Le Caire - J’avais planifié de voyager avec mon fils pour deux semaines et j’ai obtenu une autorisation d’absence de son école. J’ai pensé que ce voyage nous ferait oublier la cruauté de la dernière guerre contre Gaza mais je réalise maintenant que nous sommes confrontés à une situation plus cruelle .
Depuis le 5 novembre nous sommes coincés dans une chambre d’hôtel au Caire. Nous avions eu du mal à embarquer à Paris car l’Égypte a donné l’ordre aux compagnies aériennes internationales de refuser l’embarquement aux Gazaouis sur les vols à destination du Caire.
Arrivés à Istanbul, notre escale avant le Caire, on nous a maltraités, et nous nous sommes sentis comme des enfants punis. Une hôtesse nous a demandé de nous mettre sur le côté pour laisser embarquer les autres voyageurs. Ces derniers nous lançaient des regards curieux.
Maintenant que nous sommes au Caire, nous essayons d’économiser la tristesse et l’argent.
Gaza nous manque. Ma fille Zina âgée de deux ans et demi me manque. Je suis comme le poisson du pêcheur Santiago dans le roman « le Vieil homme et la Mer » dont il ne restait plus que la tête et l’arête. Ce qui me console un peu c’est que je ne suis pas seule à souffrir, des centaines de personnes souffrent comme moi.
Abou Abdullah Tafech (48 ans) se tenant devant les grilles de l’ambassade palestinienne au Caire, cria à des centaines de palestiniens coincés comme lui : « Ne partez pas, attendons que l’ambassade nous donne une réponse claire sur la situation au point de passage ».
Il se confia à Al-Monitor : « Je veux rentrer à Gaza, ma famille et mes élèves m’attendent, je suis professeur d’éducation physique. Je suis coincé au Caire depuis près d’un mois. Je loge chez des parents mais je sens qu’ils se sont lassés de mon séjour prolongé »
Les autorités égyptiennes avaient fermé le point de passage de Rafah entre l’Égypte et la bande de Gaza, pour des raisons de sécurité le 24 octobre après la mort de 33 soldats dans deux attaques séparées dans le nord du Sinaï.
Abou Abdoullah, désespéré, m’a dit : « l’ambassade n’a de solution pour aucune des crises qui se produisent ».
Abou Abdoullah frappa une fois de plus à la porte de l’ambassade alors qu’uen autre personne, du nom d’Abou Ziad et âgé de 29 ans, lassé de frapper à la porte de l’ambassade, finit par s’assoir par terre à côté de sa valise.
Il s’est confié à Al-Monitor : « nous sommes venus en Égypte vers le milieu du mois d’octobre pour soigner mon père qui souffrait d’une infection du sang. Une fois le traitement terminé, le point de passage de Rafah était fermé. Depuis, nous allons de maison en maison chez nos amis et nos proches. Aujourd’hui, nous sentons que nous sommes devenus une charge pour eux ».
Abou Ziad a fait remarquer qu’il n’avait pas d’argent pour louer un appartement ou pour payer une chambre d’hôtel qui coûte 20 dollars minimum par jour, ce qui l’a poussé à prendre sa valise et à s’asseoir devant le bâtiment de l’ambassade avec son père. « Je ne veux ni argent ni aide, tout ce que je veux c’est rentrer chez moi à Gaza et revoir mes enfants, » dit-il.
Dans une entrevue avec Jamal Al-Choubaki, l’ambassadeur palestinien en Égypte, dans son bureau à l’ambassade le dimanche 16 novembre, celui-ci a déclaré à Al-Monitor : « les Gazaouis sont victimes des attaques terroristes perpétrés dans le Sinaï, au même titre que les soldats égyptiens qui ont été tués ».
Il a ajouté que la fermeture du point de passage de Rafah faisait partie des opérations
militaires menées au Sinaï, dans ce qui semble être la guerre contre le terrorisme.
Mr Choubaki a affirmé être en contact permanent avec le ministre égyptien des affaires étrangères. Ce dernier leur avait demandé jeudi dernier (13 novembre) les listes de tous les Palestiniens bloqués en Égypte, en préparation de la réouverture prochaine du point de passage.
