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Au bord de l’abîme

samedi 11 décembre 2010 - 11h:24

Khaled Amayreh

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Comme les USA laissent à Israël tout loisir de créer des colonies, Abbas envisage à nouveau de tout laisser tomber écrit Khaled Amayreh depuis Jérusalem occupée.

L’administration Obama a porté le coup de grâce au projet de paix et d’unité nationale de l’Autorité palestinienne (AP) du président Mahmoud Abbas en renonçant à faire pression sur Israël pour reconduire le gel de la construction des colonies.

Quelques heures avant la diffusion de la déclaration US, Abu Mazen parlait encore de « si » au cours de son interview télévisée à Ramallah cette semaine. Abbas a dit que si les négociations de paix avec Israël s’effondraient, les Palestiniens pourraient chercher à obtenir la reconnaissance unilatérale par les Nations unies d’un État en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et à Jérusalem-Est - territoires saisis par Israël en 1967 - et que tout le maintien de l’ordre serait cédé aux Israéliens.

« Si tous les efforts échouent, je dirai aux Étasuniens et aux Israéliens « Qu’on en finisse. Ça ne peut pas durer. Je ne peux pas présider une autorité qui n’existe pas. Gardez tout et libérez-moi de cette responsabilité ».

Quand on lui a demandé s’il parlait sérieusement, Abbas a répondu « oui, je dis aux Israéliens : ?vous pouvez continuer à occuper [notre pays], mais on ne peut pas en rester là ? ».

Les paroles d’Abbas reflètent apparemment sa profonde déception devant le processus de paix stérile, constamment érodé par la construction sans trêve de colonies israéliennes ainsi que les efforts interminables et généralement infructueux déployés par l’administration Obama pour amener Israël à arriver à un « compromis » qui inciterait l’AP à reprendre des entretiens incertains.

En outre, la menace d’Abbas - qu’il ne brandit pas pour la première fois - est ostensiblement en réaction à l’annonce faite officieusement par l’administration Obama au leadership de l’AP concernant son échec à obtenir d’Israël la prolongation du gel des colonies afin de donner une chance aux négociations de paix.

Les sources de l’AP ont dit qu’aucun message final n’avait été reçu et que l’AP attendait toujours ce message de Washington. L’administration Obama essaierait d’inciter Israël à geler partiellement l’expansion des colonies pendant 90 jours en échange d’une assistance militaire massive et de concessions diplomatiques que certains commentateurs occidentaux ont taxées de « galéjades » et de « scandaleuses ».

Il n’est pas certain qu’Abbas mettrait sérieusement sa menace à exécution et dissoudrait complètement l’AP. Ceux qui le critiquent décrivent le régime de l’AP comme un boulet massif, mais avantageux en attendant la création d’un véritable État palestinien indépendant.

« Que nous le voulions ou non, l’Autorité palestinienne sert à consolider et à perpétuer l’occupation israélienne. Le nombre de colonies juives dans les territoires occupés a triplé sous le régime de l’AP et Israël utilise l’autorité pour se dérober à ses responsabilités légales au titre de la quatrième Convention de Genève » a avancé Hazem Kawasmeh, économiste de renom de Jérusalem-Est. « En fait, Israël utilise l’AP pour annoncer au monde que l’occupation est terminée ».

Kawasmeh a relevé que l’AP jouait le pire rôle possible de toute organisation languissant sous une occupation militaire étrangère ; à savoir, la prétendue « coordination de sécurité » avec l’ennemi. « C’est la raison pour laquelle nous voyons des membres des forces de sécurité palestiniennes, formées par les USA, disparaître chaque fois que les forces d’occupation envahissent les agglomérations palestiniennes pour arrêter, écraser ou tuer des Palestiniens ».

Ceux qui partagent ce point de vue prétendent que le peuple palestinien ne devrait jamais se laisser prendre en otage dans une situation où il lui faut choisir entre une autorité sans souveraineté et une occupation militaire perpétuelle. Néanmoins, ce sont les carrières, les gagne-pain et le bien-être financier de nombreuses personnes qui sont inextricablement liés à l’existence et à la survie de l’AP. Par conséquent, parler de démanteler l’AP est une chose et le faire sur le terrain en est une autre.

On estime à 130 000 le nombre de fonctionnaires qui reçoivent leur salaire de l’AP à la fin du mois. Il y a en outre 60 000 à 70 000 agents de sécurité répartis entre plusieurs agences qui contribuent à maintenir la loi et l’ordre ainsi qu’à maîtriser les « éléments adversaires de la paix » — euphémisme qui désigne les militants islamiques. Que se passerait-il si ces centaines de milliers de personnes perdaient leur emploi et leur source de revenus ?

Par ailleurs, la police de l’AP et les forces paramilitaires remettraient-elles simplement leurs armes, leur équipement et leurs installations aux Israéliens avant de rentrer chez elles ? Israël n’est pas particulièrement enthousiaste à l’idée de reprendre l’administration quotidienne de près de 3 millions de Palestiniens déçus et en colère. En dépit de l’opposition de certains colons messianiques qui voulaient reprendre la terre et en expulser les habitants, Israël a vu dans la création de l’autonomie palestinienne une bonne chose lui permettant de garder pratiquement tous les avoirs palestiniens - en tant que puissance occupante - tout en forçant tout le passif sur le gouvernement palestinien, lui-même obligé de lui rendre des comptes.

Il est donc très douteux que même si le leadership de l’AP voulait dissoudre le régime de l’AP, Israël permettrait le retour au statu quo ante (situation d’avant la signature des accords d’Oslo en 1993). Une telle situation est un cauchemar pour les stratèges israéliens dont les calculs se fondent sur l’annexion d’un maximum de terres palestiniennes avec un minimum d’habitants palestiniens.

Entre-temps, l’AP a reçu un encouragement moral des plus nécessaires de la part de trois Etats sud-américains - le Brésil l’Argentine et le Paraguay - qui ont annoncé qu’ils reconnaîtraient l’État-nation de Palestine dans les frontières de 1967. D’autres pays pourraient leur emboîter le pas, créant ainsi une nouvelle réalité, voire un nouvel élan vers une solution éventuelle au conflit le plus long du monde. La reconnaissance internationale sèmerait aussi la pagaille dans les plans US et provoquerait l’embarras et l’isolement diplomatique d’Israël.

Khalid Amayreh est un journaliste qui vit à Dura, dans le district d’Hébron, Cisjordanie, Palestine occupée. Il a un bachelor en journalisme de l’université d’Oklahoma (1981) et un master en journalisme, de l’université de Southern, Illinois (1983)

Du même auteur :

- Netanyahu : le champion des colons
- Ramallah cherche une issue
- Le fascisme sous forme de lois
- Pour Abbas, c’est le moment de démissionner
- Colonies juives : une débauche de constructions
- Pendant les pourparlers, Israël continue de tuer
- Irrémédiables criminels de guerre
- Un échec clairement programmé

9 décembre 2010 - Al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://weekly.ahram.org.eg/2010/102...
Traduction : Anne-Marie Goossens


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