Ces derniers temps, avez-vous entendu dire que 1,5 million de Palestiniens sont emprisonnés illégalement par le gouvernement israélien, dans le plus grand goulag à ciel ouvert au monde ?
Leurs conditions de vie sinistres, aggravées par un siège sélectif d’Israël qui limite l’importation des produits de première nécessité - articles médicaux, nourriture, eau, matériaux de construction, carburant, pour ne citer que ceux-là - ont entraîné un taux de chômage de 80 % et des souffrances généralisées dues à des punitions illégales, des arrestations arbitraires et des incarcérations dans des prisons en Israël.
Ces conditions atroces sont la conséquence de l’invasion israélienne de Gaza fin 2008, amorcée par la rupture israélienne d’une trêve conclue avec Gaza, le 4 novembre. Quatorze cents personnes ont été tuées, dont environ 300 enfants, et des milliers d’autres ont été blessées. Le bombardement terrifiant de la population gazaouie s’est abattu sur des maisons, des hôpitaux, des écoles, des ambulances, des mosquées, des fermes vivrières, des installations de l’ONU et même sur l’Ecole Internationale Américaine. Les bombardiers israéliens ont anéanti plus de 30 membres d’une même famille élargie, dans leur propre maison. Ce bilan-là à lui seul représente trois fois le nombre de décès israéliens, qui inclut ceux causés par le feu de leurs propres troupes.
La crise humanitaire dans un Gaza surpeuplé - environ deux fois la taille du District de Columbia - « est à présent plus terrible que jamais ». C’est le jugement exprimé par le médecin et professeur de médecine norvégien Mads Gilbert, qui vient d’achever une tournée de conférences aux Etats-Unis. Gilbert, de retour d’une récente visite à Gaza, fut l’un des deux seuls médecins étrangers dans Gaza pendant le massacre de décembre 2008 à janvier 2009.
Il dit : « Pendant l’attaque israélienne, j’ai vu les effets des nouvelles armes, notamment les drones, le phosphore ainsi que les DIME (Dense Inert Metal Explosives) [munition expérimentale à base d’une enveloppe en fibres de carbone contenant un explosif mélangé à un alliage de poudre de tungstène avec également du cobalt, du nickel ou du fer], qui ne font pas de shrapnels - par contre je puis témoigner de leur capacité à couper un enfant en deux. Ils laissent également des résidus radioactifs ».
Aujourd’hui, l’anémie et le déficit en protéines sont très répandus, rapporte le Docteur Gilbert, en particulier chez les jeunes enfants. Les vivres et matériels de l’ONU et d’autres sont inadaptés, et l’équipe de l’aide humanitaire onusienne est souvent harcelée par l’administration israélienne. La reconstruction d’une ville réduite en poussière est gravement entravée par Israël, qui bloque les importations de matériaux de construction. Gilbert précise qu’il a « travaillé dans d’autres situations désespérées en d’autres lieux et que Gaza est unique à plus d’un égard. C’est une population captive - en général quand des civils sont attaqués il y a un endroit sûr où ils peuvent se réfugier et ensuite revenir à leur maison après la cessation des combats. Cela n’existe pas pour la population de Gaza puisqu’ils sont de fait emprisonnés par le siège israélien ».
Dans le prestigieux journal médical The Lancet début 2009, Gilbert a fourni des détails cliniques de la boucherie, notamment la destruction d’ambulances et d’équipements médicaux s’occupant des mourants et des blessés. Il a décrit un « système d’aide médicale effondré, attaqué et épuisé tentant d’aider une quantité accablante de victimes dans une guerre entre forces manifestement inégales, où l’attaquant n’épargne pas les vies des civils - homme, femme ou enfant - et pas même les travailleurs médicaux de toutes professions, dont on avait tellement besoin ».
Il n’est pas étonnant que les Israéliens aient banni tous les journalistes étrangers, y compris ceux des Etats-Unis - précisément le pays fournisseur de l’armement - empêchant ainsi le monde de voir le carnage tel qu’il se déroulait.
