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Le mensonge sanglant de la démocratie en Irak

vendredi 26 novembre 2010 - 06h:22

Ahmed Habib - EI

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La réalité est que la démocratie en Irak n’existe pas au-delà du show-business dans des simulacres d’élections, écrit Ahmed Habib.

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Un jeune garçon irakien dans une école de musique n’a pas été reconstruite depuis qu’elle a été détruite pendant la guerre américaine en Irak - Photo : Julie Adnan/Reuters

« Cela fait près d’un million de mois depuis que les Irakiens ont couru aux urnes, pour combler les trous de leurs âmes avec des bulletins tachés de sang. Des centaines de candidats en tenue de gala ainsi que des serpentins dans le ciel coloraient les postures libérales, et perpétuaient les mensonges selon lesquels il y aurait la démocratie.

Hypocrisie de premier ordre, les politiciens mettaient leur échec sur le dos de la porosité des frontières, tout en suivant en tout aveuglément les ordres américains, de la défense jusqu’à l’éducation. La mort d’une nation, l’assassinat systématique et la déshumanisation permanente de millions de personnes... L’incendie de mosquées, d’écoles, d’hôpitaux et les clochers réduits à l’état de miettes... L’Irak est mort, une balle dans le c ?ur et un coup de poignard dans la tête. » - Extrait d’un nouveau spectacle de poésie orale : « Lettres inachevées d’Irak. »

Avant les élections législatives en Irak, le 7 mars de cette année, toutes les principales factions politiques qui concouraient dans des élections nationales du pays, avaient toutes déclaré l’affaire comme corrompue et non représentative de la volonté du peuple. Ils se sont ainsi préventivement concocté une excuse pour de mauvais résultats pouvant sortir de cette comédie. Des rapports indépendants corroboraient leurs déclarations avec des témoignages de formulaires d’inscription falsifiés et d’urnes qui fuient. Toutefois, les élections sont passées, et les résultats ont été applaudis par les autres fausses démocraties à travers le monde. Depuis lors, un processus totalement constipé de construction d’une coalition, a laissé l’Irak sans gouvernement depuis plus de huit mois.

En dépit de la tristesse grinçante de tout cela, les médias libéraux, et la population désespérée de l’Irak, continuent à soutenir la procédure électorale avec une ferveur religieuse. De l’extérieur de l’Irak, ceux qui ont politiquement organisé l’occupation voient les élections comme une justification pour leur complicité dans cet assassinat de masse. Pendant ce temps ceux de l’intérieur du pays tentent de composer avec la perte immense de vie, par tous leurs espoirs mal placés sur les promesses vides d’un politicien ou d’un autre.

L’inconsistance des résultats et les drames qui ont suivi ne racontent qu’une partie de l’histoire. Un processus électoral détourne habilement toute l’attention de l’inaptitude colossale du gouvernement, et fait circuler des histoire à dormir debout d’un jeune pays dont la renaissance a eu lieu. La réalité est que la démocratie en Irak n’existe pas au-delà du show-business des simulacres d’élections.

En l’absence de nourriture, d’électricité, d’eau, d’éducation, de santé, de sécurité et de dignité, le vote existe seulement comme moyen pour augmenter l’espérance de vie de l’occupation, et contribue ironiquement à couper l’herbe sous le pied de tous les mouvements de base qui s’inspireraient de véritables institutions démocratiques dans le pays. Les étudiants, les travailleurs, les organisations communautaires, les femmes, les mères célibataires, les orphelins handicapés, les pauvres et tous les autres secteurs marginalisés de la société continueront de voir la démocratie à une douloureuse distance tout en supportant le poids de ses échecs.

Historiquement, l’émergence d’un pays souverain, autonome, laïque, progressiste, économiquement puissant dans la région était une inquiétante possibilité pour les États-Unis avides de pétrole et de plus en plus obsédés par l’expansionnisme soviétique dans l’ère qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Ces quarante dernières années ont vu un véritable programme de pillage et d’exploitation qui a tout dévoré sur son chemin à travers certaines des terres les plus fertiles au monde.

Sous le parti Baas de Saddam Hussein, la société civile en Irak a été détruite, les libertés personnelles exterminées et la majorité des ressources du pays ont été gaspillées, pour le compte d’une dictature paranoïaque et d’une guerre américaine par procuration avec l’Iran. Sous les sanctions, les infrastructures de l’Irak ont été anéanties, des millions de personnes ont été tuées et le vol et la corruption a pris une place prépondérante dans la mauvaise gestion des affaires du pays.

Depuis l’occupation, des millions d’autres personnes ont vu leur vie détruite, la plus grande extorsion systématique des ressources d’un pays réalisée avec succès, et la langue du sectarisme qui a étouffé les aspirations des générations à venir. Pendant tout ce temps, l’Amérique a mené la guerre la plus violente de l’histoire de l’humanité.

Les élections sont juste un autre épisode de cette mise à mort de l’Irak.

En 1963, le coup d’état soutenu par la CIA - qui a déposé le gouvernement populiste et de gauche du brigadier général Abdul Karim Qassim et a ensuite contribué à amener au pouvoir le parti Baath de Saddam - ressemble beaucoup à ce qui s’est produit hier. Pendant le coup sanglant, des listes de militants progressistes ont été fournies aux partisans baathistes par les Etat-Unis, pour qu’ils soient assassinés dans les campus et dans d’autres espaces publics. Un des hommes brandissant un pistolet, terrorisant l’université de Bagdad, était en personne l’estimé Dr. Ayad Allawi lui-même, un des principaux participants aux récentes élections irakiennes. Il est le chef du mouvement national irakien (Al-Iraqiya), le parti politique qui a gagné le plus grand nombre de sièges.

Son rival, Al-Maliki de Nouri, est secrétaire général du parti islamique Dawa [prédication], qui a été mis sur pied par un groupe d’ecclésiastiques dans les années 60 pour établir un état islamique en Irak. Bien qu’il n’ait pas été laïc comme ses contre-parties baathistes, il a également considéré le socialisme comme son ennemi principal. Dès ses débuts, le parti d’Al-Maliki a développé un rapport incestueux avec la révolution islamique en Iran, et a vécu sous sa protection durant toute la période du régime de Saddam. L’histoire du parti et ses projets sectaires en font un complément parfait à la destruction complète de l’Irak, et il a ainsi bénéficié d’un grand succès dans le cadre de l’Irak sous occupation.

Actuellement, le parti Dawa fonctionne sous couvert du regroupement l’ « Etat de la Loi de Coalition » qui a emporté le deuxième plus grand nombre de sièges dans les élections de 2010.

Les deux partis sont des amis avérés des Etats-Unis et poursuivent une stratégie visant à totalement brûler l’Irak de façon à pouvoir le reconstruire selon leurs propres visions d’une démocratie pervertie et sponsorisée par les Etats-Unis. Tandis qu’Allawi préfère une mort par le néo-libéralisme avec un penchant de nationalisme, Al-Maliki a pour objectif d’enterrer Bagdad et les autres villes sous les décombres des violences sectaires. Dans les deux cas, la tyrannie, la corruption et l’assassinat en masse sont les éléments nécessaires à l’accomplissement de leur la tâche. Les Etats-Unis en sont enthousiastes et sont satisfaits de jouer le rôle du maître de jeu à distance.

Partant de Al-Maliki et d’Allawi, il est possible de se faire une idée de la totalité de la classe politique irakienne qui fait son chemin en massacrant. Les différentes variations du fondamentalisme religieux, de l’ultranationalisme, du capitalisme hyperactif et de l’incompétence, caractérisent la démocratie dans le pays. Et en dépit de leurs différences dans la réalisation, les résultats sont toujours identiques : une plus grande douleur pour le peuple d’Irak. Al-Sadr, Al-Chalabi, Talibani, Al-Dulaimi, Al-Hakim, Al-Alousi et Al-Jaafari sont juste une partie des escrocs qui ont terrorisé l’Irak la plus grande partie de la dernière décennie.

La solution aux ennuis de l’Irak dépasse ses frontières, s’étendant des rues appauvries du Caire, passant par le mur de ségrégation en Palestine et allant jusqu’aux massacres commis par la coalition à proximité de Kaboul. Sans un réveil internationaliste et radical dans les campagnes et les usines d’Irak, le peuple continuera à être victime des résultats du vote. Sans effort centralisé et concerté pour reconstruire l’infrastructure du pays, les Irakiens continueront à vivre dans des conditions proches de l’apocalypse, attendant avec désespoir une mort imminente. Sans contrôle des ressources du pays, l’Irak fonctionnera une durée indéfinie comme une proie facile pour des vautours cherchant de faciles bénéfices.

On pourrait discuter et dire que le choix d’un gouvernement est un passage nécessaire pour que tous ces souhaits se réalisent, mais les mécanismes qui régissent l’Irak sont éloignés des mains du gouvernement. Les officiels élus ne sont rien d’autre que des souteneurs qui maintiennent la tête de l’Irak hors de l’eau tandis que le pays est violé par des douzaines de démons carburant au dollar. En l’absence d’un programme politique de fond, progressif, radical, l’Irak moribonde continuera à naviguer d’une élection à l’autre.

* Ahmed Habib est un écrivain irakien vivant à Toronto. Il peut être contacté à shakomako@gmail.com

18 novembre 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Abd Al-Rahim


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