Alors que notre société s’interroge sur cet acte impensable de violence qui s’est perpétré quelques heures plus tôt ce matin du 11 décembre, à Gaza, nous avons l’obligation aussi de jeter un regard approfondi, sans complaisance, sur nous-mêmes et de rechercher comment, peut-être, dont nous avons pu dériver si loin de notre route.
Trois petits enfants, qui se rendaient à leur école, en première et seconde clase et un - celui assis sur les genoux d’un garde du corps - à l’école maternelle. Quelques minutes à peine après quitté leur maison dans le quartier Rimal à Gaza ville, ils sont interceptés par trois voitures. Des hommes masqués et armés en sautent et ouvrent le feu, arrosant le véhicule et ceux qui sont à l’intérieur de plus 60 balles. Les hommes ont pris la fuite laissant un bain de sang derrière eux, trois enfants et un garde du corps tués, un autre passager - le cousin des petits enfants - blessé, ainsi que quatre passants blessés, terrifiés, qui allaient aussi à l’école dans cette rue de Gaza.
Les agresseurs, qui ont cru certainement visé Baha’Balousha, un officier des services de renseignements palestiniens, restent encore à appréhender, même si le ministre de l’Intérieur a annoncé le 13 décembre plusieurs arrestations de personnes suspectées d’être impliquées dans le crime.
Immédiatement, les condamnations du crime se sont multipliées. Venant de la présidence, du gouvernement, des factions et de citoyens choqués, tous ont exprimé leur horreur qu’un tel crime ait pu être commis par des Palestiniens qui se sont toujours glorifiés de ne pas « répandre le sang palestinien ».
Ces jours-ci, ce n’est pas juste du sang palestinien qui est en train de couler, mais celui d’innocents. Il est hors de propos que c’était le père, un fidèle bien connu du Fatah, qui était la cible ou non. Il reste qu’une mère pleure la perte des ses trois enfants chéris - Osama, Ahmad et Salam - qui lui ont été pris par un acte absurde de violence, et que notre société se trouve confrontée à la menace d’un péril d’une ampleur sans précédent.
Les auteurs de cet acte odieux peuvent être, ou ne pas être, adhérents de certaines factions politiques. Ce ne serait pas la première fois que des fidèles prônant la ligne dure, de telle ou telle faction, tirent les uns sur les autres. Rien que l’autre jour, le convoi de Said Siyam, ministre de l’Intérieur, du Hamas, a été la cible de tirs dans Gaza ville. Les affrontements armés sont devenus une façon courante de régler les litiges entres les partis rivaux Hamas et Fatah, ces derniers temps. On en est même arrivé au point que les armes à feu sortent pour régler un litige de parking, ou après un regard soupçonneux, ou un mot qui ne plaît pas.
Qu’est-ce qui a réduit notre société au point que des parents ne peuvent plus être tranquilles quand ils envoient leurs enfants à l’école le matin, et pas à cause des chars israéliens ? N’est-ce pas assez de devoir faire face à l’oppression de l’occupant israélien qui a prouvé à maintes reprises sa cruauté ? N’avons-nous pas hurlé quand nos enfants ont été assassinés dans leurs lits, pendant leur sommeil, par les obus des chars israéliens ?
Ceux qui ont ouvert le feu sur ces enfants ont été qualifiés de collaborateurs, de mercenaires et de traîtres par des personnalités, des factions palestiniennes qui se dépêchent tous de prendre leur distance avec ce crime impardonnable. C’est un fardeau très lourd que d’avoir le sang de bébés sur les mains et chaque Palestinien, chaque faction palestinienne mêlés à la situation actuelle de désunion sait que s’ils étaient portés responsables de la mort d’enfants, ils auraient à le payer chèrement auprès du peuple.
Mais encore, même si les durs des factions étaient derrière le meurtre, si l’assassin s’était trompé de cible ou si les coupables étaient vraiment des « collaborateurs » avec l’intention de monter encore plus les gens les uns contre les autres, une vérité n’en apparaît pas moins, de façon poignante, c’est que la situation actuelle de chaos et d’anarchie que connaît notre société a fourni le terreau pour que se produisent de tels crimes.
Nos dirigeants sont bons quand ils « parlent de négocier », louant avec éloquence l’indéfectibilité du peuple et leur propre engagement pour l’unité nationale et la défense de notre noble cause. Mais dans les coulisses, ces dirigeants ne deviennent qu’un triste exemple, potentiellement catastrophique pour les masses. Même s’ils ne se sont pas abaissés à tirer réellement les uns sur les autres, les insultes et accusations verbales qui volent et qu’ils s’échangent créent une atmosphère de haine et de mépris parmi le peuple, lequel n’a pas les moyens de supporter de telles dissensions.
Les auteurs du meurtre doivent être conduits devant la justice, c’est indiscutable. Puis, une fois qu’ils seront enfermés dans la cellule de leur prison pour le restant de leurs jours et que les enfants se seront blottis dans le lieu de leur dernier repos, nos dirigeants, nos factions et notre peuple devront méditer sur la façon dont nous nous sommes permis, nous-mêmes, d’en arriver à ce point.
L’unité nationale ne doit jamais rester une simple un slogan sur un mur, ou des mots qui s’envolent de la bouche d’un politicien roué. Nous devons la vivre, la respirer et l’étreindre si nous voulons en réchapper et reprendre le chemin dont nous nous sommes longtemps éloignés. Il importe peu que le Premier ministre soit un fidèle du Fatah, du Hamas ou autre pour cela. Ce qui compte c’est que nous ayons une direction forte, responsable, composée de personnes compétentes, qualifiées qui aiment leur pays et sont prêt à montrer une souplesse dosée dans leurs positions propres, pour le bien de la Palestine et des Palestiniens.
Si notre société ne se sauve pas elle-même de cet abîme dangereux, notre rêve s’y perdra, noyé dans le sang de nos enfants.
Joharah Baker est journaliste pour le programme de la communication et de l’information du Miftah. Elle peut être contactée à l’adresse : mip@miftah.org
Miftah - 13 décembre 2006 - http://www.miftah.org/Display.cfm?D...
Trad.:JPP