Si le ministère de l’intérieur dirigé par le Hamas parvient à ses fins, il n’y aura bientôt plus de danse dans les rues de la bande de Gaza.
Le 16 novembre, le ministère a émis une réglementation interdisant les fêtes et autres évènements sur la voie publique à partir de janvier. Si l’interdiction est mise en œuvre, une tradition palestinienne disparaitra. Même si la décision a généré une controverse, cela va néanmoins être difficile de l’appliquer compte tenu tout particulièrement du petit nombre de lieux fermés tolérés.
La controverse fait rage sur les réseaux sociaux et autres forums, car l’interdiction ne concerne pas seulement les fêtes, mais également les réceptions de mariage et les rassemblements funéraires traditionnels dans les rues et les espaces publics, auxquels des centaines de personnes assistent. Les semaines à venir révèleront si les gazaouis sont disposés à accepter la décision, qui est similaire des interdictions antérieures dont une en avril dernier, ou si le ministère pourra la faire entrer en application.
Les fonctionnaires du ministère affirment qu’ils agissent en réponse aux fréquentes plaintes pour tapage. Les grands évènements publics troublent fréquemment les personnes de santé fragile ainsi que les étudiants qui ont besoin d’étudier, en plus des répercussions [sur la circulation] lorsque les rues principales doivent être fermées.
Ayman al-Batniji, un porte-parole de la police de Gaza, a expliqué au journal Al-Monitor que l’interdiction ne s’applique pas aux fêtes qui ont lieu dans des endroits fermés ou loin des routes principales, puisque celles-ci ne dérangent pas le voisinage. Cette proposition a pour but d’éviter l’empiètement sur le domaine public, dont les fermetures de rues des heures durant et les bruits de musique qui dérangent les riverains, tout particulièrement la nuit.
Batniji a dit que la police s’en prendrait aux contrevenants, et notamment à ceux qui mettent à la location du matériel de sonorisation.
Ibrahim Qurainawi, un équipementier en matériel de sonorisation du camp de réfugiés Bureij au centre de Gaza, a dit Al- Monitor que pour éviter que son matériel ne lui soit confisqué, il refusera de louer celui-ci pour tout évènement qui s’accompagnera de la fermeture d’une route principale. Qurainawi a espoir que les restrictions ne soient pas trop sévères. Il a signalé que chaque location de son matériel de sono pour trois ou quatre heures lui rapportait 250 shekels (65$), et que cela constituait sa seule source de revenus.
Ahmed Abdel Aal, un jeune activiste, a dit qu’il soutenait la décision du ministère car elle reflète les souhaits d’une grande partie de la population gazaouie selon lui. La fermeture des routes principales et des rues pour les fêtes n’est pas qu’inconfortable : cela bloque aussi le passage des ambulances et des pompiers, dit-il. Cependant, Aal pense également que le ministère devrait limiter l’interdiction aux routes principales, rendant ainsi les rues et les ruelles disponibles pour ces évènements.
La tradition à Gaza de se réunir à l’extérieur est d’autant plus nécessaire de nos jours compte tenu des difficultés économiques qui empêchent la population, en particulier les jeunes gens qui se marient, de louer des salles, expliqua Aal.
Abdul Rahman Mohammed du camp de réfugiés Nuseirat au centre de Gaza, prépare un mariage pour le début de l’année prochaine. Il dit Al-Monitor que la seule possibilité qui s’offre à lui est d’organiser la réception dans la rue proche de sa petite maison, parce qu’il est dans l’incapacité de louer une salle. Il a dit qu’il essaierait de limiter la durée de la fête à trois heures, afin de ne pas déranger les voisins ni les étudiants qui préparent leurs examens. De telles fêtes commencent habituellement à dix-neuf heures.
Mohammed a suggéré que le ministère de la jeunesse et des sports fasse construire de grandes salles à proximité ou au sein des banlieues, que l’on louerait à moindre coût. Louer une salle coûte généralement entre 700 et 1000$ pour une réception de mariage, ce qui est une grosse dépense que la plupart des jeunes couples ne peut pas se permettre.
Essam Badwan de Gaza a dit Al-Monitor qu’il s’était plaint à la police de nombreuses fois pour des fêtes de rue trop bruyantes. Le bruit dérange sa mère qui souffre de dépression, de migraines et d’hypertension artérielle. Elle finit souvent par crier à la longue à cause du volume assourdissant de la musique et des feux d’artifice. La résidence de Badwan est proche d’un grand espace que les riverains utilisent pour des évènements, à cause de la petitesse des rues avoisinantes.
« J’ai demandé à mes voisins plus d’une fois de jouer de leurs instruments et d’écouter de la musique doucement, et aussi, que la fête ne se termine pas trop tardivement, étant donné l’état de santé de ma mère. Cependant, mes voisins rétorquent souvent que leur fête n’aura lieu qu’une fois dans toute leur vie et qu’ils veulent en profiter au maximum », dit-il. « Les policiers ne font rien, et à chacune de mes plaintes ils me disent qu’aucune loi n’interdit les fêtes près des habitations. Ils disent que lorsqu’une telle interdiction sera en place, ils pourront agir. »
* Ahmad Abu Amer est un écrivain et journaliste palestinien, travaillant pour plusieurs médias, à la fois locaux et internationaux. Il est titulaire d’une maîtrise de l’Université islamique de Gaza. Il a co-écrit un livre sur le blocus de Gaza pour l’Agence turque Anadolu.
3 décembre 2015 - Al Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - Vénus