Il a expliqué à Al-Monitor que les matériaux sont coûteux et difficiles à obtenir. « La façon dont les matériaux de construction entrent dans Gaza est injuste. Par exemple, une unité de ciment vaut 27 shekels [6,70 dollars] pour ceux qui en ont le plus besoin, mais comment sont-ils censés payer un tel prix alors que leurs maisons ont été rasées ? En outre, le coût à l’unité dépasse 150 shekels [37,50 dollars] pour ceux qui n’ont pas été touchés par la guerre, ce qui augmente lourdement le prix des opérations de construction », explique-t-il.
Les Gazaouis qui ont vu leurs maisons détruites dans la guerre se plaignent du processus de reconstruction trop lent et du blocage à l’entrée [du territoire assiégé] des matériaux de construction.
Les besoins urgents des habitants de Gaza ont incité ceux qui savent innover à développer des solutions avec les moyens disponibles. Trois guerres israéliennes successives au cours des six dernières années ont dévasté la bande de Gaza, et plus récemment, la guerre en juillet et août derniers a détruit ou endommagé plus de 84 000 maisons.
L’ingénieur Imad al-Khalidi a peut-être trouvé une solution d’attente pour aider à compenser le manque de matériaux de construction, lesquels sont bloqués par Israël à l’entrée de la bande de Gaza. En 2008, il a commencé à conduire des expériences avec des matériaux naturels pouvant être utilisés dans la construction en remplacement du ciment, et il a réussi à mettre au point de nouvelles techniques.
Khalidi, un expert du sol dans l’architecture organique, a déclaré que la recherche d’alternatives est basée sur des matériaux disponibles dans Gaza même. « Nous voulions utiliser des matériaux locaux comme une alternative, pour nous tirer d’affaire et pour fournir aux personnes déplacées des abris, alors que près de 5000 unités de logement avaient été détruites dans la guerre de l’hiver 2008-2009. Nous avons examiné différents types de sol dans la bande de Gaza, et nous avons trouvé un type approprié riche en matériaux de liants naturels, tels que du carbonate de potassium, du magnésium, des oxydes métalliques, du calcaire et du sable », explique-t-il.
Il souligne aussi avoir découvert que les matériaux naturels agissaient comme le ciment dans ses différentes étapes, mais en étant plus solide et en pouvant durer des centaines d’années.
Khalidi a expliqué le processus : « Nous composons un mélange homogène en appliquant un traitement par pression des produits issus du sol, tout en ajoutant le liant fait de matériaux naturels tels que le carbonate de potassium, la poudre de sol calcaire et une petite quantité de gypse, pour former un produit donnant de la cohésion dans le processus de construction de la brique. Pourtant, la cohésion se renforce surtoutt après que la brique ait été utilisée et celle-ci continue à se renforcer pendant des centaines d’années, en durcissant des dizaines de fois plus que dans sa forme initiale. Cela signifie que la brique durcit de plus en plus avec le temps, et acquiert alors ses propres caractéristiques ».
Khalidi a créé en 2009 sa propre entreprise pour produire des briques de différentes tailles. Au début, il a conçu des machines à commande manuelle, puis il créé des machines hydrauliques. « Nous avons évolué, et nous sommes en train de compter uniquement sur les systèmes automatisés de pression. Comme certains bailleurs de fonds ont exigé des services pour accueillir les personnes touchées par les guerres, le travail a augmenté dans notre usine avec une capacité de production atteignant jusqu’à 50 000 briques par jour », dit-il.
Khalidi ajoute qu’après avoir développé son nouveau produit, il a commencé à travailler dans de petits ateliers car il y avait un manque de fuel et d’électricité. Mais aujourd’hui, il possède une autre usine : « Nous avons développé une technique pour être capables de produire des briques sans la nécessité d’énergie, en utilisant les mêmes matériaux et en introduisant des améliorations afin que nous puissions surmonter la crise de fourniture d’électricité ».
Bien que le matériau à partir duquel est produit la brique soit solide, Khalidi considère qu’il ne représente pas un substitut aux matériaux habituels. Le blocus a empêché la reconstruction des maisons détruites, sans parler de l’augmentation naturelle de la population dans la bande de Gaza qui, selon Khalidi, nécessiterait 80 000 unités de logement supplémentaires au cours des cinq prochaines années.
« La dévastation importante subie par Gaza s’accompagne d’un nouveau et grand défi, à savoir la fourniture d’abris. Mais il faudrait au moins 3000 camions chargés de matériaux de construction dans la bande de Gaza chaque jour, s’il y avait une volonté sérieuse de reconstruire. Pour cette raison, nous utilisons actuellement cette nouvelle technique uniquement pour aider à fournir des abris » , déclare Khalidi.
Khalidi a maintenu le même prix que pour le ciment pour les habitants voulant reconstruire leur maison, tandis que son prix a augmenté pour les projets à vocation commerciale. « Le prix du mètre carré varie entre 350 et 400 dollars pour les projets de construction privée clef-en main, et entre 150 et 160 dollars le mètre carré pour les projets de relogement. Quant aux habitants dont les maisons n’ont pas subi de dommages [] et souhaitent construire leur propre maison, il leur en coûtera 220 dollars [du mètre carré], ce qui est le même prix que le ciment. »
Safwat Mushtaha, président de la compagnie Mushtaha et Hassouna, une entreprise de construction dans Gaza, estime que cette nouvelle technologie peut aider à palier la pénurie de matériaux de construction classiques suite au blocus israélien.
Toujours selon Mushtaha, en utilisant le nouveau produit, « les propriétaires de maisons détruites pourront économiser 25% du coût normal d’un projet de reconstruction avec les matériaux habituels. »
Alors que les solutions préconisées par Khalidi sont encore un autre exemple de la façon dont les Gazaouis explorent des solutions innovantes pour faire face au blocus israélo-égyptien, elles ne font cependant pas disparaître la nécessité de mettre fin au siège.
* Mohammed Othman est un journaliste de la bande de Gaza. Il est diplômé de la Faculté des médias au département de la Radio et de la Télévision à l’Université Al-Aqsa, à Gaza en 2009.
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4 décembre 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib