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Iran : Affrontement inévitable ?

vendredi 2 mars 2007 - 17h:47

François Soudan

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A tous ceux qui redoutent le pire, à ceux aussi - bien moins nombreux mais tout aussi déterminés - qui l’espèrent, les bruits de bottes qui résonnent du côté de la mer d’Oman et de la frontière irako-iranienne rappellent irrésistiblement ces mois terribles de la fin 2002 et du début 2003, lorsque nul n’était en mesure d’enrayer l’engrenage conduisant à l’invasion de l’Irak.

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14 février - Dix-huit personnes ont été tuées dans l’explosion d’une bombe au passage d’un car à Zahedan dans le sud-est de l’Iran. La main des Etats-Unis ? (Photo : Reuters/Irna)

Survols quotidiens des confins iraniens par des avions espions américains, autorisation explicite donnée aux GI’s de liquider les « agents iraniens » infiltrés en Irak, envoi d’un second groupe aéronaval de l’US Navy dans le Golfe, déploiement de nouvelles batteries de missiles Patriot au Koweït, à Bahreïn, au Qatar et à Oman, publication régulière à la une des médias anglo-saxons de plans d’attaque aérienne contre l’Iran... De Vienne, où se trouve le siège l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à Washington, où les faucons néocons reforment les rangs, pas un jour ne passe désormais sans son lot de nouvelles alarmistes.

En contrepoint, les déclarations dures du président iranien Mahmoud Ahmadinejad ont un air de provocation qui évoque parfois Saddam Hussein, il y a quatre ans. « La justice commande, a-t-il ainsi martelé le 20 février, que ceux qui exigent l’arrêt de nos activités d’enrichissement de l’uranium mettent également fin à leur cycle du combustible nucléaire. Alors, nous pourrons envisager un dialogue. »

L’affrontement est-il inévitable ? Non, répondent, en cette fin février, deux experts dont la compétence en la matière est sans équivalent : l’Égyptien Mohamed el-Baradei, directeur général de l’AIEA, et le Suédois Hans Blix, ancien patron du programme de désarmement en Irak (2000-2003). Certes, l’un et l’autre ne se font guère d’illusions sur la volonté iranienne de se doter, à terme, de l’arme nucléaire, mais ils estiment que le meilleur moyen de priver la communauté internationale de toute chance d’obtenir l’arrêt, voire un simple gel, de ce programme, est de persister dans la voie actuelle.

Votée le 23 décembre 2006, la résolution 1737 de l’ONU pose, on le sait, comme condition à l’ouverture de négociations l’arrêt préalable de la production iranienne de plutonium, sous peine d’une aggravation des sanctions. Or, estiment Blix et Baradei, cette « approche humiliante », qui marginalise au passage les forces modérées au sein de l’appareil dirigeant iranien, ne marchera pas. Elle débouchera, à terme, sur un retrait de l’Iran de l’AIEA et sur l’installation effective des trois mille centrifugeuses annoncées par Ahmadinejad. Au bout du compte, elle contribuera à accroître la probabilité d’une guerre qualifiée par Blix de « désastreuse » pour l’Occident (flambée du terrorisme, crise pétrolière, déstabilisation régionale, etc.), tout en ne repoussant que d’un an ou deux la fabrication de l’arme atomique iranienne. « On ne peut pas, ajoute très justement Baradei, anéantir un savoir-faire avec des bombes. »

Alors, quelle solution ? « La question iranienne ne sera résolue que lorsque les États-Unis accepteront de négocier directement avec l’Iran », affirme Baradei, qui préconise « une pause » dans le conflit. Pour que ces pourparlers puissent s’ouvrir, le patron de l’AIEA souhaite « une double suspension » concomitante : suspension par les Iraniens de leur programme et suspension par le Conseil de sécurité de l’application des sanctions.

Dans une tribune publiée le même jour, Blix se veut plus explicite. L’exemple à suivre, dit-il, est celui que les Américains eux-mêmes ont donné en négociant avec la Corée du Nord, à Pékin. Washington n’a pas exigé de Pyongyang un arrêt préalable de son processus d’enrichissement de l’uranium - et cela pour une excellente raison : le sujet des discussions était justement de trouver le moyen d’arrêter cette production. Pourquoi, se demande Blix, alors que les situations sont similaires, la diplomatie serait-elle de mise d’un côté et la canonnière de l’autre ? Pourquoi deux poids, deux mesures ? La réponse, sans doute, est à rechercher du côté de cette aventure désastreuse de la Bush-Cheney Company : l’Irak.

François Soudan - Jeune Afrique, le 25 février 2007


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