L’absence des médias a permis à l’ex-président George W. Bush et au Président désigné Barack Obama de s’en sortir en décrivant cette guerre d’agression avec la même phrase : « Israël a le droit de se défendre ». Mais il semble que les Palestiniens n’ont aucun moyen de se défendre contre le deuxième arsenal le plus puissant au monde et que leur argument dénonçant celui qui a rompu la trêve et commencé le bain de sang soit resté vain.
Pour parler simplement, les roquettes palestiniennes bricolées dans des garages sont trop faibles pour les missiles de précision modernes, les hélicoptères de combat, les bombardiers et les drones. Heureusement pour les Israéliens, 99 fois sur 100, les roquettes n’ont pas réussi à toucher un centre de population. C’est un mystère même pour les Israéliens : pourquoi les forces aériennes et l’artillerie au sol invaincues d’Israël n’ont-elles pas mis hors combat les sites de lancement si primitifs de Gaza, malgré leurs espions, leurs informateurs et leur connaissance du moindre pâté de maisons à Gaza.
Les reporters auraient exhumé ces histoires s’ils avaient été autorisés à entrer dans Gaza. Depuis 2009, les gouvernements étatsunien et israélien se sont focalisés sur l’Iran, et les journaux télévisés occidentaux ont occulté de leurs écrans Gaza, les milliers de Palestiniens dans les prisons israéliennes et la prédation accélérée de terres palestiniennes en Cisjordanie.
Le succès des propagandistes israéliens dans le contrôle de la couverture médiatique est une chose remarquable. Ils ont même réussi à mettre sur la touche d’éminents Israéliens, dirigeants retraités de la sécurité, de l’armée ou de la politique, qui recherchaient de concert avec des défenseurs des droits civiques et des pacifistes une solution à deux Etats, la fin de la confiscation de terres et de maisons palestiniennes, et le déboulonnage du discours va-t-en-guerre contre l’Iran, destiné à des objectifs de politique intérieure tant en Israël qu’aux Etats-Unis.
Par exemple, Meir Dagan, directeur du Mossad - la CIA israélienne - de 2002 à 2010 qualifie ainsi le bombardement de l’Iran : « la chose la plus stupide que j’aie jamais entendue ». Beaucoup d’Israéliens bien informés sont d’accord avec lui. Mais, tout comme aux Etats-Unis pendant les mois précédant l’invasion de l’Irak en 2003, les voix de l’expérience et du bon sens ne sont pas entendues. Pas davantage que les paroles candides prononcées par le père fondateur d’Israël David Ben Gourion, parlant des Palestiniens dépossédés des années auparavant : « Nous sommes venus et nous avons volé leurs terres. Pourquoi accepteraient-il cela ? ».
N’aurait-il pas fallu depuis longtemps amener ces éminents diseurs de vérité, ces avocats de la paix et ces refuzniks de l’armée à une audition publique, pour la toute première fois, devant le Congrès des Etats-Unis ? Ce qui est en jeu, c’est la paix ou davantage au Moyen-Orient. L’enjeu est aussi la possibilité d’une autre « guerre de choix » contre l’Iran, avec les conséquences probablement incontrôlables que provoquerait un tel affrontement.
Les membres du Congrès laisseraient-ils le lobby AIPAC (America Israel Public Affairs Committee) empêcher des Israéliens d’aller aux Etats-Unis présenter un tel témoignage ? Ou bien le Comité des Affaires étrangères du Sénat et la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, présidés respectivement par le sénateur démocrate John Kerry et la députée républicaine Ileana Ros, se contentent-ils de suivre les lignes de leurs partis ?
* L’auteur est un avocat défenseur des consommateurs et juriste, il est l’auteur de « Only the Super-Rich Can Save Us » [non traduit en français].
1er mai 2012 - Al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2012/109...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert