7 décembre 2013
Durant les longues années de mon propre combat, j’ai eu l’occasion de penser maintes fois à vous, cher Nelson Mandela. Et encore plus depuis mon arrestation en 2002. Je pensais à un homme qui a passé 27 années dans une cellule de prison, simplement pour démontrer que la liberté était en lui, avant qu’elle ne devienne une réalité dont son peuple profite. Je pensais à sa capacité à défier l’oppression et l’apartheid, mais aussi la haine, et qu’il a choisi la justice plutôt que la vengeance.
Combien de fois avez-vous douté du résultat de ce combat ? Combien de fois vous êtes-vous demandé si la justice l’emportera ? Combien de fois vous êtes-vous demandé pourquoi le monde restait si silencieux ? Combien de fois vous êtes-vous demandé si votre ennemi pourrait devenir votre partenaire ? A la fin, votre volonté s’est révélée inflexible et elle a fait de votre nom l’un des noms les plus radieux de la liberté.
Vous êtes bien plus qu’une inspiration. Certainement que vous avez su, le jour où vous êtes sorti de prison, que vous n’étiez pas seulement en train d’écrire l’histoire mais de contribuer au triomphe de la lumière sur les ténèbres, et pourtant, vous êtes resté humble. Et vous avez porté une promesse loin au-delà des limites des frontières de votre pays, la promesse que l’oppression et l’injustice allaient être vaincues, ouvrant la voie à la liberté et à la paix. Dans la cellule de ma prison, je me souviens chaque jour de cette quête, et tous les sacrifices deviennent supportables avec cette seule perspective qu’un jour, le peuple palestinien pourra lui aussi profiter de la liberté, du retour et de l’indépendance, et que cette terre jouira enfin de la paix.
Vous êtes devenu une icône pour permettre à votre cause de briller et de s’imposer sur la scène internationale. L’universalité contre l’isolement. Vous êtes devenu un symbole autour duquel tous ceux qui croient dans les valeurs universelles sur lesquelles s’est fondé votre combat peuvent se rallier, se mobiliser et agir. L’union est la loi de la victoire pour le peuple opprimé. La cellule minuscule et les heures de travail forcé, la solitude et les ténèbres, ne vous ont pas empêché de voir l’horizon et de partager votre vision. Votre pays est devenu un phare et nous, Palestiniens, nous avons pris la mer pour atteindre ses rives.
Vous avez dit, « Nous savons trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens ». Et de l’intérieur de ma cellule, je vous dis que notre liberté semble possible, parce que vous êtes arrivé à la vôtre. L’apartheid n’a pas prédominé en Afrique du Sud, et l’apartheid ne prédominera pas en Palestine. Nous avons eu le grand privilège d’accueillir en Palestine, il y a quelques mois, votre camarade et compagnon de combat, Ahmed Kathrada, qui a lancé, suite à cette visite, la « Campagne international pour la liberté des prisonniers palestiniens », depuis votre propre cellule où une partie importante de l’histoire universelle a été façonnée, démontrant ainsi que les liens entre nos combats sont éternels.
Vos capacités à être une personnalité de rassemblement, et à diriger depuis la cellule de votre prison, et à vous voir confier l’avenir de votre peuple tout en étant privé de la possibilité de choisir le vôtre, sont les traits d’un grand et exceptionnel dirigeant, et d’une personnalité historique véritable. Je salue le combattant de la liberté et le négociateur et l’artisan de la paix, le commandant militaire et l’inspirateur de la résistance pacifique, le militant acharné et l’homme d’État.
Vous avez consacré votre vie pour assurer que prévalent la liberté et la dignité, la justice et la réconciliation, à la paix et la coexistence. Beaucoup maintenant honorent votre combat dans leur discours. En Palestine, nous promettons de poursuivre la quête de nos valeurs communes, et d’honorer votre combat, pas seulement à travers des mots, mais en consacrant nos vies aux mêmes objectifs. La liberté, cher Madiba, devra prévaloir, et vous avez énormément contribué à faire que cette conviction soit une certitude. Reposez en paix, et que Dieu bénisse votre âme indomptable.
Marwan Barghouti
Prison d’Hadarim
Cellule n° 28
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7 décembre 2013 - Mission de la Palestine en France - traduction : Info-Palestine/JPP