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Punition collective et résistance populaire
mercredi 16 décembre 2015 - Elsa Grigaut
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La mère de Karam Al Masri et son petit frère Zaid au milieu de ce qu’il reste de l’appartement familial dans lequel la famille vivait depuis 22 ans

Le jeune homme de 23 ans est accusé par Israël d’avoir participé à l’attaque menée le 1er octobre qui a tué deux colons conduisant une voiture sur la route de Beit Furik (district de Naplouse).

Karam a été kidnappé par l’occupant le 4 octobre alors qu’il était en convalescence dans un hôpital de Naplouse.

Dix jours plus tard Israël appliquait la sanction collective : vers 1h du matin, environ six cents soldats encerclaient le quartier de la famille Al Masri. Cette dernière avait bien reçu un ordre de démolition 48 heures plus tôt mais n’avait pas d’autre endroit où aller.

« Nous n’avons pas eu le temps de mettre nos meubles et le reste de nos affaires à l’abri. Nous avions seulement préparé six valises. Ils ont donné des papiers à mon mari stipulant qu’il nous est interdit de reconstruire au même endroit », raconte la mère de Karam.

Cette nuit-là, elle et ses trois enfants ont rejoint les cent cinquante voisins, âgés de sept jours à quatre vingt dix ans, réunis de force par l’armée d’occupation dans une autre maison du voisinage.

Des centaines de soldats lourdement armés accompagnés de chiens ont donc séquestré tous ces gens jusqu’à 4h du matin.

Chacun a ensuite regagné son domicile et constaté les dégâts. Toutes les maisons voisines de la famille Al Masri ont été impactées par l’explosion. Au mieux, quelques vitres soufflées, des réservoirs d’eau détruits mais pour plusieurs autres familles les dommages sont si sérieux qu’ils ont dû quitter leurs habitations le temps de réhabiliter les logements.

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Karam Al Masri vivait au deuxième étage d’une maison de trois étages. La violente explosion a dévasté plusieurs autres habitations dont celle de la famille qui vivait au rez de chaussée

La stratégie des punitions collectives se poursuit.

D’une part, la famille Al-Masri est incertaine quant au sort réservé à Karam, actuellement enfermé à la prison de Magiddo (Nord des territoires de 1948) mais elle est également sous le coup d’une autre menace. Récemment, les membres de la Knesset ont approuvé un projet de loi visant à expulser les familles des résistants de la Cisjordanie dans la bande de Gaza.

« Nous sommes fatigués. Je suis déjà séparée de mon fils, nous n’avons plus de logement. Nous tenons le coup car ici à Naplouse, nous avons notre famille et nos amis. Dans la bande de Gaza, il n’y a rien », explique la mère de Karam.

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Les naplousis se mobilisent depuis dimanche afin de pouvoir offrir de nouveaux logements aux familles de résistants

Mais face à la violence de l’occupant il y a la résistance populaire et la solidarité.
A Naplouse, trois autres familles ont subi le même sort que celle de Karam : la famille de Zahi Al-Kusa, de Yahya Hajj-Hamad et de Ragheb Elawi.

Deux autres familles sont sous la même menace.

Une initiative prise par un groupe de jeunes naplousis est née il y a le 6 décembre dernier : récolter des fonds afin d’acheter de nouveaux logements pour les familles de résistants.

Au centre-ville de Naplouse, une urne a déjà recueilli 438 000 shekels (environ 103 500 euros). « D’autres personnes nous ont remis de l’or, des bijoux, du mobilier. Nous avons également eu la promesse 30 000 shekels de dons en matériels de reconstruction. Cette démarche émane du peuple, pour lui et part lui », explique l’un des initiateurs.

Propos recueillis par Elsa Grigaut/ Photos Hamza Arbassi.

* Elsa Grigaut, journaliste indépendante, a écrit plusieurs livres concernant la Palestine. « Femmes de Naplouse emprisonnées en Israël » (2011), « Vivre sous l’occupation » (2012), « Palestiniennes ! » (2013) et « Réfugiés » (2014).
Email : lille-naplouse@laposte.net

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Décembre 2015 - Transmis par l’auteure