Comme prévu, la toute dernière rencontre entre le Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Ehoud Olmert qui a eu lieu dans Jérusalem-Ouest samedi 15 avril, n’a produit aucun résultat important puisque Israël a refusé de discuter des questions fondamentales du conflit israélo-palestinien.
Les deux hommes ont débattu de ce qu’un responsable palestinien a qualifié de « sujets mondains », en rapport avec la forme que prendrait un futur Etat palestinien et les façons et moyens pour le mettre sur pied. À la suite de leur réunion, Abbas et Olmert ont déclaré qu’ils se rencontreraient de nouveau deux semaines plus tard, probablement en présence de la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice qui serait peut-être arrivée à la conclusion qu’ « amener les deux parties à se parler » était le maximum qu’elle pouvait faire dans les circonstances actuelles.
En effet, la rencontre, la quatrième dans son genre en moins de six mois, a été perçue comme une simple formalité faite à la demande américaine afin de donner publiquement la fausse impression que le processus de paix continue, alors qu’en vérité il est soit mort soit agonisant. Deux jours avant la rencontre, on a rapporté une déclaration d’Olmert affirmant qu’il ne serait pas d’accord pour discuter des questions décisives et centrales du conflit israélo-palestinien, à savoir notamment le droit au retour, la fin de l’occupation militaire et la colonisation dans les territoires occupés dont la partie arabe de Jérusalem-Est, et la détermination des frontières du futur Etat palestinien.
Un observateur palestinien s’est moqué de ce « jeu de faire croire », en se demandant si Abbas et Olmert n’allaient pas plutôt débattre du froid hors saison en Palestine ou probablement de la valeur nutritive du falafel et du houmous. Le culot du premier ministre israélien ne s’est pas limité à son refus de discuter des questions fondamentales du conflit. Selon Miri Eisin, sa porte-parole, Olmert est allé aussi loin qu’exiger d’Abbas des « réponses détaillées » quant « à quoi l’Etat palestinien va ressembler et le type du système juridique, économique et politique qu’il aurait ? ».
Les responsables palestiniens ont condamné Olmert pour son « ingérence odieuse dans les affaires internes qui sont par nature palestiniennes ». « Israël n’a aucun droit de décider de la façon dont les Palestiniens dirigeraient leur Etat futur ni de décider du système juridique et économique qu’ils adopteraient. Ceci est notre problème, non celui des Israéliens et Israël ferait mieux de cesser de prendre l’habitude de nous dire ce que nous devons faire », a déclaré Saeb Erekat, un responsable de l’Autorité palestinienne.
Dans la vérité, les questions sont beaucoup plus qu’une simple arrogance ou témérité de la part du gouvernement israélien. C’est un modus operandi délibéré basé sur l’esquive, les distractions et les tactiques de diversion visant à éparpiller le discours politique vis-à-vis des Palestiniens et donnant à Israël un alibi de plus pour refuser de mettre fin à une occupation des territoires palestiniens. qui dure depuis 40 ans.
La semaine dernière, Gideon Levy, un journaliste israélien a écrit un article intitulé : « Israël ne veut pas la paix », dans lequel cet auteur de premier plan qui a couvert les violations israéliennes des droits de l’homme en Palestine pendant plusieurs années, accuse le gouvernement d’Olmert d’avoir adopté une politique basée sur la tergiversation et d’apparence pour dissimuler ou masquer son rejet de toute idée de paix avec les Palestiniens.
Même les Américains, les alliés et protecteurs d’Israël semblent avoir réalisé qu’Olmert est plutôt un ma^tre de l’esquive qu’un véritable homme d’Etat ayant une vision et un plan pour la paix. Néanmoins, vu l’influence sioniste aux Etats-Unis, les responsables américains semblent vouloir garder entre leurs quatre murs une possible déception à l’encontre d’Olmert.
La futilité totale des rencontres entre Abbas et Olmert suscite un mélange d’indifférence et de colère dans le public palestinien. Ceux qui font l’opinion publique palestinienne sont arrivés à la conclusion qu’en acceptant de participer à de telles rencontres la direction palestinienne, en particulier Abbas, est en train soit de s’aveugler soit de faire preuve de naïveté.
Hani El-Masry, un éditorialiste et observateur politique très connu, a critiqué le chef de l’Autorité palestinienne pour s’être affiché avec le Premier ministre israélien lors de rencontres fréquentes et très médiatisées mais stériles. « De telles rencontres ne doivent pas avoir lieu tant qu’il n’y a pas de résultats tangibles, sinon la conséquence de ces réunions sera de donner une fausse impression de normalité entre les Israéliens et nous-mêmes », a-t-il déclaré.
En effet, la plupart des experts palestiniens ici sont convaincus que les rencontres mensuelles ou bi-mensuelles entre Olmert et Abbas sont destinées à masquer l’échec de l’administration Bush à amener Israël à accepter de mettre fin à l’occupation dans les territoires occupés et à faire ainsi le choix de la paix. Si c’est bien le cas, ces experts seraient en désaccord. Pourquoi la direction palestinienne continuerait-elle de jouer ce jeu de faux-semblants alors que tout porte à croire qu’aucun effort ne serait fait pour arriver à la paix au Moyen-Orient sous l’administration actuelle de Bush ?
