A Ramallah, l’Autorité Nationale Palestinienne (ANP) est confrontée à un nouveau défi qui serait d’utiliser l’arrêt du Haut-Commissariat Aux Droits de l’Homme afin de lancer une enquête sur la guerre israélienne à Gaza.
Bien que l’on s’attende à ce que les résultats du rapport mettent amplement en évidence les atrocités israéliennes, comparables à des crimes de guerre, comme ce fut le cas du rapport Goldstone lors de la guerre de 2009, il est peu probable que cela conduise à de quelconques sanctions contre l’occupation et ses dirigeants.
Dans ce contexte, Abdullah Abu Eid, expert en droit humanitaire international explique que les comptes rendus du Conseil des Droits de l’Homme engagent [les dirigeants israéliens] en théorie seulement. « Il manque au Conseil les outils nécessaires à l’application de ses décisions sur le terrain comme par exemple imposer des sanctions économiques, politique et militaires, » dit-il à Al-Akhbar.
Néanmoins deux options sont envisageables pour se servir du compte-rendu. Soit le Conseil présente les résultats aux Conseil de Sécurité de l’ONU, soit les Palestiniens font appel à la Cour Pénale Internationale (CPI). Il semblerait que l’ANP ait fait les premiers pas vers la seconde option. Le 30 Juillet, elle a annoncé la ratification des Accords de Rome et est elle maintenant capable de déposer une plainte contre Israël devant la Cour Pénale Internationale.
Abu Eid maintient que la première option serait inutile : « C’est simple. Le Conseil de Sécurité a toujours était tendancieux avec Israël. Il fonctionne selon l’équilibre des pouvoirs mondiaux. Les cinq grandes puissances pourraient opposer leur veto à n’importe quelle décision, ce que font couramment les États-Unis au profit de Tel Aviv. »
« Au cours des années de lutte contre les Palestiniens, Israël a consolidé sa position et construit un réseau d’intérêts afin de s’assurer le soutien des principales puissances contrôlant les organismes internationaux. Ils ont aussi montré leur capacité à exploiter les points faibles afin d’affaiblir les décisions prises par ces organismes » ajoute-t-il.
La seconde option, celle de la CPI, permet de contourner le laborieux scénario précédent. Cela exigeait la ratification du Statut de la Cour, aussi appelé Traité de Rome, que menaçait continuellement de signer Mahmoud Abbas, le Président Palestinien, en raison d’un manque de moyens politiques et diplomatiques nécessaires à une résolution.
Cependant, jusqu’à présent, aucune information officielle n’a été annoncée afin de savoir si la procédure de ratification est achevée.
Toutes les conditions nécessaires à la condamnation des crimes de guerre d’Israël sont réunies. Cela pourrait entraîner la mise en place de sanctions et même d’interventions militaires à l’instar de ce qui s’est passé au Soudan, en Irak, au Kosovo,…etc. Mais ça ne sera pas si facile. « L’appartenance à la CPI est à double tranchant » prévient Abu Eid. « Cela habiliterait Israël, même si le pays ne fait pas partie de la Cour, à déposer des plaintes contre les responsables du Hamas, du Jihad Islamique et quiconque tiendrait des discours interprétés comme une incitation au meurtre ».
Selon l’expert juridique, adhérer au traité exige « une décision nationale fondée sur l’analyse de chaque option et acceptant d’en subir les conséquences ».
D’un autre côté, Shaaba Jabarin, le directeur de l’association des droits de l’Homme Al-Haq, pense que « le cas d’Israël contre la Résistance ne devrait pas être une excuse pour le retard. Il y a des fondements juridiques pour défendre la Résistance dont les réactions aux action de l’occupation font partie ».
Un autre problème soulevé par Jabarin est le manque de victimes civiles du côté israélien. Une comparaison du nombre de blessés entre les civils israéliens et palestiniens montrerait un écart significatif. Jabarin maintient que c’est parce que la Résistance a évité de cibler les civils.
« Ce n’est désormais plus possible d’accuser la Résistance de lancer des roquettes au hasard. Cela serait possible de dire que les bombardements ciblaient le ministère de la défense et les camps militaires à Tel Aviv, non les civils, » explique-t-il.
Jabarin ne voit aucune raison pour que les responsables palestiniens retardent la décision de rejoindre la CPI. « Ils auraient pu se plaindre d’Israël sur des crimes autres que les meurtres, tels les colonies, qui sont un crime évident montrant que les Palestiniens ne peuvent en aucun lieu être accusés ».
Par le passé, des organisations des droits de l’Homme sur le terrain ont essayé d’entamer des poursuites contre les criminels de guerre israéliens dans des arènes autre que la CPI. Plusieurs organisations palestiniennes ont déposé plainte [contre les responsables israéliens] dans des pays signataires du Traité. Cependant, aucun suspect n’a été arrêté.
Lors de récentes poursuites déposées par al-Haq contre Ehud Barak, le ministre de la défense israélien durant la guerre de 2012 [alors en visite à Londres], le ministre des affaires étrangères britanniques a contourné ses lois locales afin d’éviter une crise politique avec Israël. Il le considéra comme un invité officiel, lui accordant l’impunité, bien que la visite fut d’ordre privé dans le but de lever des fonds pour Israël par le biais d’associations juives au Royaume Unis, ont rapporté des sources médiatiques.
Le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme a été confronté à la même situation. Après avoir déposé une plainte contre Doron Almog, commandant de la région Sud et responsable de la destruction de 59 maisons à Rafah sans aucune raison de sécurité. Il était censé être arrêté dès son arrivée à l’aéroport d’Heathrow. Cependant l’ordre fut divulgué et il reprit le même avion, échappant ainsi à la justice.
Jabarid assure que les organisations palestiniennes continueront à se battre contre les crimes de guerre israéliens, « même si certains pays continue de les protéger. C’est assez pour que ces criminels se sentent responsables et coupables ».
Néanmoins, il ne semble pas que les hommes politiques palestiniens accordent au Conseil des Droits de L’Homme la réflexion méritée suite à la décision d’ouvrir une enquête sur la guerre à Gaza, alors que l’investigation est seulement la première étape d’une route longue et semée d’embûches. Riad al-Maliki, le Ministre Palestinien des Affaires Etrangères présente la décision comme un « exploit politique » pour Abbas, qui l’a dédié à « notre peuple palestinien et à sa fermeté à Gaza ».
Si c’est le cas, le scénario attendu est que l’enquête enverra ses conclusions au Conseil de Sécurité où elles se verront bloquées par le fer du véto américain. Le seul avantage serait d’exposer les crimes israéliens sur un champ médiatique et militaire limité, dont l’impact diminuera avec le temps ou jusqu’à la prochaine guerre.
1er août 2014 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - Julie C.