Où et quand es-tu née ? Que faisaient tes parents ?
Je suis née en 1954 dans le village de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Je ne suis pas une fille de réfugiés. Ma mère était institutrice et mon père directeur du conseil municipal de Khan Younis.
Quand t’es-tu impliquée pour la première fois dans la vie sociale de ta communauté ?
Cela remonte à 1969. Fréquentant le collège, j’organisais, avec d’autres élèves, des manifestations contre l’occupation israélienne. A l’époque, nous tentions de mettre sur pieds des activités éducatives et ludiques pour nos amis et nos voisins. La chose n’était pas aisée. Nous manquions de ressources et la résistance à l’occupation occupait la majeure partie de notre temps. J’étais alors âgée de 16 ans.
Pourquoi avoir étudié la médecine ?
C’est au Caire que j’ai suivi mes études. Ce choix était guidé par le souvenir de l’invasion de 1967. Je voulais servir mon peuple et cela m’a conduit à étudier la médecine. Je me suis spécialisée en dermatologie. Toutefois, aujourd’hui, je suis surtout impliquée dans l’éducation à la santé et la récolte de fonds pour les Health Work Committees et le Croissant Rouge Palestinien.
Ta condition de femme a-t-elle engendré des difficultés particulières ?
Dans mon pays, les femmes connaissent deux contraintes. Elles vivent sous occupation et au sein d’une société traditionnelle. Il en résulte toute une série de pressions auxquelles les femmes et les filles palestiniennes sont exposées.
Le simple fait de travailler n’est pas chose aisée. Mon cas n’est pas exceptionnel, j’ai du payer de ma personne pour continuer mes activités professionnelles. Mais ma détermination, ainsi que mon souhait de servir ma communauté et plus particulièrement les femmes, m’ont aidé à atteindre mes objectifs. J’ai adopté un comportement « adéquat », cherchant à ne pas choquer les habitants de Gaza. Je n’ai pas voulu brusquer les choses au risque de les bloquer, gardant à l’esprit la lenteur des changements socio-culturels et la nécessité d’efforts à long terme.
Les femmes souffrent-elles spécifiquement de l’occupation ?
La société palestinienne est organisée de façon partiarcale. Aujourd’hui, de nombreux pères sont absents du foyer : emprisonnés, blessés ou tués. La répression de l’occupant boulverse les mécanismes familiaux. Les femmes sont amenées à endosser de nouvelles responsabilités au sein des familles. A Gaza, 12% des foyers ont pour chef de ménage des femmes. Ces dernières doivent s’en accommoder et s’adapter à plus de responsabilités, dans un contexte toujours plus dur, et ce sans abandonner leur rôle traditionnel.
Par exemple, leur responsabilité envers les enfants reste importante. Leur rôle de mère est déterminé par l’occupation, et les conséquences sont souvent terribles. Un exemple, les mères sont parfois amenées à porter dans leurs bras leurs enfants, au beau milieu de la rue, en pleine nuit, malgré la pluie ou le froid, car l’armée israélienne est en train de démolir leur maison. Sept milles maisons ont été détruites pendant l’Intifada, 5000 à Gaza. Ces agressions continuelles engendrent des syndromes post-traumatiques importants sur les mères et leurs enfants. 36% des femmes de Gaza souffrent de ce syndrome, et 45% des enfants.
Prendre soins de sa santé et de la santé de ses enfants est chaque jour plus compliqué pour les femmes de la Bande de Gaza. Les soins médicaux sont de plus en plus inaccessibles. 70% de la population de Gaza dépend de l’aide internationale et la pauvreté devient l’un des problèmes majeurs de toutes familles. Selon une de nos études, dans la bande de Gaza, 42% des enfants souffrent d’anémie, et environs 38% des femmes enceintes.
Les femmes ont-elle un point de vue différent concernant l’issue du conflit ?
Certaines ont une vision spécifiquement féminine. Mais fondamentalement, à l’instar des hommes, elles privilégient une paix basée sur la justice : sur le droit au retour pour les réfugiés et sur la reconnaissance d’un état israélien fondé sur la ruine de ces milliers de réfugiés. Mais les femmes accordent peut-être plus d’importance à une paix et une justice pour les deux camps. Cela ne les empêchent pas de jouer un rôle déterminant, souvent d’avant garde, dans la lutte pour la libération de notre pays, dans un combat quotidien contre l’occupant et la colonisation.
Auriez-vous un message aux femmes de Belgique, à l’occasion de la journée internationale des femmes qui s’est déroulée ce mois-ci ?
Les femmes doivent être fortes pour se construire un futur d’équité entre les genres. Pour construire un monde d’égalité et de justice pour tous, le combat des femmes et la solidarité entre ces dernières et fondamentale. Je vous aime toutes et tous.
Joaquim Da Fonseca - International Action for Liberation, le 22 mars 2007