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Le Liban est la scène, mais les acteurs sont à l’étranger

mercredi 19 janvier 2011 - 08h:48

Scarlett Haddad - L’Orient-le-Jour

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Ce que craignait l’opposition s’est produit : l’acte d’accusation du procureur Daniel Bellemare a été remis au juge de la mise en état Daniel Fransen avant la conclusion d’un accord interne. Désormais, toutes les options sont ouvertes.

Le secrétaire général du Hezbollah a d’ailleurs été très clair dans son dernier discours en dissociant le processus gouvernemental de celui de l’acte d’accusation. L’opposition traitera avec le premier selon les règles et les moyens constitutionnels. Quant au second, il sera abordé dans l’esprit des événements de Tunis, a laissé entendre Sayyed Nasrallah. Ce qui permet de croire à un éventail d’actions, notamment sur le terrain.

Concernant le volet gouvernemental, le scénario le plus probable semble être celui d’une longue crise. Selon des premiers pointages, l’opposition croyait pouvoir faire parvenir son candidat à la tête du nouveau gouvernement. Mais elle ne s’attendait pas à une telle offensive de la part de la communauté internationale, et notamment de la part des Américains. Il semblerait à cet égard que le secrétaire d’État adjoint Jeffrey Feltman aurait contacté à plusieurs reprises le leader druze pour le pousser à ne pas se ranger aux côtés de l’opposition. Au cours de sa rencontre avec le président Bachar el-Assad, il aurait confié à ce dernier qu’il ne peut pas imposer sa volonté aux membres de son bloc qui ne sont pas aussi membres du PSP. En réponse, Bachar el-Assad ne lui aurait rien demandé et la conversation aurait tourné plutôt autour de sujets stratégiques et en particulier sur la nécessité de laisser la solution entre les mains des gouvernements et des peuples de la région. En d’autres termes, le président syrien ne souhaiterait pas une internationalisation de la crise libanaise, mais plutôt, s’il le faut, sa régionalisation. D’où le sommet tripartite qui s’est tenu lundi à Damas entre le président syrien, le Premier ministre turc et l’émir du Qatar.

Les responsables turc et qatari étaient, selon certaines informations, mécontents de l’initiative prise par l’opposition de faire chuter le gouvernement d’union nationale, en violation de l’accord de Doha, mais leur initiative avait la bénédiction du roi Abdallah d’Arabie, et, en définitive, les trois responsables réunis à Damas ont décidé d’appeler les Libanais à revenir à l’accord syro-saoudien pour surmonter cette crise. Des rumeurs indiquent d’ailleurs que le président syrien pourrait se rendre chez le roi Abdallah dans le courant de la semaine pour lui souhaiter un bon rétablissement. Mais des sources bien informées s’empressent de déclarer qu’il ne faut pas non plus attendre des miracles d’un processus qui a duré des mois avant de se terminer, pour l’instant, en queue de poisson.

Aujourd’hui donc, le scénario le plus probable est le suivant : l’opposition ne peut pas faire nommer son candidat à la présidence du Conseil et Saad Hariri désigné une seconde fois, par une faible majorité, ne peut pas non plus former un gouvernement, sans des personnalités chiites représentatives et sans même des personnalités druzes de poids, puisque Joumblatt a clairement affirmé à ses interlocuteurs que non seulement il ne donnera pas ses voix à l’opposition, mais il refusera de participer à un gouvernement à coloration unique. Autre scénario possible, le président Sleiman reporte une nouvelle fois les consultations parlementaires. Mais le résultat est le même : le Liban se trouve face à une crise gouvernementale et la seule issue possible pour l’instant est l’acceptation par les deux camps de l’accord syro-saoudien.

Pour l’opposition, la chute du gouvernement a permis d’affaiblir Saad Hariri, au point que la communauté internationale se mobilise pour le ramener dans ses fonctions. Elle estime donc que sa démarche a ouvert la voie à une nouvelle négociation à grande échelle, tout en établissant une sorte d’équilibre dans le rapport de force politique interne. Pour le 14 Mars, l’incapacité de l’opposition de faire nommer son candidat à la tête du gouvernement, doublée de la remise de l’acte d’accusation par Bellemare au juge Fransen, lui a fait perdre une carte importante et elle est désormais affaiblie. Ce serait en quelque sorte une équation selon laquelle les deux camps seraient faibles. Mais cela ne semble pas pour autant les rendre plus sages, puisque pour l’instant, avec ou sans les injonctions des ministres du Qatar et de Turquie, chacun campe sur ses positions.

L’opposition exige un gouvernement qui suspende toute coopération libanaise avec le TSL, en plus d’un appui clair à la résistance contre Israël. Saad Hariri refuse cette équation, ou en tout cas a posé des conditions qualifiées d’inacceptables par l’opposition en contrepartie de son accord. Lui et son camp comptaient sans doute sur un effet déterminant des pressions arabes et régionales exercées sur la Syrie pour faire céder l’opposition. Mais la Syrie, qui a refusé de faire pression sur Joumblatt, respectant ainsi sa position délicate, maintient son appui total à la résistance et sa position vis-à-vis du TSL. Les dirigeants syriens estiment que le temps joue en leur faveur ; les Américains aussi, qui attendent toutefois la réunion d’Istanbul avec les Iraniens le 21 janvier pour définir la prochaine étape dans la région.

Seuls les Libanais sont les perdants. Ils sont les pièces du jeu d’échecs, mais les joueurs sont hors de leurs frontières.

19 janvier 2011 - L’Orient-le-Jour


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