Il y a quelque chose de frivole et d’absurde dans la reconnaissance soudaine de la France du leadership des rebelles libyens à Benghazi comme une sorte de quasi-gouvernement. Vraisemblablement destiné à donner l’impression que Nicolas Sarkozy a prise sur les événements, c’est l’évidence qu’il ne sait pas que faire de plus que les autres dirigeants européens.
La reconnaissance de chefs non élus et autoproclamés dans un pays où la guerre civile fait rage est un rappel, plutôt de l’impérialisme du 19ème siècle, quand les Britanniques, par exemple, choisissaient un chef dans un pays comme l’Afghanistan qui serait probablement coopératif. D’habitude il y a un prix à payer pour cela. Les chefs soutenus par les pouvoirs extérieurs peuvent obtenir des armes et de l’argent, mais leur crédibilité locale ne sera probablement pas améliorée. En Libye, Kaddafi peut ridiculiser plus facilement ses adversaires comme des dupes étrangers. Si la reconnaissance de la junte de Benghazi vise à fournir un abri politique à l’intervention militaire postérieure, cela ne convaincra à nouveau probablement personne que les Libyens prennent leurs décisions.
Ce qui rend la décision de la France encore plus surprenante est que l’intervention étasunienne en Afghanistan et Irak montre les conséquences dévastatrices de ne pas avoir d’allié local crédible. La seule chose connue à propos du leadership rebelle en Libye est qu’il est divisé et inefficace. En Afghanistan l’élévation de Hamid Karzai au rang de chef d’État en 2001, même confirmé par une élection, a laissé les États-Unis sans un réel partenaire. En Irak en 2003 les États-Unis ont commencé leur occupation en exerçant le pouvoir eux-mêmes, mais ont choisi comme interlocuteurs des irakiens qui étaient sans soutien. Jusqu’ici la crise libyenne a montré la qualité médiocre du leadership européen en général, qui est maintenant confirmé par l’action française. Il est difficile de voir ce que cela aura de bon pour les Libyens, sauf leur faire attendre une intervention qui peut ne jamais arriver.
The Independent - Londres, 11 mars 2011. Traduit de l’anglais pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
Sources : El correo - Oulala