Dans le même temps, on a entendu Olmert dire qu’il était ouvert à un « échange raisonnable de prisonniers palestiniens » contre un retour de Gliad Shalit, un soldat de l’occupation israélienne capturé pas des milices palestiniennes à Gaza il y a à peu près 10 mois. Lors d’un entretien avec la télévision canadienne, Olmert a refusé de divulguer le nombre de détenus palestiniens qu’il serait prêt à libérer en échange de la libération du soldat israélien. La semaine dernière, une lueur d’espoir était apparue lorsqu’ Israël a accepté de re-examiner la liste des prisonniers que le Hamas avait établie en échange de la libération de Shalit.
Cependant, cet espoir s’est vite brisé quand Olmert et d’autres responsables ont refusé la liste, en prétendant qu’elle contenait beaucoup trop de noms, y compris de dirigeants politiques importants qu’Israël détient pour servir de monnaie d’échange lors d’une éventuelle future négociation avec les Palestiniens.
Olmert est apparemment inquiet de la possibilité que la libération de plusieurs prisonniers politiques palestiniens puisse remonter le moral des Palestiniens et renforcerait le gouvernement national d’union aussi bien que le mouvement du Hamas. Mais le premier ministre israélien fait également face à une situation délicate. Shalit ne pourra être libéré vivant (ou même mort) tant qu’Israël ne libèrera pas de prisonniers palestiniens.
En outre, les organisations palestiniennes qui détiennent Shalit semblent vouloir imiter le Hezbollah dans ses tactiques très fermes de négociation vis-à-vis d’Israël, selon lesquelles aucune information sur Shalit ne sera donnée gratuitement ni même une preuve tangible qu’il est bien vivant. Aussi, tous les efforts d’Israël pour déterminer l’endroit où se trouve Shalit ont échoué.
Au début, Israël a cherché à libérer Shalit par la force en menant des incursions dans les centres où est concentrée la population palestinienne, causant la mort à des centaines de civils, y compris beaucoup d’enfants, et détruisant une grande partie de l’infrastructure de Gaza.
Quand ceci n’a pas permis de ramener Shalit, l’armée israélienne à eu recours à la prise en otage de dizaines de responsables palestiniens y compris des ministres et des députés pour les utiliser dans d’éventuelles négociations pour la libération de Shalit. Et quand cette tactique aussi a été un échec, le gouvernement israélien s’est mis à rafler des centaines de citoyens palestiniens en Cisjordanie et à les jeter dans des camps israéliens sans accusation ni jugement, avec comme objectif évident de forcer les Palestiniens à libérer Shalit.
A un certain moment, Israël est allé aussi loin que de proposer de dégeler les centaines de millions de dollars de l’argent palestinien sur les taxes que l’Etat hébreu retient depuis l’année dernière, en échange de la libération de Shalit.
Par principe, Israël s’engage à rapatrier tout soldat israélien capturé par l’ennemi, et peu importe le prix à payer. Néanmoins, cette fois-ci le prix demandé à Israël semble être trop élevé, du moins d’après le Shin Bet, l’agence principale de sécurité intérieure en Israël, d’où le dilemme. Le Shin Bet pense qu’en relâchant 1300 à 1400 palestiniens dont la plupart sont d’anciens chefs du mouvement national palestinien, Israël va renforcer le nationalisme palestinien.
Il y a aussi la thèse que le fait de relâcher des « terroriste » encouragerait les Palestiniens à mener plus de « kidnappings » contre les Israéliens dans le but de les utiliser pour contraindre Israël à négocier pour la libération des prisonniers palestiniens. Ceci est un faux débat car la grande majorité des Palestiniens déjà libérés des prisons israéliennes suite aux Accords d’Oslo ont jusqu’ici mené une vie calme et tranquille. Mais surtout, il est clair que la plupart des anciens prisonniers sont politiquement modérés et ne font que recommander une juste solution au conflit israélo-palestinien.
Il est d’autant plus clair que c’est Israël qui ne laisse aux Palestiniens que peu d’autres options que de recourir aux tactiques désespérées, comme la capture de soldats dans le but d’obliger Israël à faire ce qu’il devait faire il y a déjà longtemps, dont libérer les prisonniers politiques palestiniens.
L’incantation mensongère et souvent citée pour ne pas libérer les prisonniers palestiniens est l’argument que les Palestiniens sont des « terroristes » et non des prisonniers de guerre et qu’ils ont du « sang juif » sur leur mains, comme si des dizaines de milliers de soldats, de dirigeants et aussi de politiciens israéliens n’avaient pas des flots de sang palestinien sur leurs mains.
21 avril 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/841...
Traduction : Thouraya Ben Youssef