Mr Choubaki a ajouté : « Jusqu’à présent, il y a plus de 3500 palestiniens bloquées du côté égyptien de la frontière, parmi eux des malades, des blessés de guerre et des immigrants illégaux détenus par les autorités égyptiennes ». Il a souligné que 800 des 3 500 personnes concernées sont restées bloquées dans d’autres pays où on leur a interdit de prendre l’avion à destination du Caire.
Il a fait observer aussi que dès que le ministère égyptien des affaires étrangèrse fixera la date de réouverture du point de passage, toutes les compagnies aériennes seront tenues informées.
Mr Al-Choubaki a expliqué à Al-Monitor que depuis la dernière guerre contre Gaza, le poste-frontière de Rafah était resté ouvert mais qu’après les attaques contre les soldats égyptiens au Sinaï, l’on craignait pour la sécurité des voyageurs, qu’ils soient palestiniens ou égyptiens.
Il a répété : « les Palestiniens sont victimes du terrorisme qui émane de la région, mais je ne dis pas là que le terrorisme vient de Gaza ».
Interrogé sur le mécanisme de sortie des voyageurs, Mr Al-Choubaki a répondu : « la procédure de sortie se fera sous contrôle strict, en plein jour et selon les arrangements des responsables de la sécurité égyptienne ». Il a insisté que ces derniers ne voulaient pas mettre la vie des citoyens en danger lors du passage.
Il a confirmé que dès la reprise de la direction des points de passage par l’Autorité Palestinienne (AP) et la présence de troupes à la frontière, le point de passage de Rafah restera ouvert en permanence.
Il ajouta : « le Hamas, gouvernement de fait accompli à Gaza connaît les conditions des Égyptiens pour la réouverture du point de passage. Il les entend tous les jours mais il reste sourd à leur demandes »
J’ai conduit des interviews sur Facebook avec des Palestiniens restés bloqués à l’étranger dont Mazen Salem, un commerçant. Il m’a dit : « je suis bloqué en Chine depuis plus de 20 jours.
Quand j’ai décidé de retourner en Égypte, les compagnies aériennes égyptiennes m’ont empêché d’embarquer sur leurs vols, ce qui m’a obligé à reporter mon voyage. Même si j’ai un visa pour la Turquie, on m’empêche de faire escale au Caire ».
Hanine Othman vit la même situation. Elle est journaliste au Centre de Doha pour la Liberté des Médias.
Elle était enceinte de 5 mois lorsqu’elle quitta Gaza pour Doha pour suivre une formation. Aujourd’hui, elle se trouve bloquée là-bas et va bientôt être à six mois de grossesse. Elle ne sera bientôt plus autorisée à monter au bord d’un avion.
Mme Othman dit : « c’est la première fois que je suis enceinte, c’est mon premier enfant. J’ai très peur. J’ai besoin de la présence de mon mari et de ma famille »
Une source de l’Autorité Palestinienne a dit sous le couvert de l’anonymat, être choqué du nombre de Gazaouis restés bloqués en Égypte et dans d’autres pays. Il a assuré que l’Autorité Palestinienne a accordé par son ambassade au Caire des aides financières à un grand nombre de Gazaouis bloqués à l’extérieur de Gaza, surtout les malades venus en Égypte pour se faire soigner.
La même source a affirmé que les autorités égyptiennes avaient envisagé la réouverture du passage un jour par semaine mais le directeur des postes frontaliers, Maher Abou Sabha nommé par le Hamas aurait rejeté cette proposition dans un communiqué aux médias, ce qui a amené les autorités égyptiennes à abandonner l’idée.
Ceci fut l’un des rares moments où je me suis senti vraiment déprimée. Je commence à croire que la souffrance fait tout simplement partie de notre destin, à nous les Gazaouis.
Quel citoyen au monde est interdit de rentrer dans sa ville à part les Gazaouis ? Quel citoyen au monde est traité avec suspicion sur la base de son passeport, à part les Gazaouis ? Quelle ville au monde a ses frontières au nord et au sud occupées par deux armées différentes avec la guerre contre le terrorisme pour excuse ? Seulement Gaza.
* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
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19 novembre 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - FJ