BEERSHEBA, 21 août 2007 (IRIN) - Une nouvelle requête a été déposée devant la Haute Cour israélienne pour exiger que l’Etat relie 11 centres de santé primaire, situés dans les villages bédouins non reconnus du désert du Néguev, au réseau électrique national, afin d’assurer de meilleurs services de santé aux populations.
Les centres, créés à la suite de précédentes requêtes, sont alimentés par des générateurs, mais seulement pendant les heures d’ouverture. Après la fermeture, l’électricité est coupée. Selon la procureur Sonia Boulos, ce système « est contraire au droit à la santé et à l’égalité dont doivent jouir les résidents des villages non reconnus du Néguev ».
Mme Boulos, de l’Association des droits civils en Israël (ACRI), a déposé la requête, avec le soutien du Conseil régional pour les villages bédouins non reconnus (RCUV) et des Médecins pour les droits humains-Israël (PHRI), deux organisations non-gouvernementales locales.
Les villages eux-mêmes, non reconnus par l’Etat - pour qui leur présence sur ces terres est « illégale » - ne sont pas reliés au réseau national.
« Les gens les plus pauvres de mon village apportent des médicaments chez moi pour les mettre au frais parce que nous avons des panneaux solaires et un générateur », a expliqué Khalil al-Amour, d’Al-Sera, où seules quelques familles ont les moyens de s’assurer un approvisionnement constant en électricité.
Pour lui, cela ne saurait être une solution convenable pour combler les besoins de son village et, dans d’autres villages, même cette alternative n’existe pas.
Il arrive que les générateurs tombent en panne, privant les centres d’électricité pendant plusieurs jours ; compte tenu de cette situation, la réfrigération reste le principal problème. En effet, de nombreux médicaments et vaccins à conserver au frais ne sont pas disponibles dans ces centres, tout simplement parce qu’ils se gâteraient.
L’été, la chaleur modifie les propriétés d’autres médicaments, qui perdent leur efficacité ou deviennent même toxiques, affirment les requérants, dont les propos sont corroborés par les avis d’experts médicaux soumis à la cour.
« La plupart des médicaments de ce type sont distribués ailleurs », a expliqué à IRIN une infirmière d’un des centres, ajoutant que cela obligeait à se déplacer.
Parcours du combattant
Pour certains des 80 000 habitants des villages bédouins non reconnus, se déplacer est le seul moyen de se rendre dans un centre pour obtenir des soins médicaux - et ce n’est pas une mince affaire.
Dans le village d’Ahmed al-Nassassrah, par exemple, il n’y a pas de centre ; de plus, tout le monde n’a pas de voiture et les hommes partent souvent tôt le matin pour se rendre à leur travail ; les femmes du village doivent donc tenter de se rendre au centre le plus proche [pour bénéficier de soins de santé], raconte M. al-Nassassrah.
« Lorsqu’un enfant est malade, sa mère et lui doivent aller jusqu’à la route principale, où ils doivent ensuite attendre qu’une voiture les prenne. En stop. Ensuite, [la mère] descend à l’intersection où elle attend qu’un bus l’emmène jusqu’à la ville [où se trouve le centre]. Après, elle doit encore parcourir environ trois kilomètres jusqu’au centre », a expliqué M. al-Nassassrah.
« Ensuite, elle doit refaire tout le parcours en sens inverse pour rentrer. Parfois avec un ou deux enfants malades », a-t-il ajouté.
« Et dans notre culture, il n’est pas encore tout à fait acceptable qu’une femme fasse du stop ».
Mais, même dans les villages où se trouvent les 11 centres de santé, s’y rendre n’est pas forcément plus simple. Au village de Wadi al-Naam, par exemple, le centre de santé public, accessible par un chemin de terre escarpé, se trouve à environ deux kilomètres du quartier résidentiel.
« Il est plus facile de se rendre en ville que d’aller au centre qui est près d’ici », selon Ibrahim, un habitant de Wadi al-Naam qui a préféré parcourir plus de dix kilomètres pour aller dans un autre centre plutôt que d’essayer de se rendre à celui de son propre village.
Discrimination ?
Dans certains des 11 centres, d’autres problèmes se posent. Bien que ces centres accueillent uniquement les populations bédouines arabophones, presque tous les panneaux signalétiques qui y sont affichés sont en hébreu, et dans au moins un des centres, le réceptionniste est un Israélien qui ne parle pas l’arabe.
« La plupart des femmes des villages non reconnus parlent à peine l’hébreu et ne le lisent pas », a noté un observateur, qui se demandait pourquoi l’Etat n’avait pas équipé les centres d’une signalétique en arabe, comme c’est le cas dans d’autres régions du pays.
« Et si quelqu’un doit appeler le centre pour obtenir des informations et que la personne qui répond ne parle pas l’arabe, comment est-on censé faire avancer les choses ? ».
« Nous voulons que tous les habitants du village aient accès aux services de santé », a déclaré Atwa Abou Friah, directeur général du RCUV.
« Les kibboutz du coin sont mieux lotis que nous, le problème n’a donc pas à voir avec l’écart zone rurale/zone urbaine en matière de soins de santé. Au contraire, nous sommes victimes de discrimination », a-t-il reproché. « Nous devons faire tout le trajet jusqu’à Beersheba pour bénéficier de services de santé auxquels les populations des villes juives ont accès au sein de leur propre communauté », a-t-il déclaré, en allusion à la ville principale du Néguev.
La réponse de l’Etat
Le ministère israélien de la Santé a admis que les vaccins à conserver au frais n’étaient pas stockés dans les 11 centres des villages non reconnus lorsque leurs générateurs n’étaient pas en marche.
« Une requête a été déposée auprès de la Haute Cour à ce sujet et la réponse du ministère de la Santé à ces questions sera donnée dans le cadre de la réponse à la requête déposée devant la Haute Cour ».
21 août 2007 - IRIN - Vous pouvez consulter cet article à :
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