Dans une période caractérisée par une forte agitation palestinienne en raison d’une grève de la faim des prisonniers et par les initiatives législatives israéliennes pour autoriser le gavage [alimentation forcée] des grévistes, l’armée israélienne a lancé sa plus grande offensive en Cisjordanie depuis la fin du soulèvement palestinien de 2000 à 2005, ou seconde Intifada.
Le gouvernement israélien a instantanément accusé le Hamas de l’enlèvement présumé, bien qu’au bout de deux semaines il n’ait n’ait pas fourni la moindre preuve pour valider ses assertions. Il s’agissait clairement d’une affirmation d’ordre politique faites bien avant que les forces de sécurité israéliennes soient en mesure de se pencher sérieusement sur la question.
De même, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a jugé le président palestinien Mahmoud Abbas directement responsable du sort des jeunes israéliens disparus, même si leur dernière position connue était dans une zone de Cisjordanie occupée sous contrôle exclusif de l’armée israélienne. Il n’y a de plus aucune preuve que les jeunes aient ensuite été déplacés vers une zone sous contrôle de l’Autorité palestinienne - zones où les forces israéliennes en tout cas ont toujours agi sans aucune restriction, et ce depuis plus d’une décennie.
Ce qui est clair, c’est que la recherche des jeunes colons disparus est au mieux un objectif secondaire dans ce qui est avant tout une offensive répressive organisée dans toute la Cisjordanie. Personne n’imagine sérieusement que les jeunes disparus aient pu être transportés de Hébron à Jénine ou vers Salfit dans l’extrême nord de la Cisjordanie. Les objectifs clés de la campagne de l’occupant - les dirigeants israéliens n’ont guère été discrets à ce propos - sont de porter un coup important au Hamas en Cisjordanie, et surtout de miner le récent accord de réconciliation palestinienne jusqu’à un point où il commence à se désagréger. L’occupant israélien espère en outre affaiblir Mahmoud Abbas, afin de le rendre encore plus flexible au cas où les négociations bilatérales reprendraient ou au cas où Israël mettrait en œuvre des mesures unilatérales en Cisjordanie.
Et la perspective d’une nouvelle agression israélienne sur la bande de Gaza ne devrait pas être écartée.
Beaucoup ont spéculé sur l’idée qu’Israël cherche également à provoquer des troubles en Palestine occupée à un moment où les Palestiniens restent fragmentés, ne sont pas suffisamment organisés et peuvent être ainsi plus facilement vaincus. La campagne israélienne peut également provoquer de régulières protestations contre l’Autorité palestinienne (AP), de plus en plus de personnes voyant avec une colère croissante sa coordination sécuritaire inconditionnelle avec Israël - une relation qu’Abbas a récemment qualifiée de « sacrée ».
Ces évolutions sont évidemment à prendre en compte. Israël est confronté à un isolement diplomatique croissant. Aujourd’hui même ses plus proches alliés l’avertissent sur les conséquences de ses violations flagrantes des droits des Palestiniens et du droit international, et ils ont tous au moins implicitement reconnu le nouveau gouvernement palestinien sans envisager le type de sanctions qui avaient accompagné les accords de réconciliation précédents. Du point de vue d’Israël, en changeant la narration en passant du colonialisme au terrorisme - même si ses soldats ont assassiné cinq Palestiniens, dont un garçon de 14 ans - a des avantages évidents.
Pour le peuple palestinien dans son ensemble, la répression militaire d’Israël représente l’un des défis les plus graves depuis le schisme Hamas-Fatah de 2007. Les Palestiniens dans et hors les territoires occupés seront mis au défi de trouver des moyens de répliquer en renforçant leur position plutôt qu’en la compliquant davantage. Tout d’abord, ils ont besoin de reconstruire de façon efficace leurs institutions nationales afin que celles-ci se développent en un mouvement de libération nationale, représentatif et dynamique, capable de formuler et mettre en œuvre une stratégie cohérente et effective, à la fois sur le terrain et dans le reste du monde.
Deuxièmement, les Palestiniens doivent poursuivre une stratégie sérieuse d’internationalisation [du conflit] basée sur la réalisation de leurs droits inaliénables, d’abord et avant tout le droit à l’autodétermination sur la base du consensus international en vigueur et du droit international. C’est une approche incompatible avec le processus d’Oslo et qui nécessite de s’en désengager de façon irrévocable.
Les défis sont énormes, mais pas insurmontables. Correctement mis en œuvre, une stratégie palestinienne dynamique peut transformer la poursuite des exactions d’Israël contre le peuple palestinien en une arme efficace contre ses dirigeants extrémistes, privant ces derniers des avantages structurels qu’ils cherchent à tirer de leur projet colonial et de leurs agressions dévastatrices comme celle à laquelle nous assistons depuis deux semaines. Comme toujours, le principal objectif devrait être de stopper et d’inverser l’impunité d’Israël dans ses rapports avec le peuple palestinien, et d’obliger l’occupant une fois pour toutes à rendre des comptes.
* Mouin Rabbani est un écrivain, journaliste et chercheur indépendant spécialisé dans les affaires palestiniennes et le conflit arabo-israélien basé à Amman en Jordanie. Il est un membre éminent de l’Institute for Palestine Studies et chroniqueur au Middle East Report. Ses articles ont également paru dans The National et dans le New York Times.
Du même auteur :
Noam Chomsky : réflexions sur une vie d’engagement avec le sionisme, la question palestinienne et l’empire américain - 7 août 2012
26 juin 2014 - Al-Shabaka - Vous pouvez consulter cet article à :
http://al-shabaka.org/israels-west-...
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib