GAZA Ville – Derrière les grands titres dominés par les bombardements et les massacres une histoire plus subtile mais extrêmement dangereuse se déroule. Après des semaines d’intenses bombardements, la Palestine Cellular Communications Company (Jawwal) a commencé à avertir ses clients que ses services à Gaza devront être coupés dans les jours prochains.
La compagnie, un réseau de téléphonie cellulaire qui opère dans toute la Palestine, sait que la rupture des télécommunications est une très mauvaise nouvelle pour la population civile. C’est par ce réseau que les gens reçoivent parfois des alertes sur les frappes possibles d’Israël et le réseau est souvent une ligne cruciale de communication entre familles, dont beaucoup ont été dispersées ou déplacées dans toute la bande de Gaza.
La suspension du réseau serait aussi une mauvaise nouvelle pour les centaines de journalistes palestiniens qui comptent sur leurs téléphones mobiles pour communiquer avec leur rédacteur à l’étranger, et se servent de leur téléphone pour faire passer des informations vitales au monde extérieur.
Le reporter TV Abdelnasser Abueloun dit que l’inquiétude va croissant concernant la coupure prochaine des lignes de communication et que d’autres restrictions pourraient avoir des conséquences terribles pour 1.800.000 personnes à Gaza.
« Cela aggravera la crise humanitaire, quand les gens ne pourront plus communiquer avec les équipes de secours » dit Abueloun.
Mais en dépit du réel problème que posera une bande de Gaza déjà piégée - près de dix-sept jours entiers de bombardements et presque une semaine d’attaques terrestres par l’armée israélienne - jusqu’à présent la communauté internationale ne s’est pas manifestée concernant cette possibilité de blackout.
« Depuis 17 jours, 25 % de nos opérations ont été annulées. Une grand part de notre capacité a été endommagée à cause des maisons bombardées et démolies, avec les antennes sur les toits » dit Younies Abou Samra, directeur général de Jawwal à Gaza.
Ces importants dommages de l’infrastructure et la poursuite probable des attaques n’ont laissé à la compagnie d’autre choix que de diffuser un avertissement à ses clients lundi dernier.
D’après Jawwal, il y a au total 328 stations opérationnelles dans la bande de Gaza, dont 120 ont dû stopper par manque de carburant, tandis que 12 autres étaient endommagées par les bombes israéliennes. Le reste est alimenté par l’une ou l’autre batterie, mais avec les coupures nombreuses touchant Gaza, seuls 10 % - soit quelque 30 stations – sont encore pleinement opérationnelles.
« Nous n’avons ni l’électricité ni le carburant pour fonctionner à pleine capacité » dit Abou Samra.
Les dégâts causés au réseau Jawwal sont estimés à ce jour à environ 4 millions de dollars mais ce chiffre devrait augmenter, et il ne prend en compte que l’équipement endommagé, l’ensemble des dommages étant sans doute plus élevé. L’équipement, du moins en principe, peut être réparé, mais Jawwal a perdu bien davantage.
La compagnie transmet son signal en payant les gens pour placer des antennes sur les toits de leur maison. Les importantes destructions dans Gaza et donc l’absence de structures sur lesquelles installer leur équipement fait de la reconstruction un vrai défi.
Deux personnes accueillant des antennes sur leur toit ont été tuées récemment alors qu’un technicien de Jawwal tentait de fixer l’antenne. Le technicien lui-même a dû être amputé d’une jambe mais il a survécu à la frappe israélienne.
Jawwal fait son possible pour ses clients et elle a récemment offert une recharge de 10 ILS (2,2€) à ses clients gazaouis, un geste de bonne volonté, bien que ce geste ne doive pas se confondre avec de l’optimisme.
« Le service va se détériorer mais il ne disparaîtra pas complètement, sauf si d’autres réseaux sont bombardés et détruits » dit Abou Samra.
Rompre le silence
L’équipe de Jawwal est très réticente à commenter les questions politiques sensibles, et préfère s’en tenir aux questions techniques afin de ne pas créer de malentendus avec Israël pour ne pas compromettre son travail. Néanmoins même ces quelques bribes d’information brossent un tableau dérangeant.
Selon Abou Samra, les équipes techniques ne peuvent tout simplement pas suivre et ne peuvent s’approcher des lieux où réparer les dégâts causés par les frappes israéliennes. Le reste de l’infrastructure étant toujours menacé d’attaques. Jawwal dit qu’il n’avait d’autre option que de diffuser son avertissement dans tout Gaza.
Les sociétés d’internet à Gaza se sont également plaint de la lenteur des services ces dernières semaines, certains experts l’attribuant aux dégâts chez les fournisseurs de réseau qui offrent aussi l’internet et aux fréquentes coupures de courant aggravent le problème.
Abou Raed, 51 ans, résident du quartier al-Zaytoun, dit qu’il tente désespérément de contacter sa sœur qui habite près de la frontière israélienne, mais sans succès. « Sans téléphone mobile, je ne peux pas contacter ma famille » dit-il. Son quartier a été l’un des plus frappés, et il est probable qu’al-Zaytoun connaîtra encore d’autres frappes israéliennes si la crise ne se résout pas.
« Plus nous attendons, plus la catastrophe prend de l’ampleur » dit Abou Samra de Jawwal. « La solution se trouve entre les mains d’autres états qui doivent agir pour stopper l’agression et assurer que le réseau n’est pas affecté ».
Pendant la guerre de 2008-2009 contre Gaza, les dommages de Jawwal évalués en dinars jordaniens s’élevaient à 5 millions de dinars (5 millions 200 mille €). Ce montant comprenait grosso modo 705.400€ de dégâts au réseau, 63.000 à l’infrastructure et un peu moins de 4.450.000€ d’autres dommages.
Mais le coût n’est pas juste financier. Abuelon de la télévision gazaouie dit que toutes restrictions sur le réseau et sur internet auront un impact important sur la collecte des informations. Non seulement cela empêchera les producteurs des médias et les journalistes comptant sur leurs téléphones mobiles de prendre contact avec leurs sources dans la bande, mais les journalistes locaux pourraient bien se voir évincés de plus en plus par des reporters internationaux qui peuvent avoir accès aux réseaux satellitaires israéliens quand les temps se font vraiment durs.
Avec les sources locales d’actualités dans l’incapacité de concurrencer les dernières nouvelles, une source vitale de revenus locaux sera perdue, mais par ailleurs, et c’est tout aussi important, un tableau de plus en plus incomplet de la situation sur le terrain va sans doute émerger ce qui pourrait bien nuire à une réponse diplomatique ou limiter des choses comme l’assistance.
« C’est de cela que nous ne voulons pas, tout particulièrement en temps de guerre » dit Abuelon. « Les communications devraient rester hors conflit et disputes ».
Les démarches internationales pour négocier un cessez-le-feu s’accélèrent et on espère que les tirs des deux côtés vont s’arrêter à temps pour l’Aïd – la période de fin du ramadan – quand les familles et les amis ont l’habitude de se réunir ou au moins de téléphoner ou de s’envoyer des courriels pour marquer le jour de fête.
Mais avec le nombre de tués qui a dépassé les 700 et risque encore de s’élever, même un cessez-le-feu rapide pourrait ne pas permettre le rétablissement des lignes de communication.
* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.
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23 juillet 2014 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/news/g...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM