au Hamas soit susceptible de ressouder l’unité des Palestiniens, ce ne sont pas là des raisons, du point de vue de Washington, susceptibles de lever son opposition à tout rapprochement avec le Hezbollah et le Hamas, qualifiés d’organisations terroristes et alliés de surcroît à l’ennemi n°1 des Etats-Unis, l’Iran.
Et c’est bel et bien l’Iran qui fait courir et s’agiter actuellement le président américain et sa secrétaire d’Etat. Bush est déterminé à ne pas quitter la Maison-Blanche sans avoir soldé ses comptes avec la République islamique. Des « esprits sagaces » prétendent que l’on fait fausse route en lui prêtant cette intention belliqueuse, au motif qu’il serait habité au contraire par la vision d’une fin de présidence marquée par un grand geste de paix, celui de contribuer à l’accord entre Israéliens et Palestiniens.
Ce n’est pas cet état d’esprit qu’a montré le président américain durant sa tournée d’adieu aux dirigeants de « la vieille Europe ». A Berlin, Paris et Londres, les trois étapes marquantes de cette tournée, Bush a réitéré en leitmotiv ses diatribes contre Téhéran et fait pratiquement l’impasse sur son engagement à agir pour qu’un accord de paix israélo-palestinien ait lieu avant la fin de l’année 2008. C’est la même priorité ayant l’Iran pour obsession que Condoleezza Rice est partie « démarcher » au Proche-Orient. Il est indispensable dans la stratégie américaine à l’égard de l’Iran que « les alliés » de celui-ci au Proche-Orient soient isolés et empêchés d’agir quand sera venue l’heure de l’action contre lui. Le rôle d’Israël dans cette partition est de donner le change en donnant l’illusion de vouloir dialoguer et négocier.
Le crochet de Rice à Beyrouth ne présage rien de bon pour le Liban, tout autant que sa visite à Ramallah n’apportera rien au peuple palestinien.
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17 juin 2008 - Le Quotidien d’Oran (Analyse)