La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement a prédit que la bande de Gaza pourrait devenir « inhabitable d’ici à 2020. » Le rapport fonde ce pronostic sur la poursuite des tendances économiques actuelles dans la bande de Gaza au cours des cinq prochaines années.
Le rapport des Nations Unies a également déclaré : « Les implications sociales et sanitaires de la forte croissance démographique, la violence subie et la surpopulation sont parmi les facteurs qui peuvent rendre inhabitables de Gaza d’ici à 2020. »
Maysa al-Masri, une mère de cinq ans vivant dans la ville de Beit Hanoun dans le nord de la bande de Gaza, a déclaré à Al-Monitor : « J’ai peur quand j’entends parler ou que je lis ces rapports. Je pense toujours à émigrer, et je suis constamment à la recherche d’un endroit sûr pour ma famille et moi-même. »
Elle a ajouté : « J’ai peur parce que le taux de chômage peut augmenter et que la situation va empirer, en plus de ne pas avoir de perspectives d’une solution qui pourrait améliorer la situation. Mais je pense que beaucoup de gens vont réussir à faire face à la mauvaise situation, comme ils l’ont fait pendant de nombreuses années. »
Pendant ce temps, Ali Alyan, père de deux enfants, estime que Gaza est déjà aujourd’hui inhabitable et que l’année 2020 comme indiqué dans le rapport des Nations Unies est trop éloignée.
« Nous vivons dans un endroit inhabitable depuis de nombreuses années. Les choses n’ont fait que se compliquer davantage depuis la guerre de l’an dernier, et si vous regardez notre situation, vous trouverez que tout ce qui permet une vie normale est absent ici », a-t-il déclaré à Al-Monitor. « L’électricité est coupée, l’infrastructure est détruite, l’eau est impropre à la consommation, le transport est difficile et l’agriculture continue de se détériorer. Les maladies se répandent en raison de la mauvaise situation environnementale, alors que la pauvreté et le chômage continuent d’augmenter ».
La bande de Gaza, une zone côtière longeant la mer Méditerranée, est bordée par l’Egypte au sud-ouest. Environ 1,8 million de personnes vivent dans une zone de 362 kilomètres carrés (140 milles carrés) qui s’étend le long de 41 kilomètres (25 miles) de longueur et 6-12 kilomètres (4-7,5 miles) de largeur. C’est une des zones les plus densément peuplées au monde.
Zekra al-Ghoul est d’accord avec Alyan : Gaza est inhabitable, et « tôt ou tard, tout le monde va partir » si les autorités concernées - au niveau local et international - n’interviennent pas pour mettre un terme à la détérioration de la vie des Palestiniens.
« J’aime Gaza. J’y ai vécu la plupart de ma vie, mais maintenant je suis sérieuse en disant que je veux quitter cet endroit et partir à l’étranger. Je crains que la situation ne fasse qu’empirer et nous ne pouvons plus guère vivre ici aujourd’hui. Je ne sais pas comment la situation va être dans cinq ans », a-t-elle dit Al-Monitor.
La bande de Gaza a souffert du blocus israélien depuis la prise de pouvoir du Hamas en 2007. Gaza a subi trois agressions en six ans, dont la dernière a été la guerre de 50 jours en juillet-août ici 2014.
Le processus de reconstruction des maisons et des installations qui ont été détruites l’été dernier, reste très lent en raison du financement international limité de l’Agence des Nations Unies pour les secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) au Proche-Orient, et du gouvernement palestinien, en plus des restrictions israéliennes datant de plusieurs années sur l’entrée de matériaux de construction dans la bande de Gaza.
Certains Palestiniens qui ont rencontré Al-Monitor pensent que le Hamas partage la responsabilité de la détérioration économique et de l’absence de développement à Gaza, tandis que d’autres blâment Israël et l’Autorité palestinienne ainsi que la communauté internationale.
Selon Alyan : « Comme partie en charge de la bande de Gaza, le Hamas est responsable de la situation actuelle. » Lorsqu’on lui demande si Israël peut être tenu pour responsable parce qu’il a imposé le blocus, il répond : « Avant la prise de pouvoir par le Hamas et sous la domination israélienne, les choses n’étaient pas comme elles le sont aujourd’hui ».
Ghoul a considéré que la situation politique actuelle est trop complexe pour accuser un parti en particulier d’être responsable de la détérioration économique et politique. « Toutes les parties sont responsables : Israël pour son occupation et son blocus, l’Autorité palestinienne de ne pas correctement aider les habitants de Gaza, ainsi que le Hamas qui est responsable de Gaza, » dit-elle.
Le Hamas et le Fatah échangent des accusations à travers les médias, chacun tenant l’autre pour responsable du siège de la bande de Gaza, et la division politique actuelle - chaque partie accusant l’autre de perturber la réconciliation - entrave le développement de la bande de Gaza.
Hassan Ziadé, un spécialiste en psychologie sociale auprès du Programme de santé mentale communautaire de Gaza, estime que les rapports internationaux disant que la bande de Gaza sera inhabitable dans quelques années « rendent les habitants craintifs et anxieux et parfois désespérés de se sentir incapables d’imposer un changement. »
Il a déclaré à Al-Monitor : « Quand les médias diffusent des rapports aussi pessimistes, les Palestiniens se sentent encore plus impuissants et frustrés et ont peur de l’avenir. Ils pourraient même atteindre le stade du désespoir, qui à son tour a des répercussions négatives [] sur le développement humain et la capacité d’être productif dans l’avenir ».
Il a ajouté : « Il y a trois catégories de gens : certains veulent émigrer à la recherche d’un meilleur endroit pour vivre avec leur famille et leurs enfants, d’autres vivent dans la frustration et le désespoir et se soumettent à la réalité, tandis que d’autres encore tentent de surmonter la crise en faisant face à la réalité en dépit de tous ses inconvénients ».
Quel que soit le degré de précision des rapports internationaux qui prédisent un si sombre avenir pour la bande de Gaza dans les prochaines années - surtout si persistent la division politique, le blocus israélien et la diminution du financement international - les Gazaouis vivent une réalité compliquée qui n’a rien d’enviable, avec une souffrance dont ils ne voient pas la fin.
* Hazem Balousha est un journaliste palestinien basé dans la Bande de Gaza. Il a travaillé à la BBC World Service, à Deutsche Welle et a écrit pour The Guardian et Al-Raya (Qatar). Il est le fondateur de l’Institut Palestinien de la Communication et du Développement (Palestinian Institute for Communication and Development – PICD)}
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24 septembre 2015